Loin d’être des « suppôts du capitalisme », deux étudiants de l’emlyon ont fait montre de leur grande capacité de compassion à l’égard d’un sans-abri rhodanien.
L’émouvante histoire de Jean-Thierry, Cédric et Corino commence le 19 novembre à Bellecour. Jean-Thierry est un SDF lyonnais, il a interpellé Corino à l’entrée du métro afin de savoir s’il avait quelque chose à lui donner. Mieux que de l’argent, Corino et Cédric lui ont accordé du temps, de l’attention, du respect… l’expérience qu’ils ont vécue les marquera à jamais.
Jean-Thierry est un ancien soldat de la légion, maître chien, il porte avec fierté ses médailles. Mais un jour son monde s’est écroulé, sa femme est partie au Maroc avec son enfant de moins d’un mois, il a perdu son travail et son logement. Jean-Thierry souhaitait retourner au Maroc afin de retrouver sa famille, sa femme, mais il n’avait pas assez d’argent. Les deux étudiants ont été très touchés par son histoire. Ils avaient prévu d’aller faire un surf trip, d’aller skier dès que possible, faire de belles soirées, bref de profiter de toutes les opportunités offertes par leur vie d’étudiant, mais au fond, ils ne pouvaient s’empêcher de penser à Jean-Thierry, lui avait besoin d’un peu d’argent pour retrouver ceux qu’il aimait le plus au monde. Les deux étudiants ont alors décidé de poster un message sur le mur de la promo des pré-master de l’EM afin de savoir si des étudiants étaient prêts à l’aider financièrement.
Ils ont raconté leur histoire, celle-ci est devenue virale, leur post est partagé sur tous les groupes de l’EM et les Lydia de quelques euros arrivaient les uns après les autres, les commentaires de soutien s’enchaînaient. Plus qu’une vague d’émotion, un véritable soutien se mettait en place. 821,40€ en moins d’une journée. C’était bien assez pour aider Jean-Thierry, ou plutôt JT comme ils l’appellent. Cette somme permettait alors de payer un billet d’avion à JT et à Lou, son chien qu’il considérait comme son fils. « Lou c’est mon fils » répétait-il. L’histoire semblait toucher à sa fin, le billet d’avion pour JT avait été acheté, celui pour Lou aussi ainsi qu’une cage et une muselière.
Pourtant, le jour du départ, Cédric et Corino ont retrouvé JT dans un état étrange, il n’était pas heureux, il était même triste. JT avoue alors qu’il s’est fait voler son sac pendant la nuit, celui-ci contenait son passeport et toutes ses affaires. C’était le drame, JT ne pouvait pas partir. La dure loi de la rue l’avait encore frappé, les bagarres, les vols et l’insécurité font partie du quotidien des SDF. « Il était si mal, il avait une opportunité de retrouver ceux qu’il aimait et il passait à côté, il était convaincu qu’il n’aurait pas d’autre chance » confient Cédric et Corino. « Pour lui, tout était terminé, il ne pensait pas avoir de nouveau passeport, c’était le début d’une longue spirale ! ». En effet, pour refaire ses papiers, « Tonton » comme ils l’appellent dans la rue, avait besoin d’un acte de naissance et surtout d’un justificatif de domicile. Les trois amis entraient dans un tunnel administratif, le profond rejet des institutions auxquelles JT ne croyait plus n’aidait pas.
En plus, peu de temps après, Lou est embarqué par la fourrière. Il a défendu Manon qui se faisait agresser. Manon est une amie de JT, elle vit aussi dans la rue et étudie à la FAC la journée. Les mauvaises nouvelles s’enchaînent pour JT, il venait de perdre son chien. Malgré l’implication de Cédric et Corino, aidés par un employé de la mairie, Lou, catégorisé comme animal violent, se fera piquer. JT était alors introuvable, Cédric et Corino perdirent le contact pendant longtemps. Le jour de Noël, Jean-Thierry a laissé un message de détresse à Corino : « Je crois que je vais crever là, dehors ». Ils ne le laissèrent pas tomber, mais JT avait disparu.
En rentrant des vacances de Noël, ils trouvèrent un message à Bellecour : « Paix à l’âme du SDF qui habitait ici ». Les étudiants n’avaient plus les mots, ils pensaient avoir perdu Tonton, leur ami, introuvable. Après une longue période de recherche, ils finirent pas le retrouver, le message ne parlait en fait pas de JT mais d’un de ses amis avec qui il partageait parfois ses journées. Quelques jours après, l’acte de naissance arriva, il manquait plus que la domiciliation. Pour cela les deux étudiants ont fait appel à une antenne de solidarité dans le 2ème. Toutes les démarches ont pris plus de deux mois, « c’était absurde » témoignent les étudiants, « pendant tout ce temps JT était dans la rue ». Après quelques difficultés en mairie, les papiers de JT ont pu être refaits. « C’était incroyable, on les a fait juste à temps, l’acte de naissance périmait le lendemain, on a pris un billet d’avion pour JT puis un appartement-hôtel pour ses derniers moments en France, ce n’était pas grand chose mais lui trouvait ça incroyable, il était heureux. » JT pouvait partir, mais « on était inquiets, avec JT il fallait s’attendre à tout, il aimait faire des blagues, tant qu’il était pas dans l’avion on était pas tranquilles ». JT a bien pris son avion, l’émotion était là, des petites larmes ont coulé. « Je rentre chez moi ! », son sourire témoignait de toute sa joie.
« Tonton » peut tourner la page. Cedric et Corino ont su mobiliser une école derrière leur initiative, plus qu’une aide financière, les deux « loustics » – comme JT les appelle – ont créé une véritable mobilisation, Jean-Thierry est devenu une star à l’EM.
« Je suis heureux, je rentre à la maison ! ».
A bientôt JT.