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WorldWine Women, quatre étudiantes en césure à travers les vignes européennes

WorldWine Women, c’est le chemin initiatique de quatre étudiantes en césure qui ont sillonné l’Europe à la recherche de femmes dans un milieu très masculin, la viticulture. Ce chemin qui les ramène aux racines du vin en Europe, c’est non seulement un récit de rencontres avec des vigneronnes atypiques, mais aussi un éveil intime à de grands enjeux.

 

Dans une Europe à peine sortie de la pandémie, comment les femmes parviennent-elles à diriger leurs domaines en dépit des barrières de genres et au regard du changement climatique ? Into the Wine, un film de 52 minutes, aborde en toute simplicité ces questions à travers la caméra ambulante des WorldWine Women. Le film est aujourd’hui accessible sur aunomdelaterre.tv, plateforme d’Edouard Bergeron, en voici le teaser.

 

WorldWine Women : La genèse d’un projet de césure hors des sentiers battus

Tout commence par une idée germée puis conceptualisée par quatre étudiantes : Zoé, Manon, Elisabeth et Sophie. Nous rencontrons aujourd’hui deux d’entre elles : Zoé, étudiante à HEC Paris et Manon, étudiante à AgroParisTech.

 

Comment vous est venu ce projet de césure ?

Zoé : A cause d’un échange en Australie annulé,  Elisabeth a souhaité monter un projet plutôt que de s’engager dans un stage en entreprise. Ce projet s’est rapidement articulé autour du vin et du voyage car elle a été inspirée par sa famille. Le père d’Elisabeth avait monté une entreprise de voyage et son grand-père une cave coopérative dans le Languedoc. Elle en a d’abord parlé à Manon qui a tout de suite accepté, à Sophie puis à moi en dernier. J’ai hésité car c’était mon année de césure professionnelle et je souhaitais la faire en entreprise. Plus précisément, je voulais lancer mon projet dans l’audiovisuel. J’ai donc proposé de filmer ce voyage pour pouvoir communiquer sur notre projet.

WorldWine Women
Zoé, Elisabeth, Manon et Sophie et leur van surnommé Betty

Lire aussi : Si tu cherches de l’inspiration pour ta césure à l’image des WorldWine Women, cet article est fait pour toi !

 

Into the Wine, un film sur l’entrepreneuriat féminin

Quelle idée aviez-vous avant votre périple de l’entrepreneuriat féminin ?

Manon : Pas d’idée précise. Justement, le point de départ de notre projet est la recherche de modèles féminins qui entreprennent. Dans un milieu de modèles masculins, nous souhaitions découvrir des femmes inspirantes.

Zoé : L’entrepreneuriat ne m’intéressait pas particulièrement, je ne pensais pas avoir le caractère requis pour créer une boîte. Ce voyage a énormément changé ma vision sur ce sujet. Je garde désormais en tête de créer une entreprise d’audiovisuel un jour. Ce projet n’est pas imminent pour des raisons financières, mais, grâce à des petites productions, je désire à terme posséder les droits sur mes vidéos au sein d’une structure.

 

Pourquoi avoir choisi de découvrir l’entrepreneuriat féminin à travers la viticulture ?

Zoé : Nous étions surtout à la recherche de modèles féminins et nous voyions ces femmes comme des vigneronnes, des artisanes. Au début, on n’avait pas anticipé toute la dimension entrepreneuriale que requiert la gestion d’un vignoble. Ce voyage a réellement changé ma vision sur l’entrepreneuriat et me l’a rendu assez accessible.

Manon : La viticulture est un monde fondé sur le partage, tous les femmes de ce milieu ont à coeur de témoigner de leur vie et de leur parcours. C’était naturellement un domaine favorable pour rencontrer des femmes qui ont entrepris.

 

Des vigneronnes qui brisent les codes d’un milieu d’hommes

Diriez-vous que le milieu traditionnellement très masculin de la viticulture est plutôt un obstacle rédhibitoire ou surmontable pour ces femmes vigneronnes ?

