Ces derniers mois, les levées de fonds de startups en France a grandement diminué par rapport aux débuts de l’année 2022 ou l’année 2021. L’ESSEC s’est penchée sur le sujet avec In Extenso Innovation Croissance et dévoile les montants des diverses levées de fonds dans le monde. Quelles sont ses évolutions ? Quels sont les secteurs privilégiés ? On t’explique tout !
Des levées de fonds en forte baisse
Les fonds levés par les différentes startups ces derniers mois sont en net recul par rapport au 1er trimestre 2022. On observe en effet une baisse de 48% des montants levés dans toute l’Union européenne et de 57% en France. Après une hausse assez linéaire des montants levés jusqu’au début d’année dernière, tout porte à croire que les levées de fonds risquent de s’aligner sur les montants de 2021. Depuis un an, on peut en effet observer une décrue relativement stable.
Les levées de fonds sont d’ailleurs globalement plus sobres : la baisse globale de l’ampleur des levées de fonds est accompagnée d’une baisse tout aussi grande des « méga-rounds », ou levées de fonds supérieures à 50 millions d’euros. En baisse de 53% par rapport au 1er semestre 2022, il semble en effet que ce recul de gros investissements soit le principal responsable de la baisse globale des montants totaux levés.
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2022, une base de comparaison pertinente ?
Il faut dire que le premier semestre 2022 était une période particulièrement prolifique : ce premier semestre était en effet marqué par un très grand nombre de « mega-rounds » et l’explosion de nombreuses de licornes. Exceptionnellement hautes en 2022, le retour au niveau des levées de 2021, depuis un peu plus d’un an, semble effectivement n’être rien de plus qu’une décrue. Ce n’est finalement qu’un retour à des niveaux d’investissement plus classiques.
Cela étant, cette décroissance s’explique aussi par le contexte international. Parmi les causes principales du désinvestissement, l’ESSEC pointe en effet un contexte politique et économique « crispé », qui « continue à perturber les financements des projets innovants ». Et c’est en effet à la fin du premier trimestre 2022, avec la guerre en Ukraine et le début d’une inflation galopante, qui ont forcément tempéré l’enthousiasme des entreprises à investir pour l’avenir. C’est en réalité le lot de toutes les périodes d’incertitude économique que de voir apparaître une sorte de recentrage des entreprises autour de leurs intérêts immédiats, au détriment de tous les investissements annexes : quand les temps sont durs, on dépense moins (même si les effets économiques de ces attitudes individuelles sont globalement assez mauvais).
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Dans quels domaines les levées de fonds ont progressé ?
Des levées de fonds très importantes dans les sciences physiques
Amolyt Pharma, Pasqal, Alira Health & Exotrail sont les trois principaux moteurs de levée de fonds européens dans le domaine de la science physique. Avec des sommes allant de 50 à plus de 100 millions d’euros, les fonds récoltés se destinent respectivement vers la biotechnologie, le quantique, la recherche clinique et les moteurs spatiaux. Le domaine très large de la science physique est en effet très largement représenté au sein des très grosses opérations de levées. Demandant des investissements particulièrement conséquents, ils sont principalement portés par de grands groupes et de grandes opérations, permettant de se donner une capacité de recherche et développement relativement conséquente.
ChatGPT qui porte les levées de fonds vers l’intelligence artificielle
Sans surprise au vu du récent développement de la technologie ChatGPT, de nombreux acteurs se sont penchés sur le domaine des intelligences artificielles. Et on les comprend : les IA montrent, depuis l’avènement de GPT-3 et de sa déclinaison ChatGPT, des capacités impressionnantes. À un horizon relativement proche, il semble même qu’il soit possible de remplacer grâce à elles le travail des employés, pour des prix bien moins élevés : elle intéresse donc le monde des grandes entreprises. Des entreprises comme IBM ont d’ailleurs déjà annoncé arrêter de recruter des humains pour des tâches réalisables par l’IA. Si le sujet t’intéresse, on y a dédié un article que tu trouveras juste ici. Au total, c’est 250 millions d’euros qui ont été investis rien qu’en France.
De grosses levées de fonds dans le secteur de l’énergie
20% des investissements totaux : le secteur de l’énergie semble manifestement très bien se porter et parvenir à lever des fonds. Là encore, on peut aisément relier le contexte à cette hausse : parce que portée à la fois par une urgence climatique de plus en plus criante (alors que les rapports du GIEC s’enchaînent) et surtout par une crise des prix de l’énergie et de son accessibilité. Accélérée par la guerre en Ukraine, les investisseurs ont flairé le caractère stratégique d’un tel domaine. Forcément, face au constat de la dépendance à la Russie et du raidissement des relations, les chercheurs espèrent trouver une alternative pertinente à une situation de plus en plus incertaine.
L’impact de la faillite de la SVB sur les levées de fonds
On avait déjà parlé sur Business Cool de la faillite de la Silicon Valley Bank, banque dont le rôle était précisément de contribuer au financement des startups, qui s’est récemment effondrée. C’est aussi une des causes identifiables de la baisse des investissements à l’étranger : un certain nombre des startups étrangères se retrouvant orphelines de leurs financements, l’impact notamment sur l’économie américaine est facilement mesurable.
Évidemment, si l’effondrement de la 16e banque américaine a inquiété tous les acteurs économiques, se préoccupant du risque de contagion qui créerait une crise économique mondiale qui pourrait ressembler à celle de 2008, elle a à la fois inquiété les investisseurs et plongé les entreprises qui lui avaient confié leurs fonds dans la tourmente. Il semble dès lors logique que la disparition de cette banque ait un impact, direct ou indirect, sur les levées de fonds diverses. L’enquête de l’ESSEC va cependant témoigner d’un « impact a priori limité en Europe à court et moyen termes ». Limité, mais pas inexistant (le rachat du Crédit Suisse par UBS, dans l’optique de rassurer les marchés, en est la meilleure preuve) : on peut craindre qu’il dissuade d’autres banques de se dédier à de telles activités.
Les levées de fonds, conditions sine qua non des activités de recherche
Les levées de fonds sont parfaitement indispensables pour développer les savoirs sur des domaines divers et faire progresser autant la science que la technologie. Et il semble à cet égard important de se pencher régulièrement sur les directions prises par les investissements privés dans la recherche, comme l’a ici fait l’ESSEC. Car financer un projet, témoigner de son intérêt pour un champ plutôt que pour un autre, c’est encourager les découvertes scientifiques dans le domaine et donc participer indirectement à façonner le monde de demain. Si la recherche sur les moteurs à hydrogène avait été financée plus tôt et de manière plus massive, la question de l’énergie ne se poserait peut-être plus et nous aurions sûrement des alternatives crédibles à l’énergie thermique pour faire rouler nos voitures qui pourraient même être hégémoniques. Les investissements participent donc à construire le futur, d’où l’attention toute particulière qui doit leur être portée.
Les réactions des investisseurs à tous les problèmes sociaux et sociétaux, par leurs investissements dans des domaines d’avenir, doit donc être débattue, notamment à l’aune de toutes les inquiétudes autour des dangers de l’intelligence artificielle. Mais s’il faut être attentif aux investissements, il est quoi qu’il arrive important d’entretenir au maximum l’investissement de forces vives autant dans des jeunes entreprises que dans la science, dans un maximum de domaines différents. À court et moyen terme, donner à un maximum de ces acteurs les moyens de leurs ambitions ne fait pas que les aider. Cela aide du même coup l’ensemble de la société.