Julie est étudiante en école en commerce. Après une première année intense rythmée par les soirées et les projets associatifs, elle a connu des problèmes de santé dont elle porte encore la marque aujourd’hui. Elle a souhaité témoigner à ce sujet.
Comment s’est passé le changement de rythme de vie entre la prépa et l’école ?
J’ai adoré mes deux ans de prépa mais j’avais, comme tout le monde, envie de m’éclater et de rattraper le temps perdu. On nous avait tellement présenté la vie en école comme le Saint Graal que je n’attendais plus que ça ! Et effectivement, tout s’est accéléré à partir du moment où je suis rentrée en école. C’était tout aussi intense, mais pas pour les mêmes raisons !
Comment s’est passée ta première année en école ?
Je pense ne surprendre personne si je dis que ma première année était incroyable et que je ne regrette rien. J’ai pris part à TOUS les pans de la vie associative de l’école : intégration, WEI, asso, puis campagnes avec ma liste, week-end au ski, etc. Je ne prenais quasiment jamais de pause entre ces événements, et je sortais beaucoup. Je jonglais entre plusieurs projets et les cours, et m’occuper constamment l’esprit me stimulait. Mon rythme de vie n’était bien évidemment pas très sain: je ne dormais pas régulièrement, le peu d’argent qui ne partait pas en soirées était dédié à la (mal)bouffe, la classique pour un étudiant quoi !
Tu as d’ailleurs aussi fait l’accueil admissible…
Je ne pouvais pas terminer mon année sans rajouter cette corde à mon arc! Mais en un mois, j’ai accumulé plus de fatigue et d’alcool qu’en neuf mois à l’école. Tous les soirs il y a avait une soirée à animer, des choses à installer, des gens à qui parler, etc. C’était très cool mais aussi très rébarbatif, et c’est à ce moment-là que j’ai réalisé qu’il fallait peut être que je me pose quelques temps pour reprendre soin de moi. J’avais une hygiène de vie déplorable : je dormais très peu, je sautais des repas et quand je mangeais, je mangeais super mal, et un jour je me suis surprise à enchaîner les pintes dans le simple espoir de rester éveillée et de pouvoir assurer mon staff… j’avais l’impression que ma vie était devenue une éternelle gueule de bois !
Tu as dû être hospitalisée en seconde année. Qu’est-ce qu’il s’est passé ? À quoi était-ce dû exactement ?
Quand je suis rentrée chez moi après les Admissibles, j’ai senti mon corps me lâcher : j’étais totalement épuisée, j’avais perdu l’appétit, et je n’avais plus de forces. Je n’y prêtais pas attention, jusqu’à ce que je me réveille un beau matin avec une grosse boule, très douloureuse, dans le creux de mon cou.
Avec tout ce qu’on peut entendre aujourd’hui, j’ai commencé à vraiment flipper. S’en est suivie une longue période de tests médicaux, et les radiologues restaient évasifs, laissant comprendre que toutes les pistes étaient possibles. J’ai donc été hospitalisée sans succès pour faire disparaître cette boule étrange, puis on a découvert quelques mois plus tard qu’il s’agissait d’une malformation de naissance qui s’était déclarée à la suite d’une angine infectieuse, due à mon mode de vie effréné et assez alcoolisé.
Plus de peur que de mal finalement, mais ça remet sacrément les idées en place !
Quelles ont été les conséquences non seulement sur ton corps, mais aussi sur tes relations avec les personnes de ton entourage ?
J’ai été opérée il y a quelques mois et cela a été un véritable soulagement ! Mais aujourd’hui, je vis avec une longue cicatrice sur le cou qui peine à disparaître… et devient la cible de toutes les questions.
En réalité, le plus difficile à vivre, c’est le regard des autres. J’étais tellement mal à l’aise au début que je faisais plus d’efforts pour la cacher que pour la soigner. Les questions des gens (que souvent je connaissais à peine) étaient maladroites et intrusives, et encore aujourd’hui je sens des regards de pitié et/ou de dégoût dans les soirées, les transports en commun, le monde professionnel. J’ai pris des remarques très déplacées, et tout cela réuni n’aide pas à s’accepter soi-même.
On m’a par exemple demandé un jour comment je faisais pour vivre avec « ce truc » dans un endroit aussi visible du corps. Et bien désormais, je le vis super bien ! C’est certes peu esthétique et agréable, mais ça me rappelle quotidiennement que j’ai bêtement mis mon corps en danger, et qu’il y a d’autres très belles choses dont il faut absolument profiter. C’est également une manière de voir qui est vraiment là dans les moments difficiles, et de nouer des relations solides et indéfectibles !
Quel message souhaites-tu transmettre aux étudiants ?
Souvent, on me rit au nez quand je dis que l’alcool peut faire des dégâts, mais c’est très sérieux : l’alcool, c’est drôle, mais ça a ses limites. C’est quand tu en fais les frais que tu t’en rends compte, et en réalité, autour de toi, il y a plus de problèmes de santé que tu ne le crois. Certains sont juste plus doués pour les dissimuler.
Je me dis qu’en parler publiquement peut avoir deux conséquences positives : aider certaines personnes à s’accepter elles-mêmes, et aider d’autres à se rendre compte que se bourrer la gueule pour faire le plus de conneries possible en soirée et être le champion aux yeux de ses potes, ce n’est pas une fin en soi. Je continue à sortir, beaucoup, mais je fais drastiquement plus attention à mon hygiène de vie. Et ce n’est pas pour cela que je ne m’amuse plus, au contraire : j’ai vécu des expériences incroyables cette année que je n’aurais pas pu vivre si j’étais restée dans mon délire de première année. Et cela ne m’a pas empêchée de profiter de la vie associative en deuxième !
Il existe une certaine culture de l’alcool en école assez perturbante, dans la mesure où le degré de popularité de quelqu’un se mesure aux degrés d’alcool qu’il aura engloutis. Mais la meilleure manière de vivre son école, c’est d’avoir intégré le fait que tu peux très bien t’éclater sans forcément mettre ton corps en danger à chaque soirée !