Quoicoubeh
Insolite

« Quoicoubeh » : que veut dire ce satané mot ?

Inconnu il y a quelques mois encore, le néologisme « quoicoubeh » fait des ravages dans les cours d’école. Mais d’où vient-il ? Que veut-il dire ? Retour sur l’histoire du phénomène.

 

Comment fonctionne Quoicoubeh ?

À l’instar de son prédésesseur plus old-school « Quoi ? Feur », le mot « quoicoubeh » est une sorte de piège linguistique. Bien souvent, l’objectif est de pousser son interlocuteur à la faute, pour qu’il utilise le terme familier « quoi » (en n’articulant pas une partie de sa phrase ou en prononçant volontairement des expressions qui n’ont aucun sens), afin de pouvoir rétorquer « quoicoubeh ».

Pour ses locuteurs les plus aguerris, le mot quoicoubeh s’accompagne d’une prononciation et d’un accent : il est d’usage de prononcer « quoicoubeh » en inspirant et en faisant traîner la dernière syllabe (tu pourras l’entendre dans le TikTok à la fin de cet article).

On peut aisément y lire une réappropriation de la critique du mot « quoi », dont l’usage trop familier est bien souvent dénoncé par les parents et les professeurs de français : les adolescents se construisent alors un élément de vocable qui marque leur appartenance au groupe de la « jeunesse », tout en inversant les rôles pour chercher à piéger les parents et professeurs qui tentent, eux, de leur imposer le leur.

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D’où vient le mot Quoicoubeh ?

L’origine linguistique de Quoicoubeh

À la base, l’expression « Quoicoubeh » semble être issue d’un jeu de mots « Cou A Cou B », une blague dans la droite lignée du « Quoi ? Feur » évoqué plus haut. C’est de cette base que l’orthographe aurait dérivé pour devenir plus phonétique, ce qui a probablement aidé à sa diffusion aussi massive auprès des ados, au point de rendre la filiation plus floue. Mais la croissance de cette expression n’est pas parfaitement organique : pratiquer le Quoicoubeh n’aurait jamais pris cette ampleur sans le réseau TikTok.

 

L’instigateur du piège rhétorique Quoicoubeh : l’utilisateur La Vache

C’est chez le tiktokeur La Vache (@camskolavache) que le jeu de mots a commencé à circuler sous cette forme. Dans un certain nombre de vidéos sur son compte, le petit malin s’amuse à piéger ses proches avec la phrase. Des TikToks qui vont prendre une très grande ampleur : après plusieurs millions de visionnages, le jeu de langage va se répandre comme une traînée de poudre dans le pays, en particulier auprès des plus jeunes. Lancer un « quoicoubeh » devient alors un moyen efficace de se moquer de son interlocuteur, et c’est désormais un jeu parmi d’autres. Mais, à ce stade, le meme n’a pas encore atteint le maximum de sa portée.

 

David La Cailler, le visage de Quoicoubeh

C’est une vidéo reprenant le jeu de mot initié par La Vache qui fait passer Quoicoubeh de private joke à véritable phénomène de société. Dans cette vidéo, on peut voir un jeune homme lancer un « T’as les cramptés ? ». Lorsque son interlocuteur lui répond « Hein ? », il rétorque : « Apagnan ! Quoicoubeh, quoicoubeh, quoicoubeh ! ». Des mots qu’il accompagne de quelques pas de danse. Cette vidéo devient virale, au point que les pas de danse deviennent, dans l’esprit de nombreux Millenials, une grande part de l’imagerie du meme.

Dans une interview donnée au média en ligne Lacrem, le jeune homme se présente sous le nom de David La Cailler. Atteint d’autisme, il se dit amusé par le phénomène qu’il est devenu sur Internet et continue à se construire un personnage.

J’ai entre 15 et 50 ans, ça fait partie du mystère.

 

Quoicoubeh, fossoyeur du Feur ?

Jusqu’il y a quelques mois, l’expression « Quoi ? Feur » était très utilisée sur les réseaux sociaux, comme dans le reste de la société. Elle avait pris un essor tout particulier sur X : dès qu’un post d’un utilisateur finissait par « quoi », il était forcément accompagné par un « feur », quelque part dans les réponses.

Mais depuis l’apparition du Quoicoubeh, le jeu de mots est de moins en moins présent sur la plateforme. En réalité, ni le « Feur » ni le « Quoicoubeh » ne sont particulièrement représentés sur Twitter depuis le passage La Vache et David La Cailler. Tout porte à croire que cette petite phrase et ses dérivés aient au moins en partie ralenti les autres tours de passe-passe linguistique du style.

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Les variantes à Quoicoubeh

Apagnan, commandant de bord : des extensions pures de Quoicoubeh

Si le « quoi » peut être évité, des variantes ont pour but de miner un peu plus le champ des interrogations utilisables, en investissant à la fois des mots plus et moins familiers. C’est ainsi qu’entrent en scène deux nouvelles répliques :

  • Apagnan, qui fonctionne sur le même principe que « Quoicoubeh », mais qui condamne l’utilisation du « Hein ? » plutôt que du « Quoi ? ». Ainsi, dès que quelqu’un n’ayant pas compris une phrase va répondre « Hein ? », son interlocuteur pourra rétorquer « Apagnan ».
  • Commandant de bord suit le même schéma, mais va cette fois diriger les moqueries vers le terme « Comment ? », plus soutenu.

Cumulées à ses deux prédécesseurs, elles ratissent bien plus large lorsqu’on les combine, au point que le piège linguistique soit intextricable : toutes les phrases interrogatives ou presque sont minées. D’autant que, comme vu dans le tweet plus haut, commencer une phrase par « Comment » ou par « Quoi » n’exempte pas de réponses se voulant humoristiques. C’est maintenant tous les Français qui avancent sur un terrain miné quand ils parlent à la nouvelle génération.

