Comment réussir à concilier projet professionnel et passion ? Nombre d’entre nous se sont déjà posé cette question. Les étudiants en école de commerce sont souvent loin d’être aussi lisses que les portraits qui sont dressés d’eux et de leur univers, souvent affublés de l’adjectif peu reluisant de « formaté », à longueur d’articles et de reportages.
Non, tous n’ambitionnent pas de devenir le nouveau Mozart de la finance ou un commercial aux dents longues. Chaque étudiant a ses rêves, ses aspirations et une vision du monde – même professionnel – qui lui est propre.
Aujourd’hui, nous avons choisi de vous plonger justement dans un monde bien particulier : celui de l’associatif et du sport. Prêts pour le grand saut ? Nous embarquons avec Julien qui nous emmène, avec lui, retracer et comprendre son parcours unique.
Salut Julien ! Tout d’abord, pour commencer l’interview, peux-tu présenter ton parcours en quelques mots à nos lecteurs ?
Bonjour à tous ! Je m’appelle Julien, j’ai 29 ans et je viens du Havre (nous en reparlerons). Mon parcours est passé par une classe prépa puis par SKEMA. J’ai fait mes premières années à Lille avant de terminer à Paris où j’ai suivi une formation en « Gestion de projets ».
J’ai débuté mon parcours professionnel post-école en intégrant une association hyperactive qui s’appelle « Tout le monde contre le cancer », dont la mission est de soutenir les enfants et les familles touchés par le cancer. Trois ans plus tard, en 2018, j’ai eu l’opportunité de changer de domaine et de me rapprocher d’une passion personnelle depuis toujours : le sport. J’ai intégré le comité d’organisation de la « Coupe du Monde Féminine de la FIFA, France 2019 », en travaillant notamment sur les bénévoles impliqués dans l’organisation. A la suite de cette incroyable expérience, j’ai pu rebondir en rejoignant le comité d’organisation des Championnats d’Europe d’athlétisme 2020 qui se dérouleront à Paris, en août prochain.
Tu as réellement mis les pieds dans le monde professionnel par une porte que les étudiants en école de commerce commencent à bien connaître : la Junior-Entreprise. Peux-tu nous parler de celle dont tu viens ainsi que du mouvement de manière plus globale ? Selon toi, quel rôle cette expérience a-t-elle eu sur les choix que tu as fait par la suite ?
C’est intéressant que tu utilises le mot « porte », parce que c’est très vrai dans mon cas. Je viens d’une famille plutôt tournée vers l’enseignement et je suis entré en école sans vraiment savoir ce qu’était une entreprise. Quelques semaines plus tard, mes pas m’ont mené jusqu’à Skema Conseil Lille, la Junior-Entreprise de l’école, et donc l’une des associations les plus tournées vers le monde de l’entreprise. Tout était neuf pour moi, j’avais 21 ans et je découvrais en même temps ce qu’était une petite entreprise et une première ébauche des métiers qu’on y pratiquait.
Je me suis énormément investi, au détriment de mon parcours scolaire, parce que j’y apprenais tous les jours. Tout était synonyme de test : la gestion d’une équipe, le travail en équipe, les démarches commerciales, un soupçon de relation institutionnelle, l’innovation à notre échelle… Tout cela m’a même mené à m’investir au niveau national dans ce mouvement des Junior-Entreprises. J’en garde de superbes souvenirs, des échecs instructifs, des succès incroyables (avant de prendre un peu de recul, ce qui fait partie de l’apprentissage) et quelques compétences naissantes.
Ce sont des expériences qui ont encore une vraie influence sur moi et mon parcours. C’est une période d’environ quatre ans que je vois, avec le recul, comme un immense bac à sable. Avec d’autres jeunes de mon âge, j’ai eu l’occasion de tester, de construire, déconstruire, recommencer… Et tout cela en essayant toujours d’être les plus pertinents possible, sans se prendre pour ce que nous n’étