Orientation post-bac
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Orientation post-bac : venir d’un lycée privé, est-ce un atout pour les filières sélectives ?

Au-delà du seul milieu social, les chances d’intégrer une filière sélective de l’enseignement supérieur dépendent-elles du lycée où l’on a obtenu son baccalauréat ? Venir d’un lycée privé augmente-t-il les chances d’accéder à des établissements sélectifs ?

 

Si les inégalités en fonction des caractéristiques sociales et scolaires des étudiants sont largement documentées par la recherche, celles en lien avec leurs établissements d’origine sont plus rares. Or, le lycée d’origine agit sur les orientations des élèves à travers, entre autres, des effets d’émulation et de réputation durables dans le temps.

Dans un rapport publié récemment qui porte sur les filières sélectives dans le domaine des sciences humaines et sociales, nous nous sommes intéressés à cet effet lycée, lié plus particulièrement au secteur public ou privé de l’établissement.

L’étude porte sur deux établissements qui ont en commun de pratiquer la sélection en première année, mais selon des modalités très différentes :

  • Sciences Po Paris, qui s’appuie sur un concours, formellement dégagé de toute appréciation des lycées d’origine ;
  • Dauphine, qui a recours à un algorithme prenant en compte la différence supposée de notation entre les lycées.

On constate alors que si les lycées privés envoient plus de candidats et plus d’admis dans ces établissements, cela est principalement lié à leur composition sociale nettement plus favorisée.

 

Dans les candidatures, le privé surreprésenté

À Sciences Po (procédure par examen) comme à Dauphine (procédure Boléro, hors programme égalité des chances), les étudiants issus de lycées privés sont surreprésentés en première année : ils représentent 40 % des étudiants à Sciences Po et 36 % à Dauphine, soit le double de ce qu’ils représentent dans l’ensemble des lycées (20 %).

Est-ce à dire que les lycéens issus du privé sont avantagés pour intégrer ces institutions ? Pour répondre à cette question, trois étapes, la candidature, l’admission et l’inscription doivent être distinguées.

Dès l’étape de la candidature, les lycéens issus du privé sont surreprésentés : 44 % à Dauphine et 40 % à Sciences Po. S’agit-il d’une stratégie particulière des établissements privés pour « placer » leurs élèves dans ces institutions ? Rappelons d’abord que tous les lycées n’envoient pas des candidats. La proportion de ceux n’en ayant présenté aucun entre 2014 et 2017 est même assez élevée : 34 % des lycées français d’enseignement général et technologique, publics ou privés sous contrat, n’ont présenté aucun candidat à Sciences Po sur cette période, et 45 % des lycées n’en ont pas présenté à Dauphine.

À ce stade, le statut de l’établissement est peu discriminant : on peut tout au plus constater que les lycées publics sont surreprésentés parmi les établissements ayant envoyé au moins un candidat à Sciences Po (70 % des établissements publics contre 65 % dans l’ensemble).

De manière générale, parmi les établissements ayant envoyé au moins un candidat sur la période étudiée, les établissements privés ont envoyé un plus grand nombre de candidats à Sciences Po et Dauphine que ne l’ont fait les lycées publics (18 en moyenne par établissement privé contre 12 en moyenne par établissement public). Les lycées privés sont nettement surreprésentés parmi les plus gros pourvoyeurs de candidats (plus de 50 candidats) : 47 % à Dauphine et 41 % à Sciences Po contre 35 % dans l’ensemble.

Cet effet s’explique en partie par la composition sociale plus favorisée de ces établissements : en effet, plus les lycées ont une part importante d’élèves issus de milieux sociaux favorisés, plus ils envoient un nombre élevé de candidats. De même, plus la part de mentions au baccalauréat est élevée, plus ce dernier envoie de candidats.

 

L’admission rebat les cartes

Si les établissements privés envoient davantage de candidats, leurs chances d’intégrer Dauphine ou Sciences Po ne sont pas plus importantes. Certes, ces établissements ont plus d’admis que les lycées publics, mais cette surreprésentation est en grande partie liée au nombre plus élevé de candidats, car à nombre de candidats comparables et autres caractéristiques (sociales et scolaires) contrôlées, les établissements privés n’ont pas plus d’admis que les lycées publics ; ils en ont même significativement moins.

Cet effet négatif du privé s’observe également au niveau individuel : à origine sociale et niveau scolaire comparables, et à caractéristiques identiques de l’établissement d’origine, les lycéens provenant d’établissements privés ont moins de chance d’être admis à Dauphine ou à Sciences Po.

La surreprésentation d’étudiants issus de lycées privés dans les voies classiques d’entrée en première année à Sciences Po et Dauphine est essentiellement liée à une plus forte propension des élèves de ces établissements à candidater.

Cette propension semble en grande partie liée à la composition sociale plus favorisée de ces établissements, mais aussi à des stratégies de placement de certains lycées « gros pourvoyeurs » de candidats. Cependant, à nombre de candidats comparables, les lycéens issus du privé n’ont pas plus de chances d’intégrer Dauphine ou Sciences Po.

En outre, les programmes d’ouverture sociale initiés dans ces établissements dans les années 2000, dans la mesure où ils concernent exclusivement des lycées publics, augmentent d’autant plus les chances d’être admis pour les lycéens issus de ce secteur, tout en diversifiant les profils sociaux des étudiants de ces institutions.

Nos résultats invitent donc à nuancer le regard que l’on peut porter sur l’avantage numérique des élèves scolarisés dans le privé admis dans ces grands établissements. Si un effet établissement est bien présent, il est à relier davantage à des logiques de construction des aspirations et à des stratégies de placement qu’à une supposée meilleure préparation comparativement au public.

The Conversation

Marco Oberti, Professeur des universités en sociologie, Sciences Po ; Élise Tenret, Maîtresse de conférences en sociologie, chargée de mission à l’OVE, Université Paris Dauphine – PSL et Mathieu Rossignol-Brunet, Doctorant, Université Toulouse – Jean Jaurès

Ont aussi contribué à cet article Pauline Barraud de Lagerie (maîtresse de conférences en sociologie à l’Université Paris Dauphine) et Yannick Savina (ingénieur d’études au CNRS-OSC)

Cet article est republié à partir de The Conversation sous licence Creative Commons. Lire l’article original.

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