Prendre un premier poste après le diplôme ? Évidemment ! Y rester longtemps, pas forcément… Ce jeudi 6 février, nous avons assisté, sur le campus parisien de l’EDHEC, à la présentation de l’étude « Début de carrière : ce que veulent les futurs diplômés en 2025 », menée par JobTeaser et l’EDHEC NewGen Talent Centre sur 5 866 étudiants, répartis en trois profils : universités, ingénieurs et management. Les résultats confirment une tendance déjà manifeste et pourraient bien bouleverser la gestion des ressources humaines en entreprise, encore largement attachées à la fidélisation des talents sur le long terme.
Si l’entreprise séduit toujours une majorité de jeunes, elle reste perçue comme rigide et stressante. Entre quête d’épanouissement, flexibilité et incertitudes, comment la « Gen Z » redéfinit-elle les codes du travail ?
Un premier emploi vu comme une étape transitoire
Les jeunes diplômés ne se projettent plus dans une carrière linéaire. Leur premier emploi ? Un tremplin, pas un aboutissement. Selon l’étude, la durée idéale d’un premier poste est fixée à 18 mois. Cette temporalité courte traduit un rapport au travail qui privilégie l’apprentissage et l’expérimentation plutôt qu’un engagement durable. 58 % des jeunes interrogés anticipent un changement de métier dans les deux ans suivant l’obtention de leur diplôme.
Dans le détail, des différences se dessinent. Les étudiants en école de management visent un premier poste qu’ils se voient occuper pour une durée de 18 mois, souvent dans un grand groupe, et s’orientent vers des expériences immersives comme le VIE ou les graduate programs. Les ingénieurs, eux, se projettent sur une durée légèrement plus longue, autour de 23 mois, avec une recherche de stabilité un peu plus marquée. Du côté des universitaires, l’horizon est encore plus court : 12 mois en moyenne, avec une préférence pour les PME, perçues comme plus flexibles et formatrices.
L’entreprise, un monde attirant mais jugé rigide
Contrairement aux idées reçues, les jeunes diplômés ne rejettent pas l’entreprise. 83 % en ont une vision positive, et 94 % considèrent le travail comme un facteur d’épanouissement personnel. Mais cet optimisme ne signifie pas qu’ils sont prêts à tout accepter. 76 % jugent le monde de l’entreprise stressant, 70 % le trouvent trop complexe et 65 % estiment qu’il est encore trop vertical dans son organisation. En clair, malgré toutes les innovations managériales, les jeunes talents ont encore l’impression d’évoluer dans un cadre rigide, un « reflet du monde ancien ».
Le climat de travail devient alors un critère déterminant. Bienveillance, bonne entente avec l’équipe et équilibre entre vie professionnelle et personnelle figurent parmi les attentes prioritaires. Pour ces jeunes, un emploi n’est plus seulement une source de revenus, c’est aussi un cadre de vie.
Le CDI, un modèle qui ne fait plus rêver
Si le CDI reste le contrat privilégié pour 60 % des jeunes diplômés, il ne dispose plus de l’aura qu’il pouvait avoir autrefois. Les étudiants en école de commerce s’orientent de plus en plus vers des expériences courtes et dynamiques, comme le VIE ou les graduate programs. Du côté des universitaires, c’est le CDD qui arrive en seconde position, tandis que d’autres font le choix de l’entrepreneuriat ou du freelancing, attirés par l’idée de garder le contrôle sur leur carrière.
Les grandes entreprises restent un choix prisé pour les diplômés des écoles de management, mais, là encore, des différences s’opèrent en fonction des profils. Les ingénieurs et les universitaires se tournent davantage vers des PME, où ils espèrent trouver plus de responsabilités et de polyvalence dès leurs premières expériences.
Face à ces tendances, les recruteurs devront probablement adapter leurs stratégies. L’entreprise ne peut plus se contenter de proposer un CDI avec une promesse d’évolution à long terme : elle doit offrir des parcours flexibles, adaptés aux attentes des nouvelles générations si elle veut continuer à être attractive.
Recruter : un défi de taille ?
L’expérience candidat est devenue un enjeu central. 60 % des jeunes diplômés affirment qu’ils boycotteront une entreprise après une mauvaise expérience de recrutement, et 72 % partageront leur avis négatif. Dans un marché où la réputation employeur compte pour beaucoup, les entreprises n’ont plus le droit à l’erreur.
Pour ne pas passer à côté de talents, les grandes entreprises réfléchissent et travaillent sur de nouveaux outils qui intègrent l’IA pour automatiser leurs recrutements. En 2024, plus d’un million de candidatures ont été reçues par le géant français du cosmétique, L’Oréal. Un volume de CV et de lettres de motivation quasiment intraitable pour les équipes RH. C’est pourquoi le groupe explore des processus de candidatures conversationnelles, qui permettent interagir en direct avec un recruteur ou un chatbot avancé. D’autres pistes sont également à l’étude pour améliorer l’expérience candidat, analyser un plus grand nombre de candidatures et anonymiser autant que possible les profils afin de garantir plus d’impartialité et de prévenir les discriminations.
L’IA, accélérateur de carrière ou menace ?
Ce n’est pas ici que nous allons répondre à cette question centrale. Les jeunes diplômés n’attendent d’ailleurs pas de réponse définitive et font preuve de lucidité ; ils savent que leurs compétences deviendront vite obsolètes. L’intelligence artificielle, en particulier, soulève des interrogations. 28 % des étudiants se disent inquiets quant à l’impact de l’IA sur leur avenir professionnel, une crainte plus marquée chez les managers (33 %) que chez les ingénieurs (20 %), qui, eux, voient cette technologie comme un atout plutôt qu’une menace. Face à ces incertitudes, les jeunes talents misent sur l’apprentissage continu et la reconversion ; plus de la moitié d’entre eux envisagent un changement de cap volontaire au cours de leur carrière, preuve que la flexibilité est devenue une norme.
Une nouvelle génération, un nouveau rapport au travail
Les jeunes diplômés ne tournent pas le dos à l’entreprise, mais ils veulent la repenser à leurs conditions. Plus mobiles, plus exigeants et plus conscients des transformations en cours, ils refusent les modèles figés et les promesses floues. Pour les entreprises, le défi est clair : proposer des trajectoires professionnelles plus flexibles, des recrutements plus transparents et des conditions de travail alignées avec les nouvelles aspirations. Celles qui sauront s’adapter attireront ces jeunes talents. Les autres risquent de voir les candidatures se raréfier et les démissions s’accélérer.