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Analyse Décryptage

Le profil sociologique des étudiants en grande école de commerce

En France, 7% des étudiants sont scolarisés en « école de commerce », dans 195 établissements qui exercent leurs activités sous cette appellation. Derrière ce titre générique, on trouve une grande variété d’écoles, qui diffèrent en termes de structures juridiques, d’effectifs, de modalités de recrutement, de cursus et de prix. Ainsi, les « grandes écoles de commerce », c’est-à-dire dans les établissements qui se situent en haut de la hiérarchie concentrent à peine 3% des étudiants français.

 

Ces formations sont très souvent qualifiées « d’élitistes » ou  « écoles pour fils et filles à papa », en raison de leur faible ouverture sociale et de leur rôle actif dans la reproduction d’une élite économique, contrairement à l’université, décrite comme plus ouverte. À partir d’un rapport sur la démocratisation des grandes écoles et d’un travail de recherche universitaire en sociologie quantitative et qualitative, Business Cool vous propose une analyse de la composition sociale des grandes écoles de commerce en France.

 

Les CPGE : un système déjà très élitiste en amont des grandes écoles de commerce

Les grandes écoles de commerce se caractérisent par un recrutement social et scolaire très sélectif qui s’inscrit dans la continuité du système des classes préparatoires. Depuis les travaux fondateurs des sociologues Pierre Bourdieu et Jean-Claude Passeron sur les liens entre origine sociale, réussite scolaire et reproduction des inégalités (dès les années 1960 et 1970, puis réactualisés dans de nombreux travaux scientifiques), force est de constater que la composition scolaire et sociale des CPGE est restée stable dans le temps.

Aujourd’hui, les enfants de cadres et professions intellectuelles supérieures représentent encore plus de la moitié des étudiants en CPGE (alors que les cadres constituent 18 % de la population active). À l’inverse, la représentation des milieux populaires (ouvriers et employés) y est particulièrement faible (respectivement 7 % et 11 %, alors qu’ils représentent 20 % et 27 % de la population active).

Le taux de boursier est également un indicateur intéressant pour mesurer le degré d’ouverture sociale des CPGE. Ainsi, on compte environ 28 % d’élèves boursiers en CPGE, contre 40 % à l’université, et 55 % dans les formations STS (Section de Techniciens Supérieures).

En CPGE, l’élitisme scolaire va de pair avec l’élitisme social, en témoignent les profils des bacheliers qui intègrent ces formations : presque un étudiant sur deux a obtenu la mention « Très Bien » au baccalauréat général (contre 17 % pour l’ensemble des lauréats).

 

Une majorité de bacheliers généraux et scientifiques parmi les étudiants des grandes écoles de commerce

À l’issue de la classe préparatoire, plus de 10 000 candidats se présentent chaque année aux concours des grandes écoles de commerce. Le niveau des concours étant intimement lié au niveau de l’école, et donc à sa « valeur », les épreuves d’entrée aux écoles de commerce ont été largement modifiées dès les années 1965. L’idée visait, à l’époque, à créer une réelle barrière scolaire et sociale à l’entrée (d’où l’importance de épreuves de mathématiques dans les concours, qui garantissent un niveau élevé de sélection).

Les étudiants des grandes écoles de commerce sont ainsi principalement issus de la série scientifique du baccalauréat général, et leurs moyennes à cet examen sont d’ailleurs relativement élevées. Ce constat est d’autant plus marqué que l’on monte dans le classement des écoles, comme le souligne le tableau ci-après.

On observe également une faible proportion d’étudiants littéraires. Depuis 2010 et la mise en place d’une banque d’épreuve littéraire (BEL), les élèves issus de CPGE littéraires disposent de quelques places dans les grandes écoles de commerce. Quant aux étudiants passés par les voies technologiques, ils restent très minoritaires dans les grandes écoles de commerce.

 

Une majorité d’étudiants privilégiés et issus des classes supérieures

Dans la continuité des observations faites sur les CPGE, on remarque que la sélectivité scolaire des grandes écoles de commerce va de pair avec la sélectivité sociale. Ainsi, ces établissements accueillent environ trois quarts d’individus aux origines sociales favorisées ou très favorisées (parents cadres et cadres dirigeants, chefs d’entreprise, professions intellectuelles, universitaires et professions libérales), et cela de manière très stable dans le temps (voir le graphique ci-dessous).

Une autre manière de caractériser le recrutement social des grandes écoles est de s’intéresser à la part des étudiants boursiers sur critères sociaux (boursiers du CROUS) parmi leurs étudiants. En 2017/2018, 16 % des étudiants des grandes écoles de commerce sont boursiers du CROUS, contre 38 % des étudiants français, toutes filières confondues.