Zoé  : C’est forcément un obstacle surmontable, car nous avons, de fait, rencontré des femmes ! C’est toutefois assez biaisé car ces femmes sont celles qui ont dépassé ce challenge. Celles qui ont abandonné n’étaient pas là pour nous le raconter. C’est vrai qu’au sein de la génération des quarantenaires, cette vision assez masculine de la viticulture était prégnante. Ces femmes se mettaient souvent leur propres barrières psychologiques. À l’inverse des fils de vignerons éduqués à reprendre le domaine, ces femmes n’avaient pas été élevées avec cette idée depuis qu’elle étaient gamines. Leur décision de s’engager dans la viticulture était donc le fruit d’un chemin psychologique. Elles avaient parfois été mal considérées par des voisins, par des membres de leur propre famille et cela avait réellement forgé leur caractère. Enfin, la perception très masculine de la viticulture dépendait énormément des traditions et du pays dans lequel nous étions.

Manon : Certaines femmes nous ont témoigné de la difficulté de commencer dans le vin, car leur entourage ne prenait pas au sérieux cet engagement. On leur reprochait de ne voir qu’un hobby temporaire dans la viticulture, milieu dans lequel on ne les voyait pas persévérer. La manière dont ces femmes ont surmonté le jugement des autres rend leur histoire encore plus intéressante.

Les WorldWine Women à la rencontre des vigneronnes europénnes (film Into The Wine)

 

La viticulture : une philosophie de vie, plus que de l’entrepreneuriat

On perçoit dans votre film que, plus que le désir d’entreprendre, c’est aussi une philosophie de vie qui marque ces femmes entrepreneuses ? Ce désir de changer et d’expérimenter de nouvelles expériences contribue-t-il à la réussite des parcours de vigneronnes ?

Manon : Le fait que ces femmes doivent se battre pour avoir une place dans ce milieu explique leur philosophie de vie. Elles se sont forcément questionnées sur le sens de leurs choix, sur l’orientation de leur parcours. Elles arrivent avec des convictions héritées de leurs métiers précédents et en découvrent de nouvelles. Je pense qu’effectivement cela contribue à leur réussite. Les femmes dans le vin sont davantage médiatisées aujourd’hui notamment pour leurs pratiques innovantes.

Zoé : Il y a une dimension d’entrepreneuriat dans la viticulture mais elle n’est pas principale. Il y a effectivement une profonde philosophie de vie à trouver auprès du vin. C’est le fait d’être au contact de la nature, de créer un produit qui est associé au partage. Le vin demeure dans le temps ce qui lui confère un côté magique. A partir de grains de raisin, il y a la satisfaction d’arriver à créer des arômes totalement différents. C’est donc cette philosophie de vie liée au vin qui a attiré ces femmes vers la viticulture et qui, par la suite, fait d’elles des entrepreneures.

 

Tous ces témoignages ont-ils nourri chez vous l’envie d’entreprendre et plus particulièrement dans le milieu de la viticulture ou de l’œnologie ?

Zoé : Elisabeth a toujours eu ce désir d’entreprendre, on verra si ça sera autour du vin. Pour ma part, je ne pense pas spécialement, je préfère axer ma carrière sur l’audiovisuel. En revanche, je suis désormais consciente que l’entrepreneuriat m’est ouvert. Je ne le vois pas comme mon activité principale au début mais j’envisage l’entrepreneuriat comme une activité à côté. Je me méfie toutefois des difficultés de l’entrepreneuriat, tout projet nécessitant du temps et des moyens.

Manon : Je ne suis pas sûre pour l’instant de vouloir entreprendre mais j’ai à coeur de continuer dans le monde du vin. Je pars six mois l’année prochaine en Amérique du Sud pour observer les vendanges et les processus de vinification.

 

Le changement climatique, un enjeu phare pour la viticulture européenne

Lors de ce voyage de césure, vous aviez aussi pour objectif la réalisation d’une étude sociologique sur la perception du changement climatique et la conscience écologique en viticulture dans les pays européens.  Quelle perception ont les femmes vigneronnes du changement climatique ?

Manon : Nous sommes actuellement en train de finir notre enquête et d’analyser les résultats. On observe que les femmes se disent plus préoccupées par les enjeux environnementaux. Deux hypothèses de réponse : soit elles sont davantage sensibilisées à cela car elles ont eu des parcours divers avant la viticulture, soit elles expriment plus leurs inquiétudes que les hommes.

 

Cette perception est-elle différenciée selon une répartition géographique en Europe ?

Zoé : La notion de développement durable différait énormément selon les pays. A partir de la Slovénie, les gens ignoraient ce terme alors qu’en France, cela nous semble fondamental. Après, ce n’est pas parce qu’il ne connaissent pas le terme qu’ils n’appliquent pas une forme de protection des milieux lors de leurs activités viticoles.

