Il y a un an, tout le monde annonçait la mort de Molotov, nous y compris. Pourtant, la plateforme de diffusion n’a jamais cessé de séduire les abonnés et, avec son rachat récent par Fubo, elle prépare son retour en force. Jean-David Blanc, fondateur et CEO de Molotov, revient sur l’histoire et les projets de cette scale-up.
Les origines de Molotov
À l’origine, Molotov était une réponse à ce qu’était en train de devenir la télévision. Si les nouvelles générations exprimaient leur besoin d’avoir une délinéarisation des contenus médiatiques, les anciennes se trouvaient perdues face à l’offre pléthorique de chaînes de télévision. « Autour des années 2010, les chaînes se sont multipliées. Il y en avait près de 150. L’offre était tellement énorme qu’on passait notre temps à zapper », se souvient Jean-David Blanc.
En parallèle, de nouveaux écrans prennent le relais. Finie la télévision au milieu du salon, désormais, on peut consommer ses contenus sur son smartphone ou sa tablette. Cette démocratisation du multi-canal émerge en même temps que les plateformes de streaming, et notamment Netflix, qui proposent une mise en valeur de contenus différente et la possibilité de regarder films et séries quand on veut.
La rencontre à l’origine de Molotov
À partir de ces constats, Jean-David Blanc entend proposer un produit qui rend « la télévision aussi accessible que YouTube ou Netflix, avec une offre pléthorique » et majoritairement gratuite. S’en suit alors un chantier important, celui de la réinvention de la télévision et de son interface. « Nous avons repensé l’ergonomie et la façon dont on navigue entre les programmes, notamment avec des visuels, moteurs de recherches, classements par genre… pour permettre aux utilisateurs de voir en un coup d’œil, les programmes disponibles, qu’ils soient en direct ou en replay. Nous avons également mis en place un système qui permet de revenir en arrière sur le direct, ce qui était totalement nouveau.»
Cette transformation de notre consommation et notre rapport à la télévision ne se base pas uniquement sur des innovations technologiques. Derrière Molotov se trouvent également des batailles juridiques, à commencer par l’évolution de la loi sur la copie privée pour le déploiement de l’option d’enregistrement des programmes sur le cloud.
Ces chantiers, Jean-David Blanc ne les a pas menés seul. Pour créer Molotov, l’entrepreneur a contacté Pierre Lescure, journaliste et fondateur de Canal+. À l’époque, il est d’ailleurs à l’origine d’un rapport sur l’avenir de la télévision. « Je lui ai montré le projet Molotov, il était sidéré par l’aspect révolutionnaire du service et il a tout de suite adhéré. »
L’aventure Molotov, véritable roller coaster
L’aventure Molotov débute par un succès immédiat. « Avant même d’être lancé, on avait plusieurs centaines de milliers de personnes sur liste d’attente. Molotov a atteint le million d’utilisateurs huit mois à peine après son lancement, ce qui est considérable pour un service disponible uniquement en France. »
Mais, alors que le succès vient frapper à la porte de Molotov, les problèmes ne sont pas loin. Salto commence à émerger et se posent des questions de désintermédiation. Apparaît une période de bras de fer juridiques entre la startup et les chaînes de télévision sur fond « d’augmentations de prix intenables, choses que Deezer et Spotify ont également connues dans leur histoire avec les maisons de disque », observe Jean-David Blanc.
Cette période, le fondateur de Molotov la décrit comme « une bataille difficile », avec la volonté de M6 et TF1 de faire payer les utilisateurs pour des services qui sont habituellement gratuits sur les téléviseurs. « Nous avons dû passer par le paywall, mais ça s’est avéré être financièrement bénéfique pour Molotov. » En parallèle, Molotov vit la vie d’une startup qui grandit, avec ses aléas, ses victoires et ses défaites.
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L’arrivée de Fubo au capital de Molotov
Alors que le besoin d’accélérer se fait sentir, c’est une rencontre entre Jean-David Blanc et le CEO de Fubo (société américaine de distribution de télévision en streaming basée à New York), David Gandler, qui va bousculer les choses. « Nous avons vécu les mêmes histoires et les mêmes obstacles. Ils venaient de rentrer à la Bourse de New York. Nous avons voulu être plus forts à deux et décidé de fusionner. » se souvient le fondateur de Molotov.
Alors que Fubo propose une offre 100% payante, Jean-David Blanc précise : « les politiques tarifaires sont indépendantes à chaque pays. » Si Molotov a développé son offre payante, la partie gratuite de l’application le restera. Le partenariat avec Fubo, c’est avant tout l’essence qu’il fallait à la machine Molotov pour accélérer. « Nous avons beaucoup plus de moyens. Nous sommes passés de 50 ingénieurs en France à 500 au niveau du groupe. »
Que réserve l’avenir de Molotov ?
Avec l’appui des moyens et des équipes de Fubo, Molotov compte clairement accélérer le développement d’innovation au service des utilisateurs, avec notamment la mise en place d’une plateforme unifiée qui sera lancée courant 2023. « Le futur de Molotov ressemblera à Molotov, mais en mieux, avec plus de fonctionnalités, plus de langues, des améliorations côté performances. Nous voulons nous donner la possibilité de nous ouvrir à d’autres pays et d’autres marchés », projette Jean-David Blanc. Aujourd’hui, des discussions sont en cours pour intégrer certains services de streaming. La plateforme héberge d’ailleurs les services d’Adult Swim (Rick & Morty…) ou d’OCS (The White Lotus, Missions…).
Le 27 février 2023, Fubo a présenté les résultats du groupe, et donc de Molotov. La plateforme poursuit sa croissance en France et compte désormais 420 000 abonnés payants (en hausse de 117% par rapport à 2021) pour un chiffre d’affaires de 7,2 millions d’euros sur le dernier trimestre 2022.