Femmes au travail
Analyse

Le congé menstruel : un droit salarial bientôt universel ?

La question de la mise en place de congé menstruel fait aujourd’hui débat. Si certains pays ont d’ores et déjà adopté une loi en faveur de sa démocratisation, le sujet reste encore épineux aux yeux d’une grande majorité, y compris en France. Alors que quelques entreprises privées ont déjà opté pour autoriser le recours à cette solution, le sujet divise : quels sont les avantages et inconvénients liés ce temps de repos ? Quelle est la situation en France ? Et dans les autres pays ? Quelles solutions à l’avenir ? Zoom sur une mesure aujourd’hui controversée.

 

Qu’est-ce que le congé menstruel ?

Un congé menstruel est une période pendant laquelle une femme ayant des menstruations douloureuses est en mesure de prendre un ou plusieurs jours de congé. L’inconfort est tel que le quotidien de certaines en est modifié, qui plus est au travail.

Les règles sont un phénomène naturel que l’humain ne peut pas contrôler, il semble donc logique que les femmes concernées par ces douleurs bénéficient d’aménagements afin de se ménager, au même titre que pour un autre mal. Pourtant, aujourd’hui, moins de dix entreprises en France proposent à leurs salariées un congé menstruel rémunéré.

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L’histoire du congé menstruel à travers le monde

La question du congé menstruel ne date pas d’hier et certains pays de notre planète ont déjà pris des mesures pour essayer d’encadrer le recours à ce type de congés. Cependant, la mise en place de ceux-ci est rare et ils sont parfois peu utilisés.

 

Le congé menstruel en Asie

Au Japon, le droit au congé menstruel est entré en vigueur en 1947 : les entreprises du pays n’ont pas la possibilité de contraindre une employée à se rendre au travail si elle demande le recours à ce congé menstruel.

Le gouvernement n’impose pas de limite de temps pour prendre ce type de congés, mais les salariés ne sont généralement pas indemnisés. Près de 30% des entreprises proposent cependant de rembourser entièrement ou partiellement ces congés ponctuels, selon une étude du ministère japonais du Travail réalisée en 2020 sur auprès de 6 000 sociétés. Lors de cette enquête, moins de 1% des personnes interrogées ont reconnu avoir entrepris cette mesure dans leur vie professionnelle.

Le pays du Soleil-levant n’est pas la seule nation asiatique à avoir déployé les congés menstruels. Chez son voisin sud-coréens, les employées sont autorisées à prendre un jour de congé menstruel par mois, qui, là aussi, n’est pas indemnisé. Les entreprises qui ne respectent pas la loi encourent amende de 3 700 euros. Si cette mesure n’est pas ou peu utilisée au Japon, 19% des femmes sud-coréennes concernées reconnaissent avoir déjà pris cette disposition.

Depuis 2003, en Indonésie, la loi autorise un ou deux jours de congés payés en début de cycle menstruel, en cas de règles douloureuses. Cependant, ces mesures sont établies à l’appréciation des entreprises, qui, parfois, outrepassent la loi en n’octroyant pas ce droit aux personnes dans le besoin.

Ce n’est qu’à Taïwan que ce droit semble plus ou moins respecté, puisque trois jours de congés menstruels payés sont autorisés tous les ans. Si cette durée d’indisponibilité dure plus longtemps que prévue, les jours manqués sont comptabilisés comme des arrêts maladies classiques et sont, là aussi, payés.

 

Le congé menstruel en Europe

L’Europe est nettement moins avancée sur la question , puisque seul le gouvernement espagnol a pris des mesures similaires aux pratiques asiatiques. Cette mesure fait partie d’une nouvelle loi avortement, votée le 17 mai 2022. Elle permet aux femmes ressentant des règles très douloureuses d’obtenir un congé, payé par la sécurité sociale du pays, à condition d’obtenir un certificat médical. La durée du congé est déterminée par le médecin ayant délivré ce certificat médical.

 

Le congé menstruel en Afrique

La Zambie, située dans le sud de l’Afrique, est la première et seule nation africaine à avoir mis en place cette pratique du congé menstruel. Depuis 2015 ce congé peut-être octroyé, à raison d’un jour par mois. Sur place, ce jour est appelé « fête des mères ».

 

La situation en France

En France, le congé menstruel n’est pas inscrit dans la loi, ce qui ne veut pas dire que les entreprises n’ont pas le droit d’avoir recours à ce dispositif si elles le souhaitent. Certaines sont d’ailleurs en train d’expérimenter ce type de congé. En janvier 2021, l’entreprise La Collective, basée à Montpellier, s’est lancée dans un test de congé menstruel, une première en France.

À Toulouse, la société de mobilier Louis a, elle aussi, mis en place un congé menstruel en mars 2022. Les salariées disposent d’un jour de congé par mois, payé, et peuvent aussi bénéficier de télétravail en cas de règles douloureuses.

Si le congé mensuel ne fait l’objet d’aucune loi, les femmes françaises se disent favorables à 68% pour la mise en place d’un congé menstruel, selon un sondage IFOP réalisé en 2021.

 

Les avantages du congé menstruel

Ce congé permet aux femmes de gérer convenablement leurs besoins physiologiques impondérables. Plus de moments difficiles liés à l’arrivée soudaine de leurs règles, c’est aussi une charge physique et mentale en moins à supporter chaque mois.

