Vendredi 23 février dernier, à l’occasion de sa visite dans la région des Hauts de France, le Premier ministre s’est rendu accompagné de toute une délégation ministérielle à l’EDHEC. L’ordre du jour : présenter son plan gouvernemental qui permettra de favoriser l’exportation des entreprises et de redresser le déficit commercial français. Récit d’une conférence sur le commerce extérieur… vue de l’intérieur.
Une conférence qui a vu les choses en grand
Pour tous les étudiants du campus roubaisien, il régnait ce vendredi une atmosphère toute particulière : l’excitation d’accueillir le gratin du gouvernement lors d’une conférence exceptionnelle et dans un amphithéâtre comble. Au programme, outre le chef du gouvernement, de nombreux ministres et secrétaires d’Etat, élus locaux ou encore députés étaient attendus. Pour n’en citer que quelques-uns : Xavier Bertrand, président de la région des Hauts de France, Jean-Michel Blanquer, Ministre de l’éducation nationale, Jean- Yves Le Drian, Ministre de l’Europe et des Affaires étrangères, Frédérique Vidal, Ministre de l’enseignement supérieur, de la recherche et de l’innovation, ou encore Gérald Darmanin, Ministre de l’Action et des Comptes publics. Il fallait également rajouter à cela l’agence publique Business France, partenaire de l’événement, des représentants de chambres de commerce et de l’industrie (CCI), des entrepreneurs locaux, sans oublier les quelques 1300 étudiants présents.
Bref, un événement exceptionnel dans une école qui, comme par hasard, peut se vanter d’avoir pour symbole celui d’un Homme « En marche ».
Le fil rouge de cette conférence : la relance du commerce extérieur français
La conférence a tout d’abord débuté autour d’une table ronde sur le thème de l’éducation et des dispositifs à mettre en place à l’école et dans l’enseignement supérieur. Jean-Michel Blanquer a tout d’abord rappelé l’importance de la réforme du lycée, qui doit donner une plus grande part aux langues, et plus particulièrement à l’oral. Frédérique Vidal a quant à elle évoqué le projet des « Universités européennes » qui devraient permettre à n’importe quel étudiant européen d’avoir le même statut et de pouvoir être recruté avec les mêmes droits dans n’importe quelle entreprise européenne. Néanmoins, cela reste encore un projet du fait de systèmes législatifs nationaux non harmonisés. Enfin une étudiante et un ancien étudiant ont témoigné de leur expérience par rapport au dispositif du VIE, le Volontariat international en entreprise. Il permet à des jeunes âgés entre 18 et 29 ans et résidant dans l’espace économique européen (EEE) d’effectuer une mission pour une entreprise française à l’étranger. D’une part, cela permet d’étendre plus facilement le développement à l’international des entreprises françaises. D’autre part, cela apporte aux étudiants une véritable expérience à l’international avec de plus grandes responsabilités, ainsi qu’un véritable plus sur leur CV qui est souvent de bon augure en vue d’être embauché par ces mêmes entreprises.
Une deuxième table ronde a ensuite été organisé avec des entrepreneurs locaux, Business France et des représentants de chambre de commerce. L’objectif : montrer l’importance de la complémentarité entre le secteur privé et public (CCI, Business France, Banque public d’investissement…) dans l’accompagnement des entreprises françaises à l’export et plus particulièrement des PME. En effet, par manque de moyens financiers, de stratégies établies et d’informations sur les marchés à l’étranger en termes de circuits ou encore de clientèle, ces entreprises ne pourraient pas se développer seules. Alors que rappelons le, elles représentent tout de même 99,8% des entreprises en France.
Enfin, après l’arrivée Ministre sous un tonnerre d’applaudissement du Premier Ministre accompagné de certains de ses ministres comme Yves Le Drian ou Gérald Darmanin, l’entreprise bretonne Piriou et l’Etat ont signé le premier « French Pass Export » dans le cadre du projet gouvernemental « PACTE ».
Il ne restait alors plus qu’à Edouard Philippe d’expliquer son projet devant toute l’assemblée. Ce dernier, avant de s’asseoir, a d’ailleurs été plutôt impressionné en se retournant vers le public, et en sortant un « Ha, il y a du monde quand même » à ses collègues ministres.
