Les écoles de commerce françaises post-prépa ont entrepris de nombreuses fusions ces dernières décennies. Ces rapprochements visent à renforcer leur attractivité et à s’adapter à un contexte de plus en plus compétitif. Voici un panorama des projets réussis, des tentatives avortées, et des perspectives pour les années à venir.
Les Fusions Réussies depuis les années 2000
SKEMA Business School (2009) : La fusion entre le CERAM Business School à Nice et l’ESC Lille, 2 écoles modestes, a marqué un tournant pour les écoles de commerce françaises. Ce rapprochement a permis à SKEMA de devenir un acteur mondial, avec des campus sur plusieurs continents. Grâce à cette stratégie, l’école s’est solidement positionnée dans les classements internationaux, prisée pour son MSc Financial Markets & Investments, et rivalisant avec les meilleures institutions au monde. Gagnant année après année ses duels contre Néoma et GEM, elle finit, au terme de mai 2021 par battre Audencia, alors 6ème dans le classement des préférences ; et imposer une dictature sans précédent. Elle est, en 2024, dans une catégorie à part ; étant loin de gagner contre le top 5, mais tout de même à 89 contre 11 au SIGEM contre l’école Nantaise, toujours actuellement la plus proche derrière elle !
KEDGE Business School (2013) : KEDGE est née de l’union de BEM (Bordeaux) et d’Euromed Management (Marseille). Le projet initial d’intégrer l’ESC Pau n’a finalement pas abouti, mais KEDGE a rapidement trouvé sa place parmi les dix meilleures écoles préférées des étudiants français. Le regroupement des deux campus en bord de mer a contribué à son attractivité territoriale, et l’école a réussi à atteindre des records académiques qu’elle n’avait alors jamais égalés, en témoigne son rang dans le Financial Times qui n’a fait que grimper ces dernières années, mais également son nombre de duels gagnés contre TBS Education.
NEOMA Business School (2013) : Issue de la fusion entre l’ESC Rouen et Reims Management School, NEOMA a su tirer profit de cette union pour grimper dans les classements face à GEM et se rapprocher très dangereusement d’Audencia en 2023. La mutualisation des ressources pédagogiques et le renforcement de son réseau d’alumnis ont permis à l’école d’accroître sa visibilité et de séduire davantage de préparationnaires. Avec 785 affectés en PGE, l’école accueille en effet chaque année le plus grand nombre d’étudiants issus de classes préparatoires sur ces 2 campus, attirés également par la proximité qu’a Reims avec la capitale.
Ces trois fusions sont des succès retentissants, tant sur le plan économique que sur celui de l’attractivité ; toutes ces écoles ont réussi à intégrer le top 10 du classement des préférences pour les élèves : le SIGEM.
Les Tentatives Avortées
France Business School (2012-2014) : Ce projet visait à réunir l’ESCEM (reprise depuis par Excelia), l’ESC Clermont, l’ESC Amiens (qui ne délivre pas le grade de Master), et Brest Business School pour créer une nouvelle dynamique d’enseignement à taille critique. Cependant, les entités ont repris leurs indépendances peu après. En effet, le manque d’adhésion des candidats par manque de sélectivité (avec 90% d’admissibles) et les difficultés d’accréditation ont conduit à la radiation de ces 4 écoles de la liste de la conférence des grandes écoles et des banques d’épreuves auxquelles elles étaient rattachées ; et donc, au downfall de la FBS. Constituant encore aujourd’hui un cas d’école (sans mauvais jeu de mots) en termes d’échec stratégique ; illustrant les risques associés aux fusions rapides et précipitamment planifiées.
EM Lyon et Grenoble École de Management (2016) : Des discussions avaient débuté en 2016 avant de presque aboutir en 2020. Si à une époque, l’EM Lyon occupait la 4ème place et que GEM se positionnait à la 7ème place au classement SIGEM, la crise sanitaire liée au Covid-19 et les divergences liées à leurs statuts respectifs (société à mission pour emlyon et association loi 1901 pour GEM) ont fini par mettre un terme aux négociations. Même si cela n’empêche pas l’institution grenobloise d’encore collaborer avec sa consœur lyonnaise sur le plan académique (partenariat stratégique et mutualisation de certaines ressources), comme sportif (tout le monde ne connaît pas encore le derby Rhône-Alpes ?).
Des divergences de renommées, d’identité propre entre chaque école ou encore de risques potentiels, ont conduit à l’abandon de certaines fusions, entamées ou non. Ces cas mettent en lumière la difficulté de concilier les ambitions propres à chaque établissement pour aboutir à une alliance d’institutions au passé plus (ou moins) prestigieux, mais aux priorités différentes.
