Élisabeth Crépon dirige ENSTA Paris depuis 2012, après une longue expérience dans les écoles d’ingénieurs, notamment à l’École polytechnique. L’établissement se distingue par son histoire atypique, mais aussi sa présence au sein de l’Institut Polytechnique de Paris, une grande force pour les étudiants de l’école.
Tout savoir sur ENSTA Paris
Comment définir ENSTA Paris ?
ENSTA Paris est une marque. L’acronyme ENSTA signifie École nationale supérieure de technique avancée. Si elle a été renommée en 1970, elle existe en réalité depuis 1741, ce qui fait d’elle la plus vieille école d’ingénieurs de France. Elle était à l’origine dédiée au génie maritime et son ambition était de fédérer tous les savoir-faire autour de la construction navale.
ENSTA Paris est l’héritière de cette école. Dès ses origines, la formation et la recherche étaient guidées par une approche systémique que nous retrouvons encore aujourd’hui au sein de l’école. Aujourd’hui, notre approche est inscrite dans notre positionnement qui est l’ingénierie augmentée par le numérique. Notre raison d’être est d’éclairer, inventer et former à une ingénierie fondée sur l’excellence scientifique et technique augmentée par le numérique, pour accompagner les transformations des grands secteurs stratégiques, à la croisée des enjeux de souveraineté et des attentes fondamentales de la société.
Aujourd’hui, ENSTA Paris s’intéresse à trois grands secteurs : le transport et la mobilité (on y retrouve le génie maritime), les énergies durables et le secteur de la défense. L’école est d’ailleurs sous la tutelle du ministère des Armées.
ENSTA Paris est également l’un des membres fondateurs de l’Institut Polytechnique de Paris (IP Paris), un des grands établissements d’enseignement supérieur de recherche et d’innovation présent sur le plateau de Saclay, avec l’Université Paris-Saclay. Elle est composée de cinq écoles fondatrices : l’Ecole polytechnique, ENSTA Paris, l’ENSAE, Telecom Paris et Telecom SudParis. Nous avons l’ambition de construire un institut de sciences et de technologies à visée internationale.
Quels sont les atouts et les spécificités d’ENSTA Paris qui la distingue des autres écoles d’ingénieurs ?
Ce qui la distingue, c’est son positionnement. C’est ce qui va conduire un étudiant à choisir ENSTA Paris. Il est résumé dans notre raison d’être qui se focalise sur l’ingénierie, puisque nous proposons une formation et des recherches dans le domaine de l’ingénierie, mais aussi sur l’excellence scientifique et technique – notre formation est basée sur un tronc commun pluridisciplinaire exigeant – et la place du numérique.
Les spécialités d’ENSTA Paris se tournent vers de grands secteurs stratégiques, des secteurs de souveraineté dans lesquels l’État investit. C’est une démarche renforcée avec l’intégration de la dimension RSE au sein de l’établissement. Grâce au volet responsabilité sociétale, nous voulons répondre aux attentes de la société et des étudiants.
Où retrouve-t-on les diplômés ENSTA Paris ?
Ils s’orientent vers les trois grands secteurs qui forment nos spécialités : les transports, les énergies et la défense. Sans surprise, nous avons également vu nos diplômés s’orienter vers les métiers du numérique, une dimension qui s’est accélérée ces deux dernières années avec le COVID.
Parmi nos diplômés, nous retrouvons également des entrepreneurs. Leur nombre augmente d’année en année et nous avons quelques beaux succès. ENSTA Paris s’inscrit dans la dynamique entrepreneuriale impulsée par IP Paris.
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L’expérience étudiante à ENSTA Paris
ENSTA Paris fait partie d’IP Paris. Qu’est-ce que cela change pour les étudiants ?
Cela impacte les étudiants sur trois dimensions. Tout d’abord, nous avons décidé de mettre en commun, au sein d’IP Paris, nos formations de master et de doctorat. Cela permet la création de synergies entre les domaines d’expertise des établissements. Au sein d’IP Paris, notre approche numérique peut être prolongée avec des programmes communs, par exemple avec Telecom Paris. Dans le cadre d’IP Paris, nos deux écoles ont mis ensemble leurs expertises pour créer une option en IA en troisième année du cycle ingénieur, un MS et un certificat spécialisé qui sont destinés aux étudiants nationaux et internationaux.
Nous donnons également la possibilité aux étudiants, dans nos formations, de profiter des enseignements ou de programmes proposés par nos écoles partenaires. Dans ce contexte-là, les étudiants d’ENSTA Paris peuvent aller à l’ENSAE, en troisième année, suivre un parcours dans la finance qui est plus orienté vers des sujets comme les statistiques et mathématiques.
Cela impacte aussi la vie associative. C’est une dimension importante qui permet de développer des compétences en termes de savoir-être, de savoir-faire, de gestion de projet… Grâce à IP Paris, nos étudiants ont, pour leur vie associative, un terrain de jeu beaucoup plus riche !
Quid de l’expérience internationale ?
