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La nouvelle norme étudiante par deux « rebelles de HEC »

En mai dernier, un article de l’Obs a rassemblé les témoignages des « rebelles de HEC », six étudiants de la promotion 2020 de HEC Paris. La critique remontée par ces élèves s’attaque à l’idée reçue que les élèves des grandes écoles de commerces font forcément carrière en finance ou en conseil. En l’occurence, HEC est la plus prestigieuse école de commerce française et 1ère école européenne, d’après le Financial Times. Deux de ces étudiants rebelles, Victoire et Oscar, nous expliquent plus précisément leur vision de la nouvelle norme de l’étudiant de HEC. Loin des clichés du carriériste convaincu, on découvre des portraits d’étudiants soucieux des enjeux sociaux et environnementaux.

 

Éveiller les étudiants de HEC aux challenges contemporains

Des cours d’application pratique, pas que des belles valeurs

La prise de conscience des enjeux sociaux et environnementaux doit pourtant nous toucher dès la première année à HEC. Durant cette année, les matières sont assez larges et couvrent principalement la finance et l’économie. Comment tirer les étudiants dès la première année de leur « satisfaction campusarde » pour les éveiller à ces enjeux ?

Victoire : C’est très simple. On est obligé de passer par de la formation terrain, de l’opérationnel. La meilleure façon pour que le campus HEC puisse sensibiliser ses étudiants est avant tout d’appliquer ses principes au sein même du campus. J’ai eu l’occasion de revenir sur le campus de HEC récemment pour la remise de diplôme. J’ai été étonnée par le buffet de réception car l’approvisionnement était loin d’être éco-responsable, avec des produits hors-saison. Selon moi, HEC doit s’en tenir à ses principes. Il faut que les campusards se sentent chez eux, dans un cadre qui favorise le développement durable, pas juste un cadre théorique qui leur apporterait des cours, mais un cadre fertile pour des leçons de vie.

Oscar : À ma rentrée à HEC, nous avions assisté à des conférences sur des personnes qui travaillaient dans l’entrepreneuriat social, s’engageaient pour le climat etc. Malheureusement, ça ne donnait pas grand chose par la suite, il y avait à HEC une association d’entrepreneuriat social mais qui n’était pas très active. Concrètement, les cours de l’entrepreneuriat social et du climat méritent d’être revalorisés. Il faut inciter des étudiants qui sortent d’un monde de deux ans de théorie à des choses plus concrètes et applicables. Selon moi, c’est primordial de rendre obligatoire des cours traitants de la prise en compte d’indicateurs extra-financiers au sein de l’entreprise. Les cours aussi spécialisés que la finance de marché s’adressent à un public déjà convaincu. Et ceux qui ne le sont pas se voient un peu écartés.

 

Un décalage avec l’urgence écologique ?

La cérémonie de remise de diplôme des promotions 2020, 2021 et 2022 a été l’occasion de s’attaquer aux cours en école de commerce. Plus particulièrement, une étudiante fait un constat poignant : les cours qui y sont dispensés sont en décalage total avec l’état d’urgence environnementale. Dans quelle mesure as-tu ressenti ce décalage lors de tes cours ?

Victoire : Les cours nous apportent un socle et il ne faut pas les juger trop vite. Avant de parler de finance verte, il faut connaître les bases de la finance. Je regrette par contre que les leviers d’action sociaux et environnementaux ne soient pas assez mis en avant. On nous apprendra classiquement que la finance mène nécessairement au M&A, qu’être entrepreneur correspond à créer une future licorne etc.

Oscar: En fait, on n’a pas parlé une seule fois de l’urgence climatique en cours, on ne peut pas faire plus grand comme décalage. Je suis conscient que le cursus académique prend du temps à être modifié. Mais selon moi il ne faut pas cloisonner le climat à des cours électifs mais intégrer cette dimension dans chaque cours. Je me souviens d’une étudiante à HEC en double-diplôme avec Science-Po que cela avait étonné. Elle avait demandé quand est-ce que les indicateurs extra-financiers étaient pris en compte. La logique de l’exercice de finance avait été de minimiser les coûts mais pas de considérer l’impact environnemental. J’espère que HEC y travaille activement car aujourd’hui il ne nous reste plus beaucoup de temps !

NB : Depuis 2020, l’étudiant à HEC doit valider un track « Purpose and Sustainability » centré sur les enjeux climatiques. Ce cours aide les étudiants à mettre leurs propres valeurs au cœur même de leur projet professionnel. 