Les « rebrandings »
On constate une disparition progressive du nom de la ville d’origine des Écoles ou de leur zone géographique cible. Si ce choix est nécessaire pour celles issues de fusion (on voit mal Kedge s’appeler « Marseille + Bordeaux école de Management »), d’autres le font par pure volonté de s’exporter à l’international, comme l’ESC Nantes (devenue depuis Audencia) ou l’ESCP Europe qui s’est uniformisé pour laisser place à « ESCP Business School« .
Seules l’EM Lyon et Grenoble École de Management conservent le nom de leur ville, du moins, au sein du top 10 du SIGEM. Mais est-ce alors une coïncidence si l’EDHEC à détrôné l’EM Lyon, que Kedge est devenue préférée de Toulouse Business School Education par les candidats, ou encore que Neoma et Skema ont gratté des places à GEM au cours des 7 dernières années ? Oui, probablement, ne soyons pas paranos ; HEC garde pour l’instant sa particule « Paris » et est restée la Number One. Mais dans un contexte d’internationalisation, le nom peut avoir une importance plus que décisive pour les candidats français et bien que Paris soit attractif dans la tête des étudiants étrangers, HEC est forcée de garder ce sous-titre pour éviter la confusion avec HEC Montréal et HEC Liège, elle qui avait déjà intenté un procès à l’EDHEC pour l’usage jugé trop proche de son acronyme.
L’heure est à la fusion dans les facs, pourtant…
Pendant que les facultés françaises se restructurent à travers des fusions d’envergure, à l’image de Paris Sciences et Lettres (qui réunit notamment Dauphine, l’ENS Ulm, et les Mines de Paris), l‘Université Paris-Saclay (avec CentraleSupélec, l’ENS Paris-Saclay, AgroParisTech, l’Université Paris-Sud et d’autres…), Sorbonne Université en 2018 (ex-Paris-Sorbonne et ex-Pierre et Marie Curie) ou encore de l’Université Paris Cité (née en 2020 du rapprochement de Paris Descartes et Paris Diderot) ; les écoles de commerce interrogent cependant la pertinence d’un tel modèle dans un marché toujours plus compétitif, car aboutir à une fusion réussie reste toujours un pari risqué et incertain (surtout pour des établissements privés qui n’auront pas l’État pour les couvrir en cas d’échec) !
Pour cause, ces nouveaux noms ont dû bâtir une notoriété nouvelle auprès des recruteurs et du monde professionnel et des partenaires internationaux ; un défi qui, certes, s’est d’ores et déjà totalement estompé une décennie après pour nos chères Skema, Kedge et Neoma. D’un autre côté, les effets sur les facultés franciliennes citées sont pourtant d’ores et déjà visibles dans les classements internationaux, ; notamment pour Paris Saclay et PSL, fusionnées toutes deux en 2019 et devenues de véritables clusters dans leurs domaines de prédilections ; il n’y a qu’à voir le QS Ranking by subjects pour s’en convaincre.
Vous savez aussi maintenant pourquoi tant d’étudiants parisiens militent pour une fusion entre les 2 éternelles rivales du Quartier latin, j’ai nommé : Paris 1 – Panthéon Sorbonne (assez libérale) et Paris 2 – Panthéon Assas (plutôt conservatrice), qui, malgré des divergences idéologiques anciennes, pourraient devenir une université mondiale de premier plan, particulièrement en Droit et en Économie. Peut-être que ces récentes fusions post 2018 entre les universités parisiennes permettront à termes de restaurer la renommée qu’avait autrefois l’Université de Paris, qui rivalisait de prestige avec Cambridge et Oxford, avant sa dissolution suite aux événements de mai 68. Ces restructurations, durant ces dernières années et dont les effets semblent pour l’instant positifs dans les classements internationaux, n’échappent vraisemblablement pas à l’attention des directeurs de Business Schools.
Conclusion
Les perspectives de nouvelles fusions restent d’actualité dans un marché des écoles de commerce en pleine transformation. La relative baisse du nombre de candidats aux concours et l’intensification de la concurrence internationale poussent certaines écoles à envisager de nouvelles alliances ; alliances pouvant permettre de mutualiser les coûts, de diversifier les programmes, et de renforcer leur rayonnement à l’international. Des rumeurs circulent notamment sur de possibles fusions entre des écoles de taille modeste, pour l’instant hors du top 10 au SIGEM, et cherchant à se démarquer sur la scène française en y faisant, elles aussi, une entrée fracassante.
En définitive, ces regroupements illustrent la volonté des écoles de commerce françaises de s’adapter à un marché en constante évolution. Il n’en demeure pas moins que si certaines ont réussi à capitaliser sur leurs rapprochements pour grimper dans les classements; d’autres, à l’image de l‘EM Lyon et GEM, ont préféré préserver leur indépendance face aux défis d’une fusion. Et ce, malgré une collaboration jugée nécessaire selon les 2 écoles d’Auvergne Rhône Alpes ; rivales mais partenaires.