Nos étudiants partent un semestre à l’international dans le cadre d’un stage ou d’un échange avec une université partenaire. Nous avons plus de 70 partenaires en Europe, en Asie ou en Amérique du Sud et du Nord. Grâce à l’IP Paris, nous pouvons profiter de la dynamique internationale mise en œuvre par les autres établissements. Enfin, nous recrutons également des étudiants internationaux qui sont entre 27% et 28% à ENSTA Paris.
Nous disposons également de deux campus offshores. Le premier est à Tunis, où nous recrutons et formons 25 étudiants tunisiens depuis plus de dix ans. Le second se situe en Chine et c’est une œuvre collective puisque nous travaillons dessus avec deux autres établissements d’IP Paris et MINES ParisTech. Il s’agit d’un institut sino-français d’ingénierie porté avec Shanghai Jiao Tong University. Nous formons des étudiants chinois avec le savoir-faire d’une formation d’ingénieur à la française.
Les femmes dans les études d’ingénieur
Quel est le taux de femmes parmi la population étudiante d’ENSTA Paris ?
Le nombre de femmes dans nos formations atteint une petite trentaine de pourcent. Cependant, on ne peut pas se satisfaire de ces 30%. Nous avons un contrat d’objectifs et de performance avec l’État et notre feuille de route, ainsi que nos objectifs en termes de parité et de diversité s’inscrivent dans ce contrat.
L’un des grands sujets est l’orientation. C’est à ce moment que les filles se mettent des barrières. Comment luttez-vous sur ces sujets ?
Nous intervenons en milieu scolaire avec des associations comme Elles Bougent ou Femmes Ingénieures pour promouvoir, auprès des jeunes filles, les formations, le métier… Nous essayons de donner des informations, de démystifier et de prouver qu’il est tout à fait possible d’être une femme, d’être une ingénieure, et d’être épanouie dans sa vie pro et sa vie perso.
Le moment où les échanges sont plus riches, et où tout n’est pas joué, c’est le collège. Nous avons des moments d’échange avec des collégiennes de troisième où tout est possible et où elles osent poser de vraies questions.
Il y a également un manque d’information sur les études dans la santé et sur le fait qu’on peut travailler dans ce secteur en étant ingénieur. L’ensemble du matériel et des équipements d’analyse sont conçus par des ingénieurs.
En outre, la Cdefi (Conférence des directeurs des écoles françaises d’ingénieurs) a mis en place deux initiatives : Ingénieuses et Cap’Ingénieuses. Ce sont de très beaux programmes pour inciter les écoles à être actives sur ce sujet.
En tant que femme à la tête d’une école d’ingénieurs, c’est un sujet sur lequel vous êtes vigilante ?
Depuis que je suis à la tête d’ENSTA Paris, j’ai eu une attention toute particulière sur ce sujet. Je veux doter les jeunes ingénieures des mêmes armes que les ingénieurs. Il y a cinq ans, notre enquête annuelle sur la projection des étudiants après leur diplôme démontrait que les femmes sous-estimaient leurs prétentions salariales. Forts de ce constat, nous avons mis en place un dispositif de tutorat sur la négociation salariale.
Durant mes mandats, j’ai été attentive à cet accompagnement, considérant que c’est la première marche pour faire en sorte que l’escalier se déroule de la même façon que pour un ingénieur. Si l’entrée dans la vie professionnelle se fait avec un salaire plus bas et un poste plus faible, alors la trajectoire d’une femme devient complètement différente par rapport à son homologue masculin.
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Les nouveautés d’ENSTA Paris
Quelles sont les grandes nouveautés qui attendent les étudiants à la rentrée 2022 ?
Parmi les nouveautés importantes, nous retrouvons l’introduction de la responsabilité environnementale. Tous les étudiants bénéficient d’ateliers de sensibilisation à la problématique de la transition écologique. Les enjeux énergétiques sont également présents dans chacune des spécialités de troisième année.
Nous avons également répondu à l’appel à projets compétences et métiers d’avenir du plan de relance du gouvernement, en particulier sur les volets du quantique, de l’hydrogène et de l’IA. Nous avons d’ailleurs prévu de renforcer l’initiation à l’intelligence artificielle dans la formation des étudiants, puisque ce sujet touche tous les secteurs de l’ingénierie.
L’autre point sur lequel nous travaillons, c’est une possible fusion entre les deux ENSTA : Bretagne et Paris e qui s’inscrira dans le cadre d’IP Paris. Nous venons de finaliser l’étude de faisabilité et nous allons la poursuivre par des premiers travaux sur la fusion. C’est un projet de plus long terme qui est majeur pour l’établissement et mobilisera l’ensemble de nos parties prenantes.
Vous avez répondu à plusieurs appels à projets, comme la batterie de l’Yvette. Pouvez-vous nous en dire plus ?
Nous avons répondu à l’appel de l’État concernant le plan de relance. Le premier est le plan de relance écologique. Nous avons été lauréats avec la rénovation de la batterie de l’Yvette. Nous avons également été lauréats de l’appel à projets de transformation numérique de l’IP Paris et du plan de relance de préservation de l’emploi R&D.
Ces appels à projets nous permettent de contribuer au développement de nos activités de formation et de recherche sur des axes stratégiques, à l’image de la santé et du traitement du cancer. Nous nous positionnons sur des thèmes cruciaux pour le développement de l’industrie.