 

Des parcours qui sortent des sentiers battus

Les étudiants à HEC, tous les mêmes ?

De nombreux élèves s’orientent vers des carrières de conseil ou finance, si bien qu’on croirait à une uniformisation des profils. Est-ce qu’il y a un moule « école de commerce » et plus spécialement un moule HEC ?

Victoire : Le moule « HEC » est présent les premières années en école effectivement. Lors qu’on arrive sur le campus, on adopte volontiers cette étiquette pour se sentir conforté et valorisé. On se dit alors qu’on va aller faire de la finance en banque d’investissement, du conseil en cabinet. Toutefois, je remarque auprès des étudiants entrepreneurs que l’idée est surtout de se former dans le grand bain des grosses entreprises. En quelque sorte, le moule « école de commerce » invite à tester la « bête noire ». Certains s’y plaisent, d’autres comprennent que ces milieux ne sont pas fait pour eux. Pour ma part, j’ai fait de l’audit dans un grand cabinet, je n’ai pas aimé et j’ai désormais fermé la porte de ce secteur.

Oscar : En école de commerce, il y a une recherche de l’excellence, une volonté de s’ouvrir des portes. Forcément, dans les choix, cela implique des traits communs et une tendance vers les carrières mentionnées. Après, je le vois au sein de mon groupe, il y a énormément de profils, de volontés et d’intérêts différents. C’est juste plus difficile de sortir des sentiers battus. En définitive, je ne pense pas qu’il y ait un moule HEC, les étudiants ont la volonté de bien faire. Il manque simplement ce petit déclic qui fait que les étudiants choisiront une carrière plus proche de leurs compétences et de leur passion.

 

Un parcours ailleurs que chez Goldman, JP ou un Big Four après HEC

As-tu ressenti auprès de tes camarades étudiants à HEC des difficultés à t’exprimer, voire une sorte de censure, au profit du plus ambitieux en termes de carrières ? Est-ce que tu dirais que HEC est une école où les plus carriéristes sont valorisés ?

Victoire : C’est un peu exacerbé sur le campus car il va effectivement y avoir des élèves à fort tempérament, qui s’expriment volontiers sur leurs envie de faire carrière. Personnellement, j’ai eu la chance de côtoyer à HEC des cercles d’amis où l’idée n’était pas forcément de rejoindre de grandes structures, de taper le plus fort, de gagner le plus. C’est vrai qu’au sein même du campus, il y a une valorisation de ces carriéristes par les professeurs par exemple. Après, il y a des cas de parcours étudiants notables dans notre promotion qui n’ont pas suivi de carrière dans une grosse structure. Je pense à Jasmine Manet qui avait créé Vocation, un podcast d’orientation après la Grande École. Evidemment, il faut faire la distinction entre ce qui est valorisé en première année d’école et ce qu’il l’est quatre, cinq ans après. Car à ce moment là, on a accédé à des univers différents avec des collaborateurs divers, ce qui est source de richesse. On réalise que l’école de commerce n’est pas la voie ultime de formation, on remet en question son jugement de la « meilleure carrière ».

 

Rejoindre de plus petites entreprises

De même, s’il semble y avoir des métiers ou secteurs vers lesquels les élèves d’école de commerce prestigieuses tendent, il semble aussi y avoir des profils d’entreprise. Ces entreprises sont notamment présentes lors des Carrefours, forum des métiers se déroulant à HEC. Or ces entreprises sont les plus polluantes de l’entreprise française. As-tu entrevu la possibilité d’un choix entre une carrière dans un grand groupe et un parcours dans une petite structure ?

Victoire : C’est une question de préférence personnelle. Dans une grande entreprise, il arrive qu’on se perçoive comme une fourmi dans une grosse structure. On rentre dans des process salariaux sans être invité à construire réellement l’avenir de la boîte. Rejoindre de plus petites entreprises offre plus de possibilités d’impact. En entreprise, certains effectuent très facilement la dichotomie vie personnelle et professionnelle. Pour ma part, je souhaite être 100% alignée avec mes valeurs et ne pas avoir à jouer un rôle. Il est courant de voir des salariés qui vendent des produits dérivés d’énergies fossiles toute la journée puis qui consomment du bio. Selon moi, il dédoublent leur personnalité et je ne voulais pas avoir à faire la même chose.

