Céline Saada-Benaben est DG d’eBay France depuis maintenant plus de sept ans. Elle évoque son parcours et revient sur un univers Tech en plein mouvement. Elle évoque également son ComEx, qui a la particularité d’être 100% féminin et les atouts que cela peut avoir sur la vie en entreprise.
Le parcours de Céline Saada-Benaben, de l’ESSEC à eBay
Pouvez-vous revenir sur votre parcours ?
J’ai suivi un parcours assez classique. J’ai fait une prépa HEC sans avoir une idée précise de ce que je ferais ensuite, mais j’ai fait ce choix, car j’adorais l’histoire-géographie et les maths. J’ai étudié au Lycée Château Briand à Rennes avant d’intégrer l’ESSEC. Mon objectif à cette époque ? Travailler dans le marketing.
À l’ESSEC, ce qui a tout changé, c’est mon échange à l’Université de Milwaukee, la ville des Harley-Davidson et des bières Miller. J’ai découvert une culture intéressante, mais aussi les cours de stratégie et c’était la révélation !
En troisième année, j’ai donc cherché un stage en stratégie, mais je connaissais peu les cabinets. Si j’ai cette carrière et si j’ai pu rencontrer la personne avec qui je me suis mariée, c’est parce qu’il me reste un seul timbre. Au dernier moment, j’ai décidé de l’utiliser pour postuler au cabinet Booz Allen. J’y ai passé trois ans et c’était un apprentissage incroyable, car je changeais de mission tous les trois ou quatre mois. Je devais m’adapter à de nouvelles entreprises, de nouvelles industries…
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C’est après cette expérience que vous êtes allée chez Disney ?
J’ai été recrutée par le groupe Disney. Je travaillais pour le parc, à Marne-La-Vallée. C’était une expérience formidable. J’y ai fait mon meilleur business trip de ma vie, puisque j’ai testé tous les parcs Disney. J’ai passé trois ans là-bas au sein du département stratégique.
Je suis ensuite allée en Angleterre et j’ai rejoint une société qui développait des services d’internet mobile pour l’opérateur T-Mobile. C’est là où j’ai effectué ma transition vers le monde de la Tech. J’ai travaillé sur ces sujets-là pendant cinq ans. J’ai fait à la fois du développement d’applications, du change management, etc.
Comment êtes-vous arrivée à la tête d’eBay ?
Quand j’étais en Angleterre, j’ai essayé de reprendre une petite société. Ça n’a pas fonctionné. J’ai rejoint eBay sur le bureau anglais et ça fait maintenant 15 ans que j’y suis. J’ai été attirée par le fait qu’eBay est une société très internationale avec des valeurs très fortes, un business model tourné vers la création d’opportunités pour des vendeurs de toute taille et de toute nationalité.
Si je suis restée aussi longtemps chez eBay, c’est grâce à son modèle de recrutement. Nous recherchons des gens très adaptables qui, s’ils le souhaitent, peuvent facilement évoluer entre les pays et les fonctions. J’ai ainsi passé deux ans en Angleterre, avant de partir en congé maternité. Je suis ensuite revenue sur des postes de product management, puis des fonctions commerciales et, enfin, directrice générale d’eBay en France. L’objectif est de donner toujours plus de responsabilités et de projets aux collaborateurs du groupe. Nous avons l’avantage de faire croître les jeunes très rapidement.
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Le quotidien de la DG d’eBay France
À quoi ressemble le quotidien de la directrice générale d’eBay ?
Pour que je reste à mon rôle, c’est très important qu’il n’y ait pas de journée type. Mon principal moteur, c’est le renouvellement. C’est de toujours apprendre de nouvelles choses. Mon temps va être partagé entre une activité plus tournée vers l’interne, l’animation de l’activité en France et la dimension externe, qui concerne mon rôle de représentativité d’eBay sur le marché français.
En interne, je m’occupe de tout ce qui touche aux performances financières, au développement de campagnes marketings, à la data analyse, aux dimensions légales. Je me concentre sur l’engagement des équipes également. L’objectif est vraiment de faire croître le chiffre d’affaires de nos vendeurs et de fidéliser nos acheteurs. Je parle 60% de mon temps en anglais, avec les équipes internationales et 40% en français.
Quels sont les sujets sur lesquels vous travaillez actuellement ?
