L’Intelligence Artificielle. Deux mots qui, selon l’angle sous lequel on les observe, évoquent soit une promesse radieuse d’efficacité et d’innovation, soit une menace tapie dans l’ombre d’un monde du travail en pleine mutation. Les jeunes actifs de 2025 oscillent entre fascination et appréhension, partagés entre l’espoir d’une IA au service de leur productivité et la crainte d’une technologie qui les broierait dans ses rouages invisibles.
C’est ce que révèle la troisième édition du Baromètre ISC Paris BVA Xsight sur le bonheur au travail vu par les jeunes, une étude qui dissèque les aspirations et les doutes des 18-24 ans face au marché du travail.
Une génération entre curiosité et scepticisme
Si une majorité de jeunes a déjà expérimenté l’intelligence artificielle (69%), principalement dans le cadre académique, son adoption reste prudente dans le monde professionnel. Moins d’un quart d’entre eux s’en servent régulièrement, et 40% des 1051 répondants se disent mal préparés à l’intégrer à leur métier.
Au-delà des statistiques se dessine un trouble : la jeunesse s’interroge profondément sur les implications éthiques de l’IA. Inquiétude sur l’avenir du travail, sur la place de l’humain, sur ces inégalités que la technologie pourrait amplifier. Ni fascinée, ni franchement hostile, la nouvelle génération avance à tâtons, consciente que derrière la promesse d’un avenir optimisé, se cache peut-être la plus grande mutation depuis l’industrialisation.
À écouter les récits enthousiastes, la Génération Z aurait déjà basculé pleinement dans l’ère de l’intelligence artificielle, bercée dès l’enfance par les algorithmes. Mais la réalité est moins lisse. Pourquoi une telle prudence ? Parce que l’IA fascine autant qu’elle dérange. 16% des interrogés refusent tout simplement de l’utiliser, n’y voyant aucun intérêt ou la considérant avec méfiance. Ce n’est pas une défiance systématique envers le progrès, mais plutôt une aspiration profonde à davantage de sens. Un réflexe sain qui tranche avec l’obsession du tout-technologique prônée par les dirigeants.
Ce n’est pas par nostalgie ou résistance gratuite que les jeunes hésitent à embrasser pleinement l’IA, mais bien par lucidité. Une large majorité s’interroge ouvertement sur les enjeux éthiques qu’elle soulève, craignant ses effets insidieux sur le monde du travail. Parmi les principales inquiétudes exprimées dans l’étude de l’ISC Paris avec BVA Xsight, 37 % craignent que l’intelligence artificielle ne dénature leur métier. À cela s’ajoute une préoccupation sur l’avenir professionnel : 30 % redoutent une précarisation accrue de leur emploi et 25 % estiment que l’IA pourrait générer un stress supplémentaire au quotidien.
Une fracture face à la technologie
Car l’IA, loin d’être neutre, accentue les écarts sociaux. Elle favorise ceux qui maîtrisent déjà les codes numériques, laissant de côté ceux qui n’ont ni les ressources ni les moyens de s’y former. Ainsi, 71 % des jeunes cadres et CSP+ se sentent prêts à utiliser l’intelligence artificielle, contre seulement 46 % des jeunes issus des catégories plus modestes (CSP-). De même, les inégalités géographiques sont marquées : 62 % des jeunes résidant en Île-de-France se sentent suffisamment préparés à intégrer l’IA, contre 42 % en province. Une fracture de genre se dessine aussi : 59 % des hommes déclarent être à l’aise avec cette révolution numérique, contre seulement 47 % des femmes. Demain, cette fracture technologique pourrait devenir un véritable frein à l’accès au marché du travail, ce qui pourrait avoir comme conséquence de creuser davantage les inégalités déjà existantes.
Loin du cliché d’une génération hyperconnectée prête à tout automatiser, les jeunes de 2025 se montrent prudents et critiques face à l’IA. S’ils reconnaissent son potentiel en termes de productivité, ils en voient aussi clairement les risques : fracture sociale, dérives éthiques et perte de sens au travail.