La plateforme HelloWork a publié, le 13 avril dernier, les résultats d’une étude portant sur les cadres, leur vision du travail et la construction de leur carrière. Et les résultats sont surprenants. Décryptage.
L’idéal professionnel des cadres
L’étude d’HelloWork appuie l’importance de trois axes dans la construction des carrières : sont ici mis en avant la prise de responsabilités, la reconnaissance des pairs, et la rémunération avantageuse. 77 % des cadres ne considèrent cependant pas que devenir manager d’une équipe soit primordial : l’épanouissement passe en effet davantage pour eux par les missions que par le statut professionnel.
Le métier de cadre étant déjà relativement responsabilisant, parce que poussant à une forte indépendance et liberté dans le travail, il ne semble pas que la progression hiérarchique soit absolument nécessaire à la prise de responsabilités, qui peut aussi passer par la confiance qu’on porte aux cadres dans l’entreprise. L’importance placée dans la reconnaissance des pairs semble appuyer cette théorie : la responsabilité « intellectuelle » occupe ici une très grande place.
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Comment construire sa carrière en tant que cadre ?
L’étude semble apporter des éléments d’éclaircissement sur les méthodes à employer, selon les cadres, pour avancer au mieux dans sa carrière. Et contre toute attente, ils définissent le « savoir-faire » comme moins important que le « savoir-être » : les compétences sociales sont pour eux bien plus déterminantes dans la vie professionnelle que la compétence au travail, les diplômes, etc. L’étude souligne par ailleurs l’importance perçue de l’apprentissage tout au long de la vie, du réseau, de l’origine sociale et même de la chance dans l’évolution professionnelle.
Par ailleurs, autant pour développer un réseau, pour obtenir des promotions que pour évoluer professionnellement, les cadres semblent s’accorder sur le fait qu’il est important de tenir prêt à changer de milieu professionnel. Mais le font-ils vraiment ? Dans les faits, seuls 47 % des cadres se tiennent prêts à changer régulièrement d’entreprise pour une meilleure rémunération. À peu près la même proportion d’entre eux (52%) se disent prêts à travailler plus. Les cadres bouderaient-ils alors leur évolution professionnelle ?
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Pour les cadres, le travail serait secondaire
Les résultats de l’étude sont formels : le travail n’est que la 6e priorité des sondés, loin derrière leur vie de famille, leur santé ou leur épanouissement personnel. Seuls 2% d’entre eux classent leur carrière comme première priorité. Loin de vouloir « vivre à travers leur job », ils définissent leur métier avant tout comme un moyen de gagner de l’argent et de s’épanouir. La reconnaissance sociale et la sociabilisation semblent occuper un rôle bien secondaire.
Si l’étude n’apporte pas de données pour expliquer ce phénomène, on peut supposer que les bouleversements récents du rapport au travail expliquent ces priorités : des confinements au télétravail, le rapport à l’effort et au monde professionnel a été profondément chamboulé. On voit en effet de plus en plus de Français revendiquer un « droit à la paresse » et dire ressentir davantage la pression dans leur travail (et la surmonter plus difficilement). Le fort relais (autant en France qu’à l’international) de la proposition d’une semaine de 4 jours en est sûrement le meilleur témoin. On avait déjà abordé sur Business Cool le phénomène de la Grande Démission en février dernier, et il y a fort à parier que les nouvelles préoccupations des cadres y soient directement reliées.
Les objectifs professionnels des cadres
Comme cela semble l’indiquer, les cadres ne font, pour 76% d’entre eux, pas de la carrière et l’évolution professionnelle un objectif prioritaire, même dans leur travail. Ces préoccupations passent après, entre autres, un équilibre entre vie professionnelle et personnelle, un épanouissement intellectuel, une cohérence de leur travail avec leurs valeurs, etc. Attention toutefois, ils n’oublient pas pour autant leur évolution de carrière : seuls 25% ont totalement déconsidéré cet aspect. Ces évolutions ne sont simplement pas prioritaires dans leur travail, et passent derrière d’autres préoccupations.
Si l’on regarde plus attentivement les objectifs principaux des cadres selon HelloWork, seuls 30% d’entre eux donnent de l’importance aux deux canaux historiques de la « réussite professionnelle » : gagner sa vie et faire carrière. Ces considérations classiques se retrouvent en effet submergés par des considérations plus « humaines », évoquées précédemment.
Cadres : vers un nouveau rapport au travail ?
Les cadres ont souvent, comme évoqué au tout début de l’article, été vus comme « les plus dévoués » des employés. En effet, parce qu’ils ont des « responsabilités », et parce qu’ils bénéficient d’une reconnaissance de leurs pairs, ils seraient souvent plus impliqués et dévoués que les autres classes socioprofessionnelles. Alors, si les cadres déconsidèrent réellement leur vie professionnelle, au profit d’enjeux largement plus personnels, tout porte à croire que toutes les autres branches professionnelles se confrontent à cette même tendance, et ce de manière d’autant plus franche. Si c’est le cas, il y a fort à parier que la question du rapport au travail se devra d’être repensée dans les années à venir.