 

S’adapter à l’urgence climatique en innovant dans la viticulture

L’urgence du changement climatique impose aujourd’hui à l’entrepreneuriat de se pencher sur de nouvelles thématiques. Dans quelle mesure les femmes vigneronnes s’adaptent-elles à la pression du changement climatique ?

Manon : De nombreuses femmes ont changé leur pratiques face à la pression du changement climatique sur leurs vignes mais aussi pour diminuer leur impact sur le climat. En général, les pratiques adoptées sont l’agriculture biologique, la biodynamie ou l’innovation technologique.

Zoé : D’une manière générale, le changement climatique est perçu partout. On ressent des modifications communes en Europe : plus de sécheresses, des raisins trop murs etc. Les femmes vigneronnes arrivaient toutefois mieux à s’adapter à ces changements que les hommes. Notre hypothèse parmi les WorldWine Women est qu’elles ont déjà brisé des codes en entrant dans la viticulture. Il est donc plus évident pour elles de s’émanciper des traditions et innover pour s’adapter au changement climatique. C’était d’ailleurs un constat que nous avions en commun avec les filles. Il y a une minorité de femmes dans la viticulture mais une majorité dans le secteur du développement durable. Et nous voulions comprendre cette sur-représentation. S’adapter au changement climatique est toutefois une pression supplémentaire. Nous avons rencontré une vigneronne qui nous disait que si c’était à refaire aujourd’hui, elle hésiterait. En raison des difficultés météorologiques, la viticulture et plus généralement l’agriculture sont devenues des secteurs où la production est très variable. De mauvaises conditions météo peuvent malheureusement rapidement mettre à mal une exploitation entière. 

 

Ces engagements face au changement climatique permettent-ils seulement d’être en accord avec ses valeurs? Est-ce qu’ils apportent un gage de qualité au vin? 

Zoé :  S’adapter au changement climatique climatique permet bien sûr de rester en accord avec ses valeurs. En effet, l’avantage de l’entrepreneur est d’être libre et donc ces femmes avaient la capacité de modifier leurs processus de production pour suivre leur convictions.

Manon : Les femmes qui changent leur pratiques se réapproprient le savoir sur le sol viticole. Elles ne le perçoivent plus seulement comme une base de recette à laquelle on ajouterait des intrants et on obtiendrait un bon rendement. Le sol devient pour elles le socle de leur production du vin. Cet accord personnel entre la vigneronne et sa terre donne lieu à une harmonie entre les pratiques et les valeurs. A propos du gage de qualité, je ne trouve pas qu’il y ait une grande différence gustative. Toutefois, des pratiques durables en viticulture restent un argument de vente pour une clientèle soucieuse de l’environnement.

 

Les WorldWine Women à la découvertes de profils atypiques

Quelles sont les profils qui vous ont chacune le plus marqué ?

Zoé : Deux profils m’ont marquée. Nasan apparaît dans le film, elle a tout lâché pour posséder un domaine alors qu’elle ne connaissait rien au vin. Elle m’a impressionnée par son optimisme et sa détermination. Elle a entrepris dans le pays d’Europe où c’était le plus compliqué en raisons des taxes et des réglementations sur le vin, la Turquie. Aussi, Natacha m’a inspirée car c’était l’unique femme entrepreneure viticole en Albanie, ce dont elle ne s’était jamais rendue compte. Elle ne s’interrogeait pas sur les différences qu’on pouvait faire entre elle et son mari, qui était bien plus souvent interviewé qu’elle. De même, elle ne considérait pas le fait qu’on attende d’une femme qu’elle s’occupe intégralement des enfants comme une source d’inégalité. Ce décalage entre elle, dans son vignoble totalement isolé, et nous lui donnait un air irréaliste.

Manon : Christine Vernay est une vigneronne à Condrieu, Côte du Rhône. Lorsqu’elle était petite, on lui attribuait la vente et le paquetage de cartons. Elle a su innover librement car personne n’attendait rien d’elle lorsqu’elle a repris le domaine. Elle a aussi impulsé un changement dans toute son appellation vers l’adoption de pratiques bio. Le film ne montre pas son interview mais je vous invite à le visionner car les profils que nous avons choisis sont tous aussi inspirants !

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