Les Uber Files révèlent de nombreuses conversations et plans détaillés sur les actions menées par la société américaine, afin de se développer dans le monde entier. Dans ces échanges, on retrouve des mails entre Emmanuel Macron, alors ministre de François Hollande, et les cadres de Uber.
L’entreprise de VTC Uber est accusée d’avoir agit à la limite de la légalité, notamment pour s’implanter dans plusieurs pays, y compris en France. Plus de 120 000 documents d’Uber ont fuité, révélant des pratiques douteuses et l’implication de plusieurs personnages politiques, afin de faciliter l’expansion de la société. À l’origine : l’envoi de documents au quotidien The Guardian par Mark MacGann, lobbyiste, qui les a ensuite transmis au Consortium international des journalistes d’investigation (ICIJ) dans lesquels on retrouve les journalistes de différents médias tels que Le Monde ou Radio France.
Uber : La construction d’un lobbying puissant
Alors qu’Uber domine déjà le marché en 2014, plusieurs documents ont révélé la volonté de l’entreprise de créer un réseau, lui permettant d’étendre son influence dans le monde entier. Pour ce faire, une liste de près de 2 000 personnalités influentes a été dressée, parmi laquelle on peut retrouver des figures politiques telles qu’Emmanuel Macron, à l’époque ministre de l’Économie, mais également Jeff Bezos, le fondateur d’Amazon, ou Goldman Sachs, une banque d’investissement américaine.
Afin de séduire les personnes dont elle avait besoin, Uber n’a pas hésité à offrir des cadeaux aux hommes politiques et hommes d’affaires qu’elle ciblait. Plusieurs personnalités ont reçu des réductions sur leurs trajets Uber, des déjeuners et des prestations pour leur conjoint. Les lobbyistes de la société étaient également récompensés en fonction de leurs résultats par des commissions et des participations dans l’entreprise. En 2016, Uber investit plus de 90 millions de dollars dans le lobbying, notamment pour de recruter d’anciennes personnalités influentes.
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Les Uber Files révèlent des dérives à la réglementation
Uber se dote donc d’alliés stratégiques afin d’obtenir des faveurs, notamment vis-à-vis de la réglementation et des projets de loi. L’enquête révèle notamment l’utilisation de Kill Switch. Le Kill Switch est un dispositif qui permet de déconnecter l’ensemble des ordinateurs au serveur de l’entreprise. Cette pratique aurait été utilisée à plusieurs reprises par les dirigeants d’Uber lors de contrôles de police, afin de limiter l’accès à des informations sensibles. Les Kill Switch ont notamment été utilisés lors de perquisitions par les forces de l’ordre en France, au Canada, Inde et aux Pays-Bas.
Plusieurs SMS entre les dirigeants de la société confirment l’utilisation de cette méthode : « [La police] essaie d’accéder aux ordinateurs portables. » « L’accès aux outils informatiques a été coupé immédiatement, donc la police ne pourra pas obtenir grand-chose, voire rien« , envoie un lobbyiste à David Plouf, responsable de la communication et des politiques de l’entreprise à l’époque.
La participation d’Emmanuel Macron dénoncée dans les Uber Files
C’est en 2011 qu’Uber débarque sur le marché français. Néanmoins, l’entreprise a du mal à s’implanter à cause de la législation française ainsi qu’à la révolte des chauffeurs de taxis.
Le président français, autrefois ministre de l’Économie, a échangé de nombreux SMS avec Travis Kalanick, le patron d’Uber. La discussion fait ressortir un échange de procédés entre la société et la législation française. Alors qu’UberPop permettait de devenir chauffeur de VTC sans posséder de licence, un deal aurait été conclu afin de suspendre ce service, mais d’ajouter des lois favorables à l’insertion d’Uber sur le marché français. Cette réforme concerne notamment l’abaissement des heures obligatoires pour devenir chauffeur de VTC. En 2016, ce nombre passe de 250 heures à seulement 7 heures.
Ainsi, alors que les deux parties semblent s’accorder sur plusieurs points et que certains documents montrent qu’Emmanuel Macron a porté une attention particulière à Uber, la plupart des échanges s’apparentent plutôt à des demandes de la part de la société américaine au ministre qu’à une réelle collaboration qui aurait permis à Uber de conquérir le marché français.
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Une influence d’Uber dans les propositions de lois des députés ?
En 2014, alors que la loi Thévenoud est débattue à l’Assemblée nationale et restreint grandement le champ d’action d’Uber sur le territoire français, ces derniers contre-attaquent en poussant de nombreux députés à déposer des amendements rédigés par Uber. Si cette pratique est autorisée, il est en revanche interdit de ne pas mentionner qu’une entreprise a rédigé un amendement. Or, d’après les fuites Uber Files, il semblerait que les députés ayant déposé ces amendements n’aient pas précisé l’origine de ces textes.
D’après Le Monde, c’est grâce au sénateur Vincent Capo-Canellas qu’Uber va réussir à adoucir la proposition de loi déposée par le député Thomas Thévenoud. Il parviendra à réunir autour de lui une majorité de pro-Uber. Là encore, sa collaboration étroite avec la startup a été prouvée par les Uber Files.
Aujourd’hui, Uber a évoqué ne pas souhaiter nier son passé et ses pratiques agressives qui lui ont permis de s’imposer sur le territoire français et sur la scène internationale. Néanmoins, le service semble être en perte de vitesse alors que, dans Paris, de moins en moins de chauffeurs répondent présent et que les utilisateurs semblent se détourner des prix, jugés trop excessifs, pratiqués par la plateforme.