Molotov TV est une plateforme qui permet de regarder la télévision en direct, mais aussi des replays, depuis sa tablette, son téléphone ou son ordinateur. Lancé en grande pompe en juillet 2016, le service de diffusion de chaînes par Internet pourrait pourtant disparaître. Explications.
Molotov TV a été longtemps teasé par Pierre Lescure, cofondateur de Canal+ et de cette plateforme. Il faut dire que la promesse était séduisante. Le service devait satisfaire les besoins d’une génération qui s’est détachée de la linéarité de la télévision et même du produit physique. Le site permet de regarder la télévision en streaming, de revenir en arrière facilement et de mettre sur pause le direct.
Les origines et les débuts explosifs Molotov TV
Molotov TV a été créé par Pierre Lescure (Canal+), Jean-David Blanc (cofondateur d’Allociné) et Jean-Marc Denoual, qui a été un temps à la tête de TF1 Distribution. Si la plateforme a vu le jour en 2016, le projet remonte en réalité à 2014 où les trois entrepreneurs récoltent 10 millions d’euros grâce à une première levée de fonds.
Puis c’est la consécration. Avant même sa sortie, Apple met en avant le service lors de sa semaine de conférence dédiée aux développeurs du monde entier. En 2016, le service ouvre sur PC, Mac, iPad, iPhone et permet aux chaînes de télévision de rattraper leur retard en matière de streaming télévisuel. Une deuxième levée de fonds de 22 millions d’euros arrive peu de temps après le lancement du site.
Tout le monde veut avoir sa part du gâteau et prend part à l’aventure Molotov TV qui se met à proposer des packages payants, à l’image de ce que fait Canal+. Ciné+, puis OCS mettent rapidement leur service à disposition des utilisateurs de la plateforme, moyennant rétribution. Médiamétrie annonce même la prise en compte des audiences des spectateurs qui regardent la télévision via Molotov TV, légitimant le service comme un moyen incontournable de consommer ce bien culturel.
La plateforme lance également les bookmarks, un système qui permet de sauvegarder et enregistrer tout ou partie d’émissions diffusées par les chaînes gratuites ou payantes, délinéarisant un peu plus la télévision. C’est le succès immédiat pour ce dispositif.
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2020, l’année du succès pour Molotov
La barre des 7 millions d’utilisateurs est franchie rapidement, seulement deux ans après le lancement de la plateforme. En 2020, les deux chaînes gratuites du groupe NRJ qui n’étaient toujours pas présentes sur Molotov TV rejoignent l’aventure. L’application enregistre une belle croissance des utilisateurs qui sont maintenant 10 millions. Ce chiffre grimpe même jusqu’à 13 millions à la fin de l’année.
La plateforme rejoint alors le FT120, cette prestigieuse sélection des startups prometteuses mise en place par le gouvernement. Le site profite du confinement pour mettre à jour son offre pour proposer des contenus pédagogiques dédiés aux enfants coincés à la maison.
2020 est aussi l’année de l’expansion géographique de Molotov TV qui intègre de plus en plus d’appareils connectés et de smart TV. Présente en France métropolitaine, à Andorre, Monaco et dans les ROM-COM depuis son lancement, la plateforme s’ouvre fin décembre à la Côte d’Ivoire. Elle s’installera ensuite dans l’Afrique francophone avec un lancement au Sénégal, au Cameroun, au Burkina Faso, en Tunisie, en Guinée et en République Démocratique du Congo.
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Le rachat raté par Altice et le rachat par Fubo TV
Dès 2018, la plateforme intéresse beaucoup d’acteurs de l’audiovisuel français. Ils sont nombreux à faire une offre à Molotov. Orange proposera 50 millions d’euros. De son côté, France Télévision offrira 40 millions d’euros pour racheter le site. TF1 fera également une offre !
En 2019, alors que Jean-David Blanc explique que le service n’est pas à vendre, Molotov rentre en négociation avec Altice pour un potentiel rachat par la plateforme. L’objectif était d’accélérer le développement du service de streaming et de le proposer aux abonnés de Free. Un an plus tard, en 2020, aucun accord ne sera trouvé et les négociations seront abandonnées à la suite du mécontentement des actionnaires qui jugeaient l’offre de rachat trop faible.
Malgré tout, en 2019, Xavier Niel, via NJJ Holding, injectera 30 millions d’euros dans Molotov TV et sera accompagné d’Idinvest qui mettra sur la table 10 millions, pour une levée de fonds de 40 millions d’euros, la dernière en date pour la plateforme.
Cependant, si Molotov TV n’était pas à vendre en 2019, il l’était en 2021. C’est Fubo TV qui rachète le service pour 164 millions d’euros, 25 millions seront versés en cash, le reste sera proposé en actions. Fubo TV est une plateforme américaine de télévision en streaming. Elle permet de voir principalement des matchs de football américain, de hockey, de baseball ou de basket moyennant un abonnement payant. Contrairement à Molotov TV, ce service ne propose aucune offre gratuite.
