Ce mardi 30 novembre marque l’entrée de Joséphine Baker au Panthéon. Il s’agit de la sixième femme à rejoindre le temple républicain. L’artiste afro-américaine était connue comme une héroïne de la résistance et une militante antiraciste. Zoom sur les femmes qui ont fait l’entrée au Panthéon et qui reposeront à ses côtés.
Le parcours admirable et impressionnant de Joséphine Baker
Freda Josephine McDonald, alias Joséphine Baker est née en 1906 et décédée en 1975. Elle est native de Saint-Louis dans le Missouri et débarque en France en 1925. Elle n’avait qu’une idée en tête : fuir une nation ségrégationniste et raciste. “Un jour, j’ai réalisé que j’habitais dans un pays où j’avais peur d’être noire. C’était un pays réservé aux Blancs. Il n’y avait pas de place pour les Noirs. J’étouffais aux États-Unis à l’époque. Beaucoup d’entre nous sont partis, pas parce que nous le voulions, mais parce que nous ne pouvions plus supporter ça…Je me suis sentie libérée à Paris”, explique-t-elle.
Elle était très agréablement surprise de voir l’accueil chaleureux que lui avaient réservé les Parisiens : « Français, Françaises, immédiatement gentils », raconte-t-elle à Marcel Sauvage, qui a retracé sa vie au cours de longs entretiens dans Les Mémoires de Joséphine Baker.
Elle a été naturalisée en 1937, après son mariage avec le courtier Jean Lion. La Française d’origine afro-américaine, issue d’un milieu extrêmement pauvre, a enfilé plusieurs casquettes et a mené de nombreux combats tout au long de sa vie. En plus d’avoir été actrice, danseuse et chanteuse, elle a lutté contre les nazis lors de la Seconde Guerre mondiale. Joséphine Baker a fait preuve d’un courage et d’une détermination hors pair et a prêté main-forte à la Résistance en s’illustrant en tant qu’espionne. « Elle voulait défendre sa nouvelle patrie, c’est un engagement tout à fait sincère et spontané », assure à franceinfo son ancienne secrétaire particulière Michèle Barbier.
Joséphine Baker : de star du music-hall à militante de la Résistance
Le 3 septembre 1939, la France déclare la guerre à l’Allemagne. À l’époque, le service de renseignement français cherchait d »honorables correspondants, c’est-à-dire des personnalités dignes de confiance dont il avait l’intention d’utiliser la notoriété et les fréquentations dans les milieux diplomatiques pour les infiltrer et obtenir des renseignements », détaille à franceinfo l’historienne Frédérique Neau-Dufour.
Quand Jacques Abtey, espion au sein du 2e Bureau propose à la danseuse de devenir espionne, elle fut directement conquise par le projet. « C’est la France qui a fait ce que je suis, je lui garderai une reconnaissance éternelle. La France est douce, il fait bon y vivre pour nous autres gens de couleur, parce qu’il n’existe pas de préjugés racistes. Ne suis-je pas devenue l’enfant chérie des Parisiens ? », se confie-t-elle dans le livre de Jacques Abtey La Guerre secrète de Joséphine Baker.
Joséphine Baker a pris son rôle très au sérieux et a profité de ses différentes représentations en France, en Europe, en Afrique du Nord ou encore au Moyen-Orient, pour communiquer des messages par le biais de ses chansons. Les espions gaullistes réussissaient à rédiger des notes de renseignement à l’encre sympathique (invisible) grâce à ces messages infiltrés.
Elle rapporte dans le récit autobiographique Joséphine (éditions Robert Laffont) : “C’est très pratique d’être Joséphine Baker. Dès que je suis annoncée dans une ville, les invitations pleuvent. À Séville, à Madrid, à Barcelone, le scénario est le même. J’affectionne les ambassades et les consulats qui fourmillent de gens intéressants. Je note soigneusement en rentrant. Mes passages de douane s’effectuent toujours dans la décontraction. Les douaniers me font de grands sourires et me réclament effectivement des papiers, mais ce sont des autographes !”
Une entrée au Panthéon bien méritée pour Joséphine Baker
Le mercredi 21 juillet à l’Élysée, Emmanuel Macron a donné son feu vert pour accueillir Joséphine Baker au Panthéon, quarante-six ans après sa mort. « C’est oui ! », avait-il déclaré à l’issue d’un entretien avec un groupe de personnalités, qui se sont déplacés exprès pour plaider pour cette initiative.
Mais pourquoi Joséphine Baker a-t-elle été panthéonisée ? Pour l’Élysée : “Joséphine Baker, c’est l’histoire d’une volonté profondément marquée par la quête de liberté et de justice, l’incarnation des valeurs des Lumières de la République française”.
Ce mardi 30 novembre, c’est le grand jour ! La figure éminente de la Résistance est panthéonisée en fin d’après-midi lors d’une cérémonie présidée par le chef de l’État. « Ça va être mémorable avec de la joie et de l’excitation », déclare Brian Bouillon-Baker au Point, l’un des 12 enfants adoptés par Joséphine Baker. Sa chanson emblématique, « J’ai deux amours, mon pays et Paris », sera jouée par la Musique de l’Air (orchestre de l’armée de l’air) à l’arrivée du cercueil au Panthéon, pour lancer la cérémonie solennelle devant le grandiose édifice néoclassique, considéré comme « le temple laïc de la République ».
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Joséphine Baker : Un cercueil vide entrera au Panthéon ?
