Guillaume de Blic
Portraits Inspirants

Rencontre avec Guillaume de Blic, CEO Europe de l’Ouest de Lacoste

Le prêt-à-porter fait partie des secteurs faisant le plus rêver les étudiants d’école de commerce. D’après une étude Universum, réalisée en France en 2019, sur plus de 48 000 répondants, un quart des étudiants interrogés souhaite démarrer sa carrière dans le secteur « Mode, Accessoire et Luxe ».

 

Aujourd’hui, nous avons choisi de vous faire découvrir ce monde si attractif en ouvrant les portes du groupe français Lacoste. Connu de tous, il se vend, chaque seconde, deux produits marqués de son fameux crocodile, ce qui permet au groupe d’avoisiner les 2 milliards d’euros de chiffre d’affaires annuel dans quelque 120 pays. Quels sont les clefs de sa réussite ? De quoi son avenir sera-t-il fait ? Nous avons eu la chance de poser toutes les questions que vous vous posez sûrement au CEO Europe de l’Ouest de Lacoste, Guillaume de Blic.

 

Bonjour Monsieur de Blic. Avant d’entrer dans le vif du sujet, pourriez-vous présenter votre parcours en quelques mots ?

Guillaume de BlicJ’ai un parcours plutôt atypique pour quelqu’un qui évolue dans le monde du textile puisque j’ai commencé ma carrière dans le domaine des PGC (Produits de Grande Consommation), chez Procter & Gamble, où j’ai passé huit années sur des fonctions commerciales et de trade-marketing. J’ai ensuite rejoint le groupe McCormick (Ducros, Vahiné) pour créer le département Catégorie Management avant de prendre la Direction des ventes puis celle des clients et enfin la Direction commerciale.

Après douze années dans l’agroalimentaire, j’ai été chassé pour restructurer la direction commerciale du groupe Hanes qui détient, en France, les marques Dim, Wonderbra, Playtex, etc. Avec ce groupe, j’ai découvert le monde du textile. Après deux années à la Direction commerciale de Hanes, j’ai été nommé Directeur Général France. C’est en 2016 que j’ai été chassé par Lacoste pour prendre le poste de CEO France.

 

Vous avez donc intégré Lacoste en janvier 2016, en tant que CEO France, puis, désormais, de l’Europe de l’Ouest. Pourriez-vous nous parler de vos deux responsabilités successives ? Quel est le quotidien du CEO chez Lacoste ?

J’ai occupé le poste de CEO France pendant un peu plus de trois ans. Mon chalenge était de mener la transformation de Lacoste France pour en faire un modèle plus retail et digital et rendre la marque plus désirable. En trois ans, le CA de la France a progressé de plus de 50% et la part du retail et du digital est passée de 25% à 50% de notre business.

Depuis septembre, j’ai effectivement pris la responsabilité de l’Europe, soit 15 pays qui vont de l’Espagne jusqu’au nord de l’Europe. Mon rôle est de manager des managers, de donner une vision de notre business en Europe et du sens aux équipes. Chaque CEO pays est responsable de son P&L [Profit and Loss, NDLR] et je suis le garant du P&L Europe auprès du groupe.

 

Quels ont été les plus grands défis que vous ayez eu à relever au sein de Lacoste ?

Mon plus grand défi a été de rendre la marque plus désirable dans un univers très concurrentiel. Pour cela, nous avons travaillé avec mes équipes sur l’expérience client au travers de tous nos canaux de distribution. Ce travail a été accompagné d’une évolution de nos collections pour les rendre plus modernes et en ligne avec les attentes des jeunes générations.

 

Parlons désormais plus globalement de votre vision du futur de l’entreprise. Quelles sont les grandes lignes directrices pour Lacoste dans les années à venir ?

Lacoste se porte remarquablement bien depuis quelques années, dans un univers du prêt-à-porter qui connait de nombreuses difficultés. Cela a été rendu possible grâce à un travail de fond sur nos collections par nos équipes studio, par des investissements marketing importants et une transformation de notre distribution dans tous les pays où nous opérons.

Notre challenge est désormais de développer la full silhouette Lacoste via le développement de la maroquinerie et plus particulièrement de la chaussure. Le secteur du footwear a connu, ces dernières années, une évolution majeure avec une chute massive des ventes de chaussures de ville au profit des sneakers. Lacoste est pour le moment un petit acteur face aux géant Nike et Adidas, ce qui rend le potentiel de croissance d’autant plus intéressant.

 

Comment voyez-vous l’évolution du secteur du prêt-à-porter et de vos concurrents ? A quel point l’impact du digital a-t-il notamment des conséquences dans son développement ? Connaît-il une révolution ?