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De la difficulté de trouver son modèle
Molotov TV a toujours du mal à trouver un modèle pérenne. Les abonnements à Molotov Plus, permettant d’accéder à des fonctionnalités spéciales et à certaines chaînes pour 3,99€/mois n’a pas vraiment pris et le site enregistre des dettes colossales. Selon le site Capital, à la fin de l’année 2020, la plateforme avait accumulé plus de 90 millions de pertes. Il indique également que, toujours cette année-là, « elle était dans une situation financière difficile, avec fin 2020 des dettes de 57 millions d’euros, et une trésorerie de seulement 5 millions d’euros. »
Fin 2020, c’est toujours la chute libre pour Molotov TV dont le résultat net s’élève à -19,8 millions d’euros et les capitaux propres, quant à eux, sont passés de 13,6 millions d’euros en 2016, à -43,1 millions d’euros en 2020. Si les chiffres en termes d’utilisateurs sont assez encourageants, les raisons de cette instabilité résident de la faible part d’abonnés payant à Molotov TV.
Le nombre d’utilisateurs actifs n’est pas aussi important que les communications de Molotov TV le laissent croire. En effet, alors que le chiffre affiché dans les derniers communiqués tourne autour des 17 millions d’utilisateurs, la part de personnes qui utilisent de manière régulière la plateforme est bien moindre. Il y aurait en tout 4 millions d’utilisateurs, d’après les dires de Molotov TV lors du conflit avec TF1.
Ce critère a été au cœur de l’histoire qui opposait les deux entités. D’un côté, le groupe TF1 se basait sur le nombre d’utilisateurs, actifs ou non, déclarés par Molotov, pour calculer sa grille tarifaire qui s’élevait à 22 millions d’euros. De l’autre, Molotov TV arguait que ce chiffre était trop élevé et qu’il fallait plutôt prendre en compte la part d’utilisateurs actifs. Les juges ont tranché « Molotov ne peut utilement soutenir que le mode de calcul prévu dans l’offre de TF1 est discriminatoire au seul motif qu’il ne lui est pas favorable. Les utilisateurs de Molotov ont la possibilité de rester inscrits sans avoir à justifier de leur activité, ou encore de s’inscrire sous divers identifiants. Une telle situation ne résulte que du modèle d’inscription et de gestion des comptes que Molotov s’est choisie et n’envisage manifestement pas de changer, notamment en procédant à une désactivation régulière des comptes dormants. »
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Les procès de Molotov TV
Mais l’aventure Molotov TV a vraiment pris un tournant plus dramatique vers la fin de l’année 2021. La première déconvenue est un procès intenté par M6 à Molotov TV. Le conflit dure depuis des années. Ce qui est reproché au service de streaming ? La diffusion des chaînes du groupe (M6, W9, 6ter et Gulli) sans son autorisation. En effet, le contrat qui liait les deux entités était arrivé à expiration fin mai 2018. Depuis, la plateforme continuait tout de même à diffuser M6 et consorts.
Le tribunal a donné raison à M6 le 2 décembre 2021. Molotov TV a été condamné à payer 7 millions d’euros pour parasitisme et contrefaçon. Pire, la plateforme diffuse maintenant les chaînes du groupe uniquement sur son offre payante, provoquant la colère des utilisateurs gratuits qui ont vu leur offre se réduire grandement.
Mais ce n’était que le début pour Molotov qui a récemment été condamné dans un procès l’opposant au groupe TF1. Alors que le site refusait de payer pour diffuser les chaînes du groupe (TF1, TFX, TMC, TF1 Séries films), mais continuait d’en assurer la diffusion auprès de ses utilisateurs payants, ce qui n’a bien sûr pas plu au géant de l’audiovisuel français.
Encore une fois, Molotov a été contraint de passer les chaînes du groupe TF1 sur son abonnement payant, promettant au passage d’ajouter des fonctionnalités, comme les replays ou l’enregistrement dans le cloud, pour calmer les utilisateurs de l’offre gratuite qui se retrouve amputée de huit chaînes. Le 7 janvier 2022, la plateforme a été contrainte de payer 8,5 millions d’euros de dédommagement au groupe TF1.
Molotov TV rattrapé par la concurrence
Si Molotov TV tente de redresser la barre après ces déconvenues judiciaires, il faut dire que le service a perdu en attractivité. Aujourd’hui, il donne accès à peu de chaînes et un abonnement gratuit à des services comme 6play ou MyTF1 permet d’accéder facilement au direct et au replay.
En outre, la concurrence a largement dépassé Molotov. Avec myCanal ou même les box d’Orange ou de Bouygues, les utilisateurs peuvent regarder toutes les chaînes sur leur téléviseur, leur tablette, leur ordinateur ou leur smartphone. Ils peuvent également contrôler le direct et revenir en arrière. La promesse de Molotov d’offrir une consommation délinéarisée n’est plus unique à la plateforme et s’est démocratisée.
Le service sera-t-il encore attractif dans les prochains mois ou va-t-il disparaître, faute d’abonnés ? Comme l’explique un ex-cadre de Molotov au site Télérama, l’avenir de la plateforme est dans les mains des utilisateurs. « La seule question désormais est de savoir si le public sera prêt à payer pour recevoir uniquement TF1, M6 et les replays associés. »
