Fondé en 1889, le Brentford FC, situé dans la banlieue de Londres, est un club de football ayant récemment connu une fulgurante ascension. Habitué aux seconds rôles depuis l’après-guerre, le club est remonté, depuis 2021, dans l’élite du football anglais : la Premier League. Un succès façonné de toutes pièces par un homme : Matthew Benham. Supporter du club depuis sa tendre enfance, il l’a sauvé de la faillite en 2012 pour en faire ce qu’il est devenu aujourd’hui et cela par le biais de moyens peu conventionnels : l’analyse statistique approfondie, la fameuse “Data”. Zoom sur l’histoire du stratège des Bees.
Qui est Matthew Benham ?
Matthew Benham possède un diplôme de la très prestigieuse Université d’Oxford, obtenu en 1989. Pendant plus de dix ans, il a travaillé dans le milieu de la finance et des assurances, avant d’être nommé vice-président de la Bank of America à la fin des années 90. En 2001, il décide de changer de carrière et rejoint une société de paris sportifs nommée Premier Bet, dans laquelle il officie en tant qu’opérateur financier ou trader. Après une brouille avec son ancien patron, Tony Bloom, il quitte le groupe pour devenir parieur professionnel, lui permettant d’accumuler des millions de dollars. Il crée des algorithmes et modèles mathématiques afin d’optimiser au maximum ses gains.
En parallèle, il crée son entreprise de conseils en paris sportifs SmartOdds, toujours en se basant sur les différents modèles statistiques créés pour lui-même. Son succès ne se fait pas attendre : dix ans plus tard, en 2011, son entreprise génère près de dix millions de dollars par an.
Devenu une référence dans l’économie florissante du pari sportif, Matthew Benham souhaite élargir son rayon d’action et se consacrer à une passion qui l’anime depuis ses onze ans : le Brentford Football Club. En 2012, et alors l’équipe végète au fin fond de la troisième division anglaise, Benham rachète le club pour 700 000 dollars, avec la ferme intention de le redresser.
L’analyse statistique comme clé du succès du Brentford FC
Fort de son passé d’analyste financier, Matthew Benham fait le choix de limiter ses investissements dans l’achat de joueurs, de cadres techniques ou autres ressources coûteuses pour mettre la data au cœur de son projet de reconstruction. Il a trouvé son inspiration dans Moneyball, un livre de Michael Lewis, et adapté au cinéma dans Le Stratège, avec Brad Pitt, qui raconte l’ascension fulgurante de l’équipe de baseball d’Oakland, en MLB, dirigée par Billy Bean et son équipe d’analystes data. Il décide d’appliquer ce modèle au football, d’abord en testant ses méthodes au club de Midtjylland, au Danemark.
Devenu actionnaire majoritaire en 2014, le club remporte le championnat dès l’année suivante, validant ainsi son nouveau processus de développement. Il décide alors de faire de même au sein du club de Brentford. Pour y parvenir, Matthew Benham entreprend, en 2015, une totale restructuration du club et incorpore dans son équipe une majorité de professionnels de la data.
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Comment sont utilisées ces statistiques ?
Le club a commencé par examiner davantage le concept de « xG » ou “expected goals ». L’idée est de se concentrer sur la qualité et la quantité d’occasions créées par un joueur plutôt que sur le nombre de buts marqués par celui-ci. Il existe par ailleurs une multitude de déclinaisons d’analyses statistiques pour chaque situation de jeu. La principale mission des analystes data du club de Brentford : savoir lire entre les lignes de cette infinité de données chiffrées pour en tirer des enseignements et orienter et faciliter les décisions de la direction sportive.
Si les meilleurs clubs du monde investissent des millions d’euros dans leur formation, Brentford décide de supprimer son centre de formation et de s’appuyer sur une équipe secondaire composée de joueurs âgés de 17 à 20 ans en manque de temps de jeu dans les clubs concurrents. Ces jeunes sont, selon eux, sous-exploités, car bloqués dans la hiérarchie par de meilleurs joueurs. Selon le modèle du club, un jeune de cette tranche d’âge a besoin de 35 rencontres pour que le management puisse déterminer sa valeur.
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Quels résultats pour le Brentford FC ?
Ce travail de fourmi permet de déceler plus facilement des profils de joueurs pouvant passer inaperçus aux yeux d’autres cellules de recrutement ou sous-utilisés dans d’autres structures. Les cibles sont donc moins prisées et par conséquent, moins chères. Citons quelques exemples :
- Neal MAUPAY : acheté pour 2M€ à Saint-Etienne, vendu pour 15.5M€ à Brighton
- Said BENRAHMA : acheté pour 1.7M€ à Nice, vendu pour 23M€ à West Ham
- Ollie WATKINS : acheté pour 7.2M€ à Exeter, vendu pour 34M€ à Aston Villa
- Andre GRAY : acheté pour 620K€ à Luton, vendu pour 12.6M€ à Burnley
- Ezri KONSA : acheté pour 2.85M€ à Charlton, vendu pour 13.2M€ à Aston Villa
- Ivan TONEY : acheté pour 5.6M€ à Peterborough, valeur actuelle estimée à 35M€
- Rico HENRY : acheté pour 1.8M€ à Walsall, valeur actuelle estimée à 20M€
Si les joueurs cités ci-dessus ont vu leur valeur marchande exploser, c’est parce qu’ils ont été performants sur le terrain. Ils ont tous contribué, de près ou de loin, à l’ascension du Brentford FC en Premier League en 2020, une première depuis 1947. Seulement huit ans ont été nécessaires à Benham pour accéder à la Premier League, le championnat le plus populaire du monde.
En seulement dix ans, Matthew Benham a sauvé son club de la faillite pour passer de la troisième division anglaise à la Premier League, il a construit son propre stade et la valeur du club est aujourd’hui estimée à plus de 300 millions de dollars… pour un investissement de 700 000$ au départ. Il a multiplié sa mise de départ par 420, tout cela en partie grâce à l’utilisation méthodique de la data.
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