 

T’as les cramptés ?

« T’as les cramptés ? » est un terme souvent utilisé en guise d’amorce du Quoicoubeh, du Apagnan ou du Commandant de bord. Sa raison d’être est, paradoxalement, de n’avoir aucun sens : parce qu’il ne veut rien dire, il appelle une question directe de la part de son interlocuteur, qui pense être dans l’erreur en n’ayant pas saisi le sens du terme utilisé. Ne réalisant pas le piège qui lui est tendu, il finit par se faire avoir par une des trois réponses caractéristiques du genre. Notamment présent dans les vidéos du tiktokeur David La Cailler, il fait désormais partie du folklore Quoicoubeh.

 

Comment s’appellent les habitants du Québec ?

Ici, c’est une vidéo sur Le Parisien qui fait naître à grande échelle la tendance sur TikTok : on y voit une jeune fille poser la question « Comment s’appellent les habitants du Québec ? » à la journaliste derrière la caméra. Après sa réponse, elle crie, d’un air amusé, « Quoicoubeh ! ». Ici, c’est une référence à la proximité entre les mots « Québecois » et « Quoicoubeh » qui rend le jeu de mots amusant. L’interview sera très vivement relayée, au point que la phrase se substitue bien souvent à la non-articulation ou au terme « T’as les cramptés ».

 

Wi-Fi, vétéran de la famille Quoicoubeh

Le « Oui ? Fi » est bien plus pernicieux et difficile à désamorcer : il s’agit ici de pousser plus loin le concept, en piégeant tous les francophones qui auraient le malheur de prononcer le mot « Oui ». S’il peut exister des ruses pour échapper aux griffes du « Oui ? Fi » (en répondant « ouais », « plaît-il » s’il s’agit d’une apostrophe, etc.), l’objectif est de ratisser bien plus large que le piège « Quoicoubeh », ou « Commandant de bord ». Objectif atteint sans difficulté.

Son cas est un peu particulier, parce que c’est un terme qui existait bien avant Quoicoubeh et qui était déjà à son époque une sorte d’alternative au « Quoi ? Feur », mais il a été repris et diffusé massivement malgré tout.

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« Quoicoubaka », « quoicouflop » : la nouvelle vague de Quoicoubeh

Une nouvelle vidéo est venue alimenter le lexique, pour donner une nouvelle dimension au terme Quoicoubeh. Dans cette vidéo, les interlocuteurs utilisent « Quoicou » comme préfixe à des termes en apparence totalement décorellés du jeu de mots : « Quoicou Je Te Boude », « Quoicouflop » (se substituant au mot « flop », désignant un bide), etc. Cette vidéo vient enrichir le phénomène d’une nouvelle utilisation : allant plus loin que le terme « Quoicoubacasable » qui lui préexistait, on ajoute ici au langage commun certains mots et certaines utilisations de Quoicoubeh.

 

Quoicoubeh, un calvaire pour les parents

Excédés, de nombreux parents ne parviennent plus à supporter l’utilisation du terme « Quoicoubeh », qui s’est probablement un peu trop répandu dans les cours de récréation. Une influenceuse et jeune maman témoigne par exemple de son désarroi sur son compte TikTok :

Ca fait plusieurs mois que, dans cette maison, on ne peut plus parler : dès que je dis « oui », il répond Wi-Fi, quand je dis « quoi », il me répond Quoicoubeh. Et si j’ai le malheur de dire « hein », il me répond « Apagnan ». Une radio ! (…) Comment ça se fait que mon fils est au courant des trends mieux que moi, alors qu’il n’a pas TikTok, il n’a accès à aucun réseau social ?

@nana.toktok9

Hein??? Quoi ? Comment ? #quoicoubeh #apagnan #commandantdebord

♬ son original – Anaïs Monteiro

Preuve s’il en fallait que Quoicoubeh est avant tout un phénomène générationnel : si les jeunes s’identifient, une très large partie des internautes plus âgés dénonce l’aspect gênant de tout ce phénomène, à l’image de cette jeune influenceuse. Même parmi les utilisateurs de TikTok, bon nombre de jeunes de la génération Y et Z expriment le malaise intense que leur fait endurer la tendance. Ils décrivent la situation comme trop emprunte d’un humour « gênant » et « puéril ».

Un certain nombre d’entre eux se réapproprient toutefois la tendance, en transformant cette blague de mauvais goût en un moyen méta de créer un autre style de comique, cette fois intégralement basé sur le malaise.

 

Quoicoubeh, signe de décadence de la jeunesse ?

Tout porte à croire que Quoicoubeh rejoigne la longue liste des phénomènes d’emballement si propres à Internet, qui ne durent que quelques mois avant de s’essouffler, tant son intérêt semble plus être dans sa diffusion que ses implications linguistiques. On se souvient de l’explosion des hand spinners, ces petits objets auxquels certains prédisaient un grand avenir en tant que jouets pour enfants, qui n’auront duré que deux mois tout au plus. Ici, le schéma semble se répéter, avec un influenceur qui le popularise à grande échelle, avant que toute la toile ne s’en saisisse. On pourrait même parler de phénomène TikTok : cette plateforme tant caractérisée par la génération de tendances est une machine à créer des phénomènes que tous peuvent reprendre. Quoicoubeh semble n’être que l’un d’entre eux.

D’autant que le phénomène ne dure que parce que de nouvelles figures l’alimentent régulièrement : d’abord La Vache, puis David La Cailler, l’interview Le Parisien, et enfin la vidéo « Quoicoubaka ». Tout porte à croire que, d’ici quelques semaines, le buzz retombera et que la surexposition au Quoicoubeh nous lassera tous.

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