Il faut toutefois être prudent avec la notion de « boursier » pour deux raisons principales. D’une part, l’attribution d’une bourse du CROUS repose sur divers critères (revenus des parents, distance entre le lieu d’étude et le domicile familial, nombre de frères et sœurs étudiants). C’est donc une catégorie qui regroupe des situations très hétérogènes. Ceux des premiers échelons (0 bis et 1) peuvent appartenir aux classes moyennes, ce qui est rarement le cas pour les échelons 5,6 et 7 (à titre d’exemple, en 2016-2017, le revenu brut global annuel des parents des boursiers d’échelon 0 bis était compris entre 33 100 euros et 95 610 euros par an – selon le nombre de points – alors que celui des étudiants d’échelon 7 était compris entre 250 euros et 4 500 euros annuels). D’autre part, les écoles communiquent à propos d’élèves ‘boursiers’ mais elles regroupent en général les bourses sur critères sociaux, les bourses des fondations et entreprises. Cela augmente le taux de boursiers sans forcément qu’il s’agisse d’étudiants socialement défavorisés.

En réalité, dans les écoles de commerce les plus sélectives, près de 60 % des boursiers le sont, mais aux échelons 0 bis ou 1 et plus de 30 % des boursiers sont issus de milieux très favorisés.

Une surreprésentation du public parisien et francilien parmi les étudiants

Au-delà de leur excellent parcours scolaire et de leur appartenance aux groupes sociaux dotés en capitaux économique et social, les étudiants des grandes écoles de commerce se définissent également par leurs origines géographiques.  En effet, dans les effectifs étudiants des business schools, on observe une nette surreprésentation des étudiants issus de Paris et de région parisienne (35% d’entre eux contre 18% en moyenne). Plus on monte dans la hiérarchie des écoles, plus le « cercle parisien » est présent : à HEC par exemple, 57% des étudiants sont issus de région parisienne !

Notons aussi que parmi les grandes écoles, les écoles de commerce occupent la première place en termes de public francilien, comme le montre le graphique ci-après.

Il faut bien avoir en tête que les probabilités d’accès aux grandes écoles pour le public francilien ne sont pas les mêmes en fonction des départements : les Hauts-de-Seine, Paris et les Yvelines présentent un taux d’accès aux grandes écoles (toutes filières confondues) de 15%, il varie entre 6 et 8% dans le Val-de-Marne, l’Essonne, le Val-d’Oise et la Seine-et-Marne et se situe à seulement 4 % en Seine Saint-Denis.

 

En guise de conclusion, interrogeons-nous sur le stéréotype qui colle à la peau des étudiants en école de commerce, mentionnés comme des « fils et filles à papa ».

Un premier niveau de lecture consiste à reconnaître qu’il n’est pas totalement faux (au vu des explications précédentes) mais qu’il est en revanche très réducteur vis-à-vis des mécanismes sociologiques en jeu. En effet, le profil sociologique « type » de l’étudiant en grande école de commerce s’articule autour de trois dimensions (excellence scolaire, privilèges sociaux et localisation géographique parisienne) qui ne sont pas indépendantes les unes des autres et qui relèvent des logiques de classes et de pratiques sociales différenciées.

Un second niveau de lecture repose sur l’acceptation de ce stéréotype, en allant plus loin sur les enjeux qu’il sous-entend : que raconte ce stéréotype sur l’ouverture sociale des grandes écoles de commerce ? On observe en effet depuis les années 2000 une multiplication des programmes et mesures ayant pour objectif d’ouvrir les écoles à des publics socialement moins favorisés que les « fils et filles à papa ». Quelles écoles se sont engagées et quels sont les résultats ? Cela fonctionne-t-il quantitativement et qualitativement ? Y-a-t-il plus d’étudiants issus de milieux modestes ? Comment se passe leur scolarité mais aussi leur insertion professionnelle ?

Un troisième niveau de lecture repose sur une comparaison avec l’université. Si on a tendance à dire qu’elle est un segment « ouvert », face aux grandes écoles plus fermées, elle n’est pas exempte d’une forte hétérogénéité des profils, selon les facultés et les parcours. Dit autrement, certaines universités (parisiennes ou dans de grandes métropoles) et filières universitaires (comme le droit, la médecine) fonctionnent selon les mêmes logiques que les grandes écoles, dans le sens où elles rassemblent aussi beaucoup de « fils et filles à papa » ! Il est donc nécessaire de se défaire, là aussi, du stéréotype de « l’université populaire » pour mettre à jour les logiques de recrutement qui reproduisent les inégalités sociales et scolaires au sein de l’université.

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