Depuis 2020, le télétravail s’est très grandement généralisé, donnant aux équipes bien plus de flexibilité dans leur quotidien. Mais est-il toujours judicieux d’y recourir ? Nombre de CEO, en particulier aux États-Unis, semblent désespérer face à un dispositif aux conséquences qui sont vues comme délétères sur le monde du travail. Décryptage
Mark Zuckerberg : l’optimisme du télétravail
En 2020, le monde entier semble découvrir le télétravail, alors une vraie aubaine pour tous les CEO : alors que la situation imposait à toute la population de rester chez elle et que l’économie mondiale était en pause, les professionnels du tertiaire ont redécouvert en catastrophe que les tâches qu’ils exécutaient pouvaient aussi être réalisées de chez eux. Sauvant les meubles dans une période de crise particulièrement féroce, ils donneront lieu à une forme d’optimisme absolu.
C’est notamment en ce sens que Mark Zuckerberg, CEO de Meta (Facebook, Instagram) poussera ses équipes à télétravailler sur de très longues périodes, pouvant s’étendre sur plusieurs mois, en espérant pouvoir se débarrasser des grands bureaux entre 2025 et 2030. Cet état d’esprit était alors partagé par une bonne partie des CEO du monde de la Tech, et pour cause : le progrès semble l’appeler. D’autant que se dégager de tels coûts fixes est forcément intéressant pour une entreprise.
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Le télétravail contre…
… la productivité
Cette année, Zuckerberg veut rétropédaler et complètement repenser l’organisation de ses équipes. Un grand nombre de CEO remettent aussi en question le sacro-saint télétravail, comme c’est le cas de Marc Benioff, chez Salesforce, se demandant si le travail de bureau ne permettait pas une grosse optimisation de la productivité des salariés.
Car la productivité est bien le problème, dans ce cadre : la baisse de productivité gigantesque des employés. Aux États-Unis, le télétravail aurait amené à « la plus grosse chute de productivité depuis 1948 », selon une étude d’EY-Parthenon. Un résultat pas si étonnant : chez soi, les distractions sont tellement omniprésentes que c’est impossible d’atteindre le même niveau de concentration que dans un open-space studieux. On va donc s’accorder naturellement plus de pauses, être moins à fond dans notre travail, etc.
Les CEO doivent donc composer avec une habitude de leurs employés qui détruit leur propre productivité, mais qui est si confortable qu’il est quasiment impossible de la remettre en question.
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… la créativité
La principale force d’une startup est très probablement son dynamisme et la créativité de ses organismes : leur structure très horizontale favorisant l’échange d’idées permet une adaptation au terrain bien plus forte que dans n’importe quelle autre structure. Dans ce cadre, personne ne peut s’étonner que le domaine de la Tech – trusté par ces startups et par cette volonté de dynamisme – ne puisse se passer de cette créativité.
Or, c’est précisément ce que le télétravail déconstruit méthodiquement : jamais une réunion en ligne et des messages sur Slack ne pourront remplacer le foisonnement permis par des réunions physiques, regroupant toute une équipe pour l’aider à développer une stratégie et échanger. Toutes les études le prouvent : le dispositif impacte très directement les échanges, et on ne peut pas espérer reproduire en ligne les échanges humains. Fun fact : c’est la première chose dont on s’est tous rendus compte pendant la crise du COVID.
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Le télétravail, assassin du networking
Dans quel autre cadre les échanges sont importants pour une entreprise ? Pour le networking, évidemment ! Une bonne partie du tertiaire est dépendant de ces relations et événements B2B, pour tisser des partenariats, développer son réseau, etc. Et à nouveau, remplacer le réseautage physique par des messages LinkedIn et des appels sur Google Meet n’est pas la meilleure des options. De nouveau, une étude publiée dans Nature Human Behavior appuie, depuis le recours au télétravail, de nombreuses occasions manquées par les salariés. La cause ? Ils ne seraient amenés qu’à côtoyer leur équipe immédiate.
On sait les difficultés qu’ont connues les grandes entreprises pendant la crise du COVID, précisément pour ces raisons. Il était presque impossible pour elles de se passer de ces événements de sociabilité business et le télétravail leur apportait une réponse bien insuffisante. Nombre d’entre eux avaient été critiqués à l’époque, pour avoir bravé les restrictions dans des dîners clandestins entre grands chefs d’entreprise, journalistes, ministres, etc. Donc là encore, le problème était très prévisible.
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Comment a-t-on pu croire au télétravail ?
Le COVID-19 a provoqué une crise sociétale : sa gravité est due au fait que le virus tire profit de l’organisation de toute notre société (mondialisation, dévaluation des services de santé, défiance à l’égard des grandes organisations et des décisions politiques, etc.). D’un point de vue macro, ce virus était un pur produit d’une société mondialisée et de libre-échange. Et, à cet égard, espérer se débarrasser du problème sans repenser en profondeur notre société, simplement en continuant à faire exactement comme avant, n’était pas possible. Nous n’aurions donc jamais dû vouer une confiance aussi forte en un dispositif de crise comme le télétravail, qui sauve les meubles sans pour autant ignifuger la maison.
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