Aujourd’hui, on travaille sur live by eBay, un nouveau dispositif d’enchères sur les collectibles. Nous avons des sessions chaque dimanche autour du Street art, des cartes Pokémon, des montres, etc. Par ailleurs, nous recrutons, pour la France, un Pokémon Category Manager, c’est-à-dire un responsable de catégorie uniquement dédié aux produits Pokémon. Nous sommes en pleine phase de recrutement sur divers sujets.
Est-ce facile d’avoir une vie personnelle quand on est DG de la filiale française d’une grosse société comme eBay ?
Ce n’est pas facile, mais c’est faisable. On ne devient pas DG du jour au lendemain. On progresse. Donc, il y a des sujets qu’on arrive à traiter plus rapidement. Chez eBay, il y a beaucoup de flexibilité dans la manière de travailler. S’il y a un spectacle à l’école de votre enfant, il n’y a pas besoin de poser un jour pour y aller. Nous sommes très attentifs à l’équilibre entre vie professionnelle et vie personnelle. Deux fois par an, ceux qui pilotent des équipes sont évalués sur l’engagement de leurs collaborateurs.
Bien sûr, il faut s’organiser avec ses proches, son conjoint ou des aides extérieurs, mais c’est totalement faisable d’avoir une vie perso. Bien sûr, quand on doit s’arrêter après une naissance, on peut être impatient en voyant d’autres gens monter plus vite. Mais il faut garder en tête un conseil que m’a donné la CEO d’eBay quand je suis arrivée, c’est qu’il y a un temps pour tout et on ne peut pas être bon partout. Il ne faut surtout pas se mettre de pression et on sera forcément promu à un moment de sa vie.
Vous vous êtes dotée d’un ComEx 100% féminin. Est-ce que ça un impact sur la gestion d’eBay ?
Je n’ai pas fait de discrimination pour n’avoir que des femmes et ce ComEx 100% féminin s’est construit au fil des recrutements. Est-ce que ça change quelque chose ? Je pense que ce qui est différent, c’est la culture d’entreprise liée à la flexibilité. Nous ne sommes pas dans une logique de présentéisme, par exemple. Et c’est plus simple d’évoluer et de travailler dans une organisation flexible. Je n’ai jamais eu à choisir entre ma famille et mon travail.
Un dispositif qui fonctionne très bien, c’est le congé deuxième parent, lancé il y a deux ans, qui est de 12 semaines, que ce soit pour les papas, les parents adoptants ou parents du même sexe. Nous avons également un congé sabbatique de quatre semaines, tous les cinq ans. Ce sont des initiatives mondiales mises en place chez eBay.
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Briser le plafond de verre
Est-ce que la question du genre a déjà posé un problème dans votre carrière ? Avez-vous ressenti un plafond de verre ?
Il m’est déjà arrivé d’avoir des réflexions, plutôt chez les entreprises partenaires. Il y a une réflexion qu’on m’a faite récemment, en interne, et que je n’ai pas appréciée. On a parlé de moi en évoquant la « charming lady from France ». Nous avons donc rééquilibré les choses, en évoquant nos performances et notre efficacité.
En ce qui concerne la progression de carrière, si je devais parler à la Céline qui sort d’école de commerce, mon message serait : osons plus, demandons plus. Ce qui a ralenti ma progression, ce sont les freins que je m’étais mis dans la tête, en n’osant pas demander ou parler de mes accomplissements. À partir du moment où je l’ai fait, ça a vraiment débloqué quelque chose dans ma carrière.
Avez-vous mis en place des dispositifs en interne pour accompagner les femmes ?
Quand j’étais en Angleterre, nous avons créé un réseau interne de femmes qui s’appelle Women at eBay. L’objectif était de trouver les points bloquants dans leur carrière. Une chose que j’ai apprise au sein de ce réseau, c’est que, lorsqu’on parle à des hommes âgés qui font des réflexions, la capacité de projeter ce qu’ils disent sur leurs filles a tendance à débloquer la situation.
En France, nous avons mis en place une ligne anonyme qui permet de rapporter des faits, surtout lorsque cela implique la hiérarchie directe. Cela permet de reporter pour investigations les mauvais comportements et certaines remarques ont déjà été sanctionnées par des conseils disciplinaires. Nous avons également déployé des études qui mesurent la diversité et le climat de travail.