À l’occasion de la conférence de presse de rentrée de l’ESSEC, nous avons pu échanger avec Vincenzo Vinzi, directeur général de l’ESSEC. Au programme : des détails sur son parcours et son évolution dans le monde des business schools françaises, son rapport à son métier de DG, mais aussi le rapport de l’ESSEC aux notions d’inclusion et de diversité.
Vincenzo Vinzi, de Naples à l’ESSEC
Vous vous êtes formés en Italie et vous avez enseigné à Naples. Qu’est-ce qui vous a conduit à l’ESSEC ?
J’ai toujours évolué en ayant une approche académique, avec un esprit entrepreneurial. J’ai besoin d’expérimenter, de prendre des risques… Le milieu des business schools en France est très propice à l’expérimentation, encore plus à l’ESSEC qui affiche un fort esprit d’innovation et qui veut toujours être dans l’anticipation. C’est ce qui m’a poussé à rejoindre l’école.
J’ai passé quelques années en tant que professeur visitant entre 2002 et 2007. Et je me suis rendu compte que ce milieu collait à ma personnalité, notamment l’esprit entrepreneurial appliqué aux entreprises. À l’époque, j’étais professeur de statistique et président de l’association internationale de la statistique pour le business et l’industrie. Et je me retrouvais dans l’approche de l’ESSEC.
Imaginez-vous un potentiel retour en Italie, pays dans lequel on retrouve de belles business schools ?
Je suis français depuis trois ans. J’ai acquis la nationalité française. Ce n’est pas un besoin administratif, mais une vraie volonté de ma part. Avant, je me sentais chez moi. Désormais, je suis chez moi. Pour moi, les prochaines étapes se déroulent à l’ESSEC. J’ai encore plein de belles années devant moi au sein de l’école et je souhaite poursuivre mes engagements.
De professeur à DG de l’ESSEC : l’évolution de Vincenzo Vinzi
Vous êtes passé de professeur à DG en quelques années. N’est-ce pas difficile de faire cette transition entre l’enseignement, l’académique et cette dimension « chef d’entreprise » ?
Entre le moment où j’ai été professeur et celui où je suis devenu DG, j’ai été doyen de la faculté. Cette période de sept ans m’a permis de me former. J’ai intégré le comité exécutif de l’école et j’étais exposé à ces sujets stratégiques, opérationnels, financiers, développement… C’était un lieu d’apprentissage important. En devenant DG, je suis resté dans le même secteur avec toujours l’objectif de servir les étudiants, les alumni, les professeurs et les chercheurs.
J’ai cette légitimité dans la connaissance du secteur que j’ai complétée par la dimension managériale. Ce sont des dimensions que l’on prend en compte avant de nommer un DG. Aujourd’hui, pour être directeur d’une école de commerce, il faut être proche d’un mouton à 5 pattes. Il est important de maîtriser plusieurs aspects : la finance, la stratégie, la communication de crise… Il est important de bien s’entourer de gens qui sont meilleurs que soi et qui complètent ses compétences. Il faut ensuite de la conviction et de la détermination, et rester humble.
Comment gérer la charge mentale du métier de DG d’école de commerce ?
C’est une question d’équilibre personnel. Il faut arriver à trouver un équilibre en soi-même pour absorber ce qui se passe à l’extérieur. Trouver son équilibre, c’est être capable de prioriser et savoir déléguer. Cela ne veut pas dire se déresponsabiliser, mais c’est faire confiance aux autres. Les temps familiaux et le sport sont de bons moyens de trouver son équilibre personnel. J’essaie de m’imposer deux créneaux de tennis dans le week-end.
Il y a aussi la question de la mission et du sens. Je sais pourquoi je me lève et je sais que j’ai un impact. Cela décuple mon énergie. Le jour où mon métier deviendra une simple série d’opérations et sera vide de sens, ce sera plus difficile à porter. Mais aujourd’hui, je peux mesurer l’impact que j’ai sur la vie des étudiants.
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L’inclusion en école de commerce, la combat de Vincenzo Vinzi
Depuis plusieurs années, vous misez sur le sujet de l’inclusion, avec un centre d’égalité des chances qui a fêté ses 20 ans. Pourquoi un tel focus sur ce sujet ?
Une école doit être la représentation fidèle de la société. La diversité est un sujet sociétal et, s’il est abordé de la bonne manière, c’est une véritable richesse. Respecter et contribuer à cette diversité permet de profiter de la puissance du collectif et d’aller plus loin.