Le prêt-à-porter connait plusieurs révolutions en ce moment. La première vient du digital qui a transformé les habitudes d’achat. L’ensemble de nos activités digitales représente déjà près de 20% de notre chiffre d’affaires en France. Il devrait continuer à progresser significativement dans les années à venir. Pour autant, les marques doivent également garder du lien physique avec les clients. Leur défi est de maintenir une image homogène entre les différents canaux de distribution et, surtout, de pouvoir offrir une expérience client de haut niveau en physique comme en digital.

La deuxième révolution du secteur du prêt-à-porter concerne la RSE. Notre industrie ne pourra pas avoir une empreinte carbone neutre. En revanche, les marques doivent faire leur maximum pour réduire significativement les mauvaises pratiques du passé et utiliser de plus en plus de matières recyclées et/ou bio. Notre industrie se doit d’être transparente sur ses process de fabrication et sur l’origine des matières et produits qu’elle utilise.

Le recyclage est un défi colossal pour les entreprises du textile. Il touche les chutes de matières, les produits défectueux mais également les fins de série. Produire un polo à partir de textiles recyclés revient, aujourd’hui, beaucoup plus cher que de produire un polo à partir de matières neuves. Le consommateur sera-t-il suffisamment engagé pour payer ce produit plus cher ?

La question du lieu et des conditions de fabrication sont également un sujet important pour les marques. Depuis sa création, Lacoste a maintenu une partie de ses usines en France, à Troyes précisément. Notre stratégie est de produire au plus proche des zones de consommation. Nous avons donc des productions en Amérique du Sud pour la zone America, des productions en Asie pour cette zone et des productions en France et sur le bassin méditerranéen pour l’Europe. Certains savoir-faire sont particuliers à certains sites. Dans ce cadre, nos usines troyennes ont une place stratégique. C’est ici, par exemple, que nous fabriquons les tenues que portent les athlètes français lors des JO. Nous produisons également en France des collections Made in France qui sont vendues à travers le monde et qui remportent toujours un grand succès.

Le savoir-faire français est toujours reconnu à l’étranger et reste un gage de qualité. Pour moi, c’est un atout important que de plus en plus de marques prennent en considération.

Dans notre industrie, il devient très difficile de trouver les bonnes compétences sur les métiers traditionnels du textile. C’est pourquoi nous avons créé, l’année dernière, une académie, à Troyes, pour former des couturières et des techniciens capables de prolonger le savoir-faire de nos anciens.

La troisième révolution est étroitement liée à la deuxième. Elle vient de la montée très rapide du marché de la seconde main. De nombreux acteurs digitaux comme Vinted ou Vestiaire Collective ont contribué à l’essor de ce business, emprunt d’un côté vintage et collector. Les marques doivent rapidement se poser la question de leur niveau d’intervention sur ce marché de l’occasion dont les enjeux business et image sont importants.

 

Au niveau de l’image de marque, comment allier l’héritage du fameux tennisman René Lacoste et du visage actuel de la marque Novak Djokovic, impulsant une image très sportive, avec une présence à la fashion week et la multiplication des concepts stores, marqueurs du haut de gamme ? 

Nous avons la chance d’avoir une histoire et un héritage au travers de René Lacoste qui a fondé cette marque en 1933. Au-delà d’être un champion de tennis international, René Lacoste était un inventeur de génie. Il a créé le premier polo pour répondre aux exigences d’élégance du tennis tout en améliorant le confort du joueur. Novak Djokovic, qui est à nouveau N°1 mondial depuis sa victoire à Melbourne, nous permet de rester profondément ancré dans le monde du sport de haut niveau et nous pousse à améliorer le côté technique de nos produits.

Dans le même temps, nous travaillons effectivement la désirabilité de la marque au travers des collections développées par notre Directrice artistique, Louis Trotteur, pour la Fashion Week et pour l’ensemble de nos produits, mais également via des collaborations majeures avec Supreme, Keith Haring, Golf le Fleur, Open Ceremony, et bien d’autres.

Notre marque se veut premium mais pas luxe. Nous avons la chance de nous adresser à toutes les générations et à toutes les catégories sociales qui composent la population des pays où nous intervenons.

 

Pour terminer, auriez-vous un conseil ou un petit mot à adresser à nos lecteurs qui ont peut-être l’ambition de faire carrière dans la mode, voire même chez Lacoste ?

Le monde de la mode est passionnant et très exigeant. Il est en perpétuelle évolution et a besoin de talents capables de comprendre les enjeux des points de vente et du digital. Ne vous laissez pas aveugler par les paillettes des défilés, les enjeux des points de vente et des sites d’e-commerce sont autour de l’expérience client. Intéressez-vous à ce sujet en priorité pour apporter de la valeur ajoutée aux entreprises qui vous intéressent.

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