La famille de Joséphine Baker a préféré laisser sa dépouille reposer dans le cimetière marin de Monaco auprès de son dernier mari et de l’un de ses enfants, non loin de la princesse Grace, qui l’avait soutenue lors de ses dernières années de sa vie.
C’est donc un cercueil quasi-vide qui va faire son entrée au Panthéon et non le tombeau de Joséphine Baker, mais son cénotaphe (tombeau ne contenant pas le corps). À la veille de la célébration, Albert II, prince souverain de Monaco, a rendu hommage à Joséphine Baker en reprenant, devant sa tombe, des paroles de la princesse Grace : « Il y a des êtres qui ne s’éteignent jamais. »
Le cercueil contiendra des poignées de terre venues des lieux ayant marqué sa vie : Saint-Louis, la ville du Missouri où elle est née en 1906, Paris, dont elle est tombée amoureuse, la vallée de la Dordogne où elle éleva ses douze enfants dans un château, et du cimetière marin de Monaco, où elle repose depuis 1975.
Ce n’est pas la première fois qu’un cénotaphe est utilisé lors d’une « panthéonisation ». Germaine Tillion et Geneviève de Gaulle-Anthonioz, ont également eu droit au même procédé en 2015. Elles ont été honorées pour leur lutte au sein de la Résistance. De la terre a été prélevée près de leurs tombes, dans le cimetière de Saint-Maur-des-Fossés (Val-de-Marne) où repose Germaine Tillion, et dans celui de Bossey (Haute-Savoie), où la nièce du général de Gaulle est enterrée avec son mari.
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Sophie Berthelot, Germaine Tillion, Marie Curie… Qui sont les femmes du Panthéon ?
Sophie Berthelot, 1ère femme au Panthéon
Elle fait son entrée en 1907 pour sa qualité d’épouse du chimiste Marcellin Berthelot. Ce dernier avait demandé à ne pas être séparé de sa femme, même dans la mort, une belle preuve d’amour qui lui a valu le surnom de : « l’inconnue du Panthéon ».
Son mari, né en 1827 et mort en 1907, était chimiste, biologiste et homme politique. Un grand nombre de rues, places, écoles ou lycées portent son nom. Il a en effet marqué son époque, étant donné qu’il a déposé plus de 1 000 brevets scientifiques et fut ministre des Affaires étrangères et de l’Instruction publique.
Sa femme, Sophie Berthelot, l’assistait dans ses recherches. Elle tomba toutefois gravement malade et l’idée de la perdre lui était insupportable. Il a dit à ses six enfants qu’il ne pourrait pas lui « survivre ». Il quitta ce monde quelques instants après elle. Les causes de sa mort restent un mystère. La famille a accepté de le « panthéoniser » à la condition que sa femme soit enterrée avec lui. Le ministre Aristide Briand déclare, dans son éloge, en 1907 : « Elle avait toutes les qualités rares qui permettent à une femme belle, gracieuse, douce, aimable et cultivée d’être associée aux préoccupations, aux rêves et aux travaux d’un homme de génie. »
Marie Curie est panthéonisée en 1995, 60 ans après sa mort
Marya Salomea Sklodowska est née à Varsovie en 1867 et vient à Paris pour un seul objectif : étudier la physique et les mathématiques. En 1985, elle scelle son destin avec le physicien Pierre Curie. Leur union fait la force, étant donné qu’ils trouvent deux nouveaux atomes, radioactifs, baptisés polonium et radium. Grâce à ce travail remarquable, ils obtiennent le Nobel de Physique en 1903, avec Henri Becquerel. En 1906, Pierre Curie meurt, écrasé par un camion, au plus grand désespoir de Marie Curie. Elle reste tout de même la seule femme ayant reçu deux fois le Prix Nobel de Chimie et de Physique (prix obtenu avec son époux). Elle est d’origine polonaise et a été naturalisée par son mariage.
Germaine Tillion et Geneviève de Gaulle-Anthonioz, en 2015
Les deux femmes font leur entrée au Panthéon en 2015. Elle intègre ce lieu prestigieux en même temps. Elles ont été honorées de cette distinction post-morten pour leur engagement durant la résistante française. Elles ont connu l’horreur des camps de concentration, lors de la Seconde Guerre mondiale après ne pas avoir hésité à rejoindre la Résistance dès les premières heures de la guerre. Elles ont été inhumées au même moment que deux autres militants de la Seconde Guerre mondiale : Jean Zay et Pierre Brossolette.
Simon Veil et son engagement pour le droit des femmes
Simone Veil est la deuxième femme à devenir ministre de plein exercice, après Germaine Poinso-Chapuis, en 1947. Elle a été rescapée d’Auschwitz et a occupé le poste de ministre de la Santé (1974-1978) et celui de présidente du Parlement européen (1979-1982). Il s’agissait de l’une des personnalités préférées des Français.
Elle a marqué le XXe siècle à plusieurs niveau : politique, humaniste, féministe, etc. Dès le jour de sa mort, une pétition signée par des milliers de Français circulait sur le web pour qu’elle rentre au Panthéon. Elle a également été présidente de la Fondation pour la Mémoire de la Shoah (2001-2007). Sa notoriété et sa popularité sont notamment dues à sa lutte pour faire adopter, en 1975, la loi sur l’interruption volontaire de grossesse (IVG), malgré l’opposition alors d’une grande partie de la droite. Elle a été panthéonisée en 2018, un an après son décès, aux côtés de son mari Antoine, décédé en 2013.
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