Cette diversité, elle commence aussi par l’accès aux écoles de commerce. Il faut donner les mêmes chances à tout le monde et travailler sur l’inclusion. C’est une question d’égalité des chances. Cela permet d’afficher une diversité d’opinions, de genre, d’orientations qui nous dote d’un collectif plus puissant. On s’enrichit les uns des autres.
La diversité, c’est aussi la question de la rémunération des femmes. Ces 20 dernières années, nous avons observé une hausse de l’écart salarial entre les femmes et les hommes. Est-ce que vous profitez de votre proximité avec les entreprises pour les sensibiliser sur ce sujet ?
Cette sensibilisation se fait auprès des entreprises et des étudiants. Nous travaillons déjà sur les chaires qui permettent d’avoir des liens très forts avec les organisations qui viennent dans l’école. Dans ce cadre, nous organisons des temps de sensibilisation sur ces enjeux. En outre, nous avons une chaire diversité et leadership créé avec L’Oréal. L’écart de salaire entre les femmes et les hommes sont au cœur de cette chaire.
Nous avons aussi un rôle à jouer sur la mixité dès l’entrée en école de commerce. Il faut éviter les parcours stéréotypés, qu’on retrouve moins chez les étudiants internationaux. Pour les parcours en data ou finance, les étudiantes sont surtout indiennes et chinoises. Nous devons pousser les étudiantes à oser aller vers ces filières. Nous devons également leur fournir les méthodes de négociation de salaire pour ne pas subir la rémunération imposée par les entreprises. Il faut aussi mettre en avant des role models pour qu’elles puissent s’identifier, en présentant des parcours de diplômées qui ont réussi à casser le plafond de verre.
Est-ce que cela vous est déjà arrivé de refuser des partenariats avec des entreprises qui ne correspondaient pas aux valeurs de l’ESSEC ?
Dans nos partenariats, nous cherchons bien sûr des entreprises qui correspondent à nos valeurs, celles que l’on porte depuis la naissance : humanité, innovation… Nous voulons également avoir un impact positif pour faire évoluer l’existant. Si une entreprise constate des dysfonctionnements, nous mettons en place des formations pour les aider à faire évoluer les pratiques. Les écoles de commerce doivent être des acteurs engagés qui œuvrent pour transformer les pratiques dans les entreprises.
Il y a quelques mois, une pétition du nom d’ESSEComplices dénonçait la manière dont l’école traite les cas d’agressions sur le campus. Comment comptez-vous améliorer les choses ?
Nous avons échangé avec les étudiants pour mieux communiquer sur la politique de l’école et nous avons mis en place une politique stricte sur le sujet. On traite tous les cas et on tient absolument à protéger la victime présumée de l’agresseur présumé, en commençant par les séparer. Dès qu’une sanction est prononcée à la suite de l’enquête, nous les appliquons.
Aujourd’hui, le sujet sur lequel nous pouvons mieux faire, c’est réduire le temps de l’instruction et nous allons nous améliorer sur ce sujet. Nous avons également formé tout le personnel et nous sommes accompagnés par des professionnels sur les aspects juridiques.
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Les défis de l’ESSEC
La 2e place de l’ESSEC au SIGEM est institutionnalisée. N’avez-vous pas peur de manquer de défis et de challenges ?
Les défis restent énormes, car le classement n’est pas une finalité. Notre finalité, c’est d’accomplir notre mission qui se traduit dans la manière dont on fait de l’innovation, de l’international, des humanités… L’ESSEC, c’était l’une des premières écoles de commerce ouverte aux filles, la première Junior-Entreprise, le lancement de l’apprentissage il y a 30 ans… Nous avons été novateurs et nous avons su montrer qu’on ne manquait pas de défis.
Quel est votre regard et votre relation avec les autres Parisiennes ?
Je trouve miraculeuse la manière dont toutes les business schools en France rayonnent à l’étranger, surtout par rapport au manque de moyens qu’ont les écoles françaises, si on les compare aux concurrents internationaux. Nous avons de bons rapports, car il y a de nombreux enjeux sur lesquels nous devons travailler ensemble : la taxe d’apprentissage, les réglementations, les accréditations… J’ai de très bonnes relations avec les DG qui m’ont fait l’honneur de me nommer vice-président de la CDEFM. Et nous avons des parties prenantes en commun avec les Parisiennes, notamment la CCI.
On retrouve bien sûr une concurrence sur quelques programmes, mais c’est une concurrence saine qui nous tire vers le haut. Chacune des écoles est excellente et chaque établissement a son propre ADN.
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