Le final du Premier ministre : un discours entre humour, show, pragmatisme et ambition
Bien sûr, en terre plus ou moins conquise, l’accueil du premier ministre s’est passé de commentaires. Avant de prononcer son discours, Jean-Yves Le Drian est monté sur scène afin d’introduire le Premier ministre et de rappeler, non sans humour, la supériorité de sa Bretagne par rapport à la Normandie d’Edouard Philippe. Il a également tenu à souligner la situation favorable de la France sur le plan de la croissance et d’autres indicateurs économiques, mais qu’en matière de déficit, il restait beaucoup à faire et que ce n’était « pas bon du tout ».
C’est alors qu’Edouard Philippe, en fidèle ancien Khâgne du lycée parisien Janson de Sailly, a pu commencer son discours en citant devant des élèves d’ESC le Contre Lacritos de Démosthène pour rappeler que dès l’Antiquité, le commerce international jouait un rôle dans l’économie. En effet, les « prêts à la grande aventure » permettaient aux négociants de financer leurs voyages et de s’assurer contre d’éventuels incidents en contrepartie d’un taux d’intérêt très élevé.
Il a ensuite poursuivi en évoquant les actions macroéconomiques menées actuellement pour relancer la compétitivité, à savoir, la flexibilisation du marché du travail, un taux d’impôt sur les sociétés qui doit passer dans la moyenne de 25% à la fin du quinquennat (contre 33,33% actuellement) ou encore les accords de l’Union européenne : le CETA (accord économique et commercial global) avec le Canada ou encore le JEFTA, l’accord de libre-échange avec le Japon. Mais ce qui importait, c’était évidemment la question du déficit français, qui s’est dégradé et a atteint 63,2 milliards d’euros l’année dernière. Surtout par rapport à nos concurrents comme l’Allemagne ou l’Italie où les PME exportent beaucoup plus que nous.
Pour continuer, il a ouvert le volet Education, et cela non sans une petite référence aux déclarations de Laurent Wauquiez à l’emlyon qui a fait rire toute l’assistance : « Exporter c’est un métier. Et ça s’apprend. Il faut donc l’enseigner puisque ça s’apprend. C’est le sens de ma présence dans une école de management aujourd’hui. En plus j’ai compris que c’était assez à la mode en ce moment. » D’ailleurs, c’est également avec une pointe d’ironie et d’humour non dénué d’une certaine habileté que le Premier Ministre a mentionné qu’il avait entendu, « qu’on travaillait dur à l’EDHEC, même le soir en semaine et la veille de vacances et bien sûr, que les élèves y étaient excellents. » Bref, le Ministre avait déjà gagné tout l’auditoire avant même d’évoquer ses réformes, malin.
Dans tous les cas, c’est surtout l’anglais qui doit être un défi pour l’école française selon le premier Ministre, une langue qu’il a qualifiée de « Lingua Franca ». Pour le relever, il est envisagé d’établir le niveau de langues au baccalauréat à la fin du lycée en fonction de certifications relevant elles-mêmes de certifications internationales comme le Test Cambridge ou l’IELTS, ainsi que le financement de tests internationaux à l’université pour les élèves suivant des cursus à dimension internationale. Ce qui néanmoins représente un certain prix, car le prix pour passer le TOEFL est à titre d’exemple de 200 euros.
Après cela, le ministre a évoqué les réformes à mettre en place pour l’accompagnement des PME. Elles tournent principalement autour de la simplification. Les acteurs étant multiples, les PME sont souvent perdues. Comme le préconisait le rapport de Christophe Lecourtier, DG de Business France, il va donc être mis en place la création de guichets uniques. En fait, Business France, une activité du service public en charge de l’internationalisationd des petites structures, va créer des joint-ventures (des regroupements) dans toutes les régions avec les CCI.
Xavier Bertrand, à ce moment-là dans le public aux côtés des ministres LREM en a d’ailleurs profité après une petite erreur du Premier Ministre sur le nom des régions pour rappeler, que « les Hauts-de-France n’avaient pas encore été annexés », par la Normandie. Peut-on y voir là, un revirement de l’ancien républicain vers le parti du gouvernement ? Seul l’avenir nous le dira !
Edouard Philippe a ensuite évoqué d’autres points. On peut citer par exemple la mutualisation d’informations via une base données que chaque acteur devra remplir pour mieux faire le lien entre régional et international ou encore le rôle plus important de la Banque publique pour l’investissement qui devra apporter des financements plus accessibles aux PME, ainsi que certaines garanties.
En conclusion, c’est avec une citation des Trois mousquetaires d’Alexandre Dumas que la conférence s’est achevée, encore une fois sous les acclamations d’un public, qui n’était définitivement pas en déficit.
Antoine Donnay, étudiant en première année PGE à l’EDHEC