Passionnée par l’univers et l’espace, Laurène Delsupexhe réalisera bientôt une mission de simulation de vie martienne. Avec son équipage 100% féminin, son objectif est double : promouvoir la place de la femme dans l’industrie aérospatiale et peut-être, à terme, devenir astronaute.
Pouvez-vous revenir sur votre parcours ?
J’ai passé mon bac S en Thaïlande, puis je suis allée à l’EPFL (École polytechnique fédérale de Lausanne). J’y ai débuté un bachelor en génie mécanique. C’était une mauvaise surprise, car l’école était très théorique. J’ai besoin d’aspect pratique, c’est pourquoi j’ai intégré l’ESILV en 3e année de mécanique numérique et modélisation.
En 4e année, j’ai fait un échange à Politenico di Milano où j’ai fait un M1 dans l’aéronautique. C’était très intense, mais très intéressant. Je suis rentrée en 5e année à l’ESILV et j’ai travaillé sur le projet PERSEUS du CNES. Nous avons mené une étude sur la réduction vibratoire d’un lanceur expérimental. C’était ma première expérience concrète avec le spatial.
C’est à la fin de ce semestre que vous avez réalisé votre stage au sein de l’ESA ?
J’ai réalisé mon stage de fin d’études au sein de l’Agence spatiale européenne. J’ai travaillé au sein du programme VEGA, premier lanceur léger européen. Ça a été un véritable coup de cœur pour le spatial, un environnement très stimulant. J’ai rencontré des gens brillants.
L’un des ingénieurs de VEGA m’a recommandé un MS sur les systèmes de transport spatial qu’un de ses anciens élèves avait créé à La Sapienza (université à Rome). J’ai débuté ce programme il y a un an, puis j’ai débuté un stage chez Arianespace où je travaillais également sur le moteur du dernier étage de la fusée VEGA. C’est un moteur très particulier qui ne se déclenche qu’en microgravité, au-dessus de 100km. Aujourd’hui, je suis ingénieure consultante chez ArianeGroup, où je travaille dans le département développant les réflecteurs de satellites.
Qu’est-ce que WoMars ?
WoMars est un équipage que j’ai initié quand j’étais stagiaire à l’ESA. Je participais à une compétition sur LinkedIn pour suivre un entraînement d’astronaute et j’ai posté une vidéo qui a eu beaucoup de succès, tout comme celle d’une autre fille espagnole : Marta Ferran Marques qui est doctorante à Cranfield University.
À ce moment-là, j’ai découvert que la MDRS (Mars Desert Research Station) ouvrait sa station pour un équipage entier. J’ai donc contacté Marta et lui ai fait part de mon envie de monter un équipage 100% féminin. Elle était très partante et nous avons chacune réuni deux amies. Aujourd’hui, notre équipage est composé de Cristina Reyel (ingénieure chez Caeli Nova, MSc in Aerospace de Cranfield University), Julie Hartz (en Ph.D. en Astrobiologie à l’université de Bologne), Alice Barthe (Alumni ISAE-Supaero, travaillant aujourd’hui à l’ESA) et Paula Peixoto (en Ph.D. en Neuroscience Systems).
La construction de l’équipage a évolué pour se transformer en une véritable association et nous comptons partir chaque année sur des missions analogues, d’abord en octobre 2021 avec la MDRS. Nous espérons ensuite partir en 2022 avec HI-SEAS, à Hawaii.
Comme va dérouler l’expérience dans la base martienne de la MDRS ?
Notre séjour a été décalé du 10 au 23 octobre. Concrètement, nous serons isolés, mais un mission control sera en contact avec nous tous les jours. Nos expériences académiques vont rythmer nos emplois du temps, une fois dans la station. Nous travaillons également en étroite collaboration avec des laboratoires d’entreprises qui nous demandent de tester des technologies innovantes. Marta a monté une collaboration avec Dronomy, pour tester les algorithmes de navigation de drones quand ils n’ont pas de GPS.
Nous sommes également suivies par l’Université de l’Iowa qui organise une étude psychologique pour observer la cohésion de groupe et la gestion des conflits. Cette étude est menée sur toutes les missions de la MDRS et ils ont constaté que, dans les équipages mixtes, les hommes ont tendance à prendre la main. C’est la première fois qu’ils ont une équipe 100% féminine donc ce sera intéressant d’observer nos interactions.
La prochaine étape, c’est l’espace ?
Je vois WoMars comme l’occasion de s’entraîner. J’espère développer mes capacités et améliorer mes chances d’être sélectionnée en tant qu’astronaute européenne. Si l’ESA a lancé sa campagne de recrutement, je me prépare pour la prochaine vague qui aura lieu dans 10 ans.
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Pourquoi les femmes sont-elles moins représentées dans ce secteur ?
500 personnes sont parties dans l’espace et parmi elles, on ne compte que 10% de femmes. Cependant, l’ESA et la NASA essaient d’améliorer les choses. La classe Artemis, qui ira bientôt sur la lune, compte 5 femmes et 5 hommes.
Notre objectif est de montrer que les femmes ont leur place autant que les hommes dans cet univers. Elles ont d’ailleurs toujours joué un rôle dans l’exploration spatiale. WoMars ne fait que reprendre le flambeau et poursuivre le travail mené par nos mères, grand-mères et arrière-grand-mères.
Quelle est la suite pour vous ?
Je vais continuer à m’entraîner, passer ma licence de pilote et la PADI (certificat de plongée). Je souhaite en effet piloter les sorties extravéhiculaires. Le métier d’ingénieur AIT m’intéresse aussi. Ils sont dans les salles blanches et montent les satellites et les lanceurs.
Concernant WoMars, nous sommes une jeune association et nous avons beaucoup de projets. Nous comptons donner la possibilité à une étudiante boursière, au lycée ou en première année d’études universitaires, de permettre de nous suivre dans une mission d’exploration spatiale. Encore une fois, l’idée est de transmettre le flambeau et de montrer que les femmes sont toujours présentes sur ce sujet.