La mise en place d’un dispositif comme celui-ci pourrait également permettre de renforcer le lien de confiance qui existe entre la salariée et l’entreprise pouvant augmenter, par conséquent, sa productivité, car une personne épanouie et bien dans sa peau est plus à même de fournir un travail de qualité, qu’un individu tiraillé par des problèmes physiques ou mentaux.

 

Le congé menstruel : nouvelle stigmatisation envers les femmes ?

Il est le principal inconvénient lorsque l’on évoque le congé menstruel : la potentielle stigmatisation qui en découle.

Beaucoup de femmes voient dans le congé menstruel un argument supplémentaire pour les exclure, et, avant de l’instaurer, il faut d’abord pouvoir parler librement des règles», confirme Aline Bœuf, qui achève un master en sociologie à l’Université de Genève sur l’expérience du cycle menstruel dans le monde professionnel.

En effet, cette mesure est parfois considérée comme sexiste, puisqu’elle risquerait d’accroître la discrimination opérée envers des femmes à l’embauche, les employeurs pouvant favoriser le recrutement d’un homme plutôt que d’une femme, en raison de ses potentiels jours d’absence liés à ses douleurs menstruelles.

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Quelles sont les alternatives au congé menstruel ?

En dehors du congé menstruel, il existe différents moyens pour aider les femmes à gérer les problématiques liées au travail en période de règles. En Angleterre, 68% des femmes se disent favorables à l’élaboration d’horaires plus flexibles en période de règles, sans pour autant prendre de congés.

Avec la démocratisation du télétravail depuis la crise sanitaire, pourquoi ne pas donner cette option aux femmes touchées par le phénomène ? Un temps de repos sur le lieu de travail dans un espace aménagé pour occasion pourrait également être mis en place.

Un autre temps dédié pour un consultation gynécologique pourrait également être déployé dans les entreprises, car les douleurs dans cette partie du corps chez une femme peuvent également être les signes de l’apparition de symptômes d’endométriose, une maladie chronique liée à la présence de tissu semblable à la muqueuse utérine, en dehors de l’utérus. Elle peut provoquer des douleurs intenses, semblables à celles éprouvées lors de règles douloureuses.

Les inquiétudes concernant le frein à l’embauche des femmes que pourrait constituer la mise en place d’un congé menstruel posent question, mais la solution passera avant tout par la mise en place d’un dialogue quant à la question de la prise en charge ou, au minimum, de la prise en compte, des facteurs humains dans l’entreprise. Les solutions semblent nombreuses et facilement réalisables, le tout résidant avant tout dans un échange cordial et constructif entre toutes les parties concernées par le sujet.

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Les avantages du congé menstruel

Le congé menstruel comporte de nombreux avantages pour les collaboratrices et les entreprises :

  • Il permet aux femmes de prendre des dispositions pour gérer les symptômes physiques associés à leurs règles, comme des douleurs abdominales. En effet, ces symptômes provoquent souvent un effet délétère sur les collaboratrices, notamment dans un contexte de travail.
  • Il donne aux femmes la possibilité de prendre soin d’elles-mêmes et de se reposer, ce qui peut les aider à être plus productives et performantes au travail. En effet, en réduisant les trajets, mais le stress lié au fait d’éprouver des symptômes dans le cadre professionnel, le congé menstruel permet de soulager une partie de la charge mentale liée aux menstruations.
  • Il peut contribuer à réduire la stigmatisation et la discrimination liées aux règles, en encourageant les employeurs et les collègues à être plus compréhensifs et à prendre en compte les besoins des femmes en matière de santé.
  • Il peut aider à réduire l’absentéisme au travail lié aux règles.

Parmi les grandes entreprises qui ont déployé le congé menstruel, on retrouve : Zomato (Inde), Nike, Coca-Cola, Microsoft Japan, Diaego (Grande-Bretagne). La plupart octroie entre 1 à 2 jours de congés par mois aux collaboratrices de l’entreprise. Certaines d’entre elles observent une hausse de la productivité des employées pouvant aller jusqu’à 23%.

 

Congé menstruel : l’Espagne s’engage

L’Europe se tourne de plus en plus vers le congé menstruel et de nombreux pays adoptent ce dispositif. L’Espagne est le premier pays à adopter le congé menstruel ce jeudi 16 février 2023. Cette décision fait partie du projet de loi sur la santé sexuelle et l’IVG. Désormais, avec la mise en place du congé menstruel, les femmes pourront demander à leur médecin traitant de faire un arrêt maladie en cas de règles douloureuses. Cet arrêt ne devrait pas avoir de durée précise.

Si l’Espagne s’est engagée en faveur du congé menstruel, beaucoup dénoncent (et notamment des femmes) la stigmatisation qu’un tel texte de loi peut avoir envers les talents féminins, notamment dans les entreprises. Certains craignent que cela ne constitue un frein à l’embauche. C’est d’ailleurs l’une des craintes d’un collectif français baptisé Osez le féminisme et qui s’est montré réticent à l’idée de l’instauration d’un congé menstruel en France, pour des raisons de potentielles discriminations à l’embauche.

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