Oscar : Je me souviens que lors de ces Carrefours, les stands les plus attractifs par leur positions et leurs tailles étaient ceux des grandes entreprises. A l’inverse, le coin start-up et économie sociale et solidaire était dans une petite salle, très intime. Ce décalage s’explique par le fait que ces grandes entreprises sont les partenaires privilégiés d’HEC. Alors forcément que lorsqu’on est élève à HEC, on va tendre naturellement vers ces entreprises. Personnellement, j’ai réussi à créer moi-même mon équilibre entre deux profils : ceux qui filaient vers ces entreprises et ceux, rares, qui plaquaient tout. Je me suis donc tourné vers l’entrepreneuriat avec Domani et je suis content de pouvoir à la fois rester très intégré et affirmer mes valeurs.

 

Vers une nouvelle norme de l’étudiant HEC

L’éthique d’entreprise

Quelle est ta définition d’éthique d’entreprise ? Est-ce que tu dirais que c’est HEC qui te l’a inculquée ?

Oscar : Non clairement pas. HEC m’a appris comment fonctionne une entreprise, comment elle peut avoir des comptes bien tenus. Néanmoins, sur tout ce qui concerne l’impact social et environnemental, ce n’est pas HEC qui m’a appris à m’en soucier.  A la fin du cours, au moment de choisir entre l’usine A et l’usine B, ce qui importait demeurait la rentabilité. On ne regardait pas le nombre d’emploi conservés, la sobriété de l’entreprise en consommation carbone etc. Ma définition d’entreprise éthique est une entreprise durable et à mission sociale, environnementale etc. Elle doit prendre en compte toutes les externalités négatives qu’elle peut engendrer.

Victoire : L’éthique d’une entreprise réside dans l’épanouissement de ses salariés. L’entreprise est un contrat de confiance, je regrette qu’il soit parfois vicié quand une des parties contractantes se sent supérieure. Le problème d’une entreprise sans éthique particulière se verra notamment à l’embauche. Pour un même poste, il y a aura plusieurs profils qui postuleront. Si l’entreprise ne recherche pas l’épanouissement des ses salariés, un candidat ne sera pas regardé pour ses valeurs et motivations mais uniquement en terme de salaire ou disponibilités particulières. 

 

La justice sociale

Comment contribuer au sein de grand groupes, de cabinets ou de petites entreprises au respect de l’idée qu’on a de la justice sociale ?

Oscar : De plein de manière différentes ! Dans un grand groupe, les recrutements se font à échelle de centaines de personnes. S’il souhaitent participer à la justice sociale et ne pas se confiner au social-washing, qu’ils emploient des minorités, des migrants ! Tout ce qui a pu être fait dans des entreprises pour l’employabilité de réfugiés Ukrainiens par exemple est louable ça ne doit pas rester uniquement le contenu d’un mince communiqué de presse.

Victoire : Cela passe par l’organisation de la société. Par exemple, mon entreprise actuelle, Ecotable, est une entreprise horizontale où chaque salarié a le droit à un vote. C’est une vraie démocratie car chacun manifeste son envie de justice sociale. Après cette notion de justice sociale varie en fonction de l’éducation et de la naissance. Selon moi, la justice sociale correspond au droit de partager avec ceux que j’aime et ceux qui le méritent, c’est ça qui me fait lever le matin.

 

La transparence

Il est souvent reproché à de grandes entreprises de profiter d’une structure parfois nébuleuse pour justifier leur manque de transparence. Quelle importance apportes-tu à la transparence d’une entreprise ?

Oscar : Vitale. C’est le coeur du réacteur, elle nous pousse à faire ce qu’on dit et à dire ce qu’on fait. Plus on est transparent, plus cela nous pousse dans nos retranchements lorsqu’on n’est pas performant. On y travaille énormément car elle est facilement applicable dans les petites structures. Dans les grands groupes, il y a des freins évidents comme des cadres qui n’ont pas forcément envie de divulguer leurs salaires. Petit à petit, je pense toutefois qu’on peut apporter plus de clarté à ces structures.

Victoire : Ce n’est pas parce qu’une entreprise n’est pas transparente qu’elle agit mal. Néanmoins, aujourd’hui, il y a une obligation de transparence notamment pour les marques employeurs. Par contre, il ne faut pas que ce soit du marketing. Je souhaite que toutes les sociétés puissent publier leur rapports financiers comme extra-financiers. Il faudrait que ce soit lisible par tout le monde et non pas accessible que pour certaines personnes qualifiées. La transparence devient alors cruciale car elle permet une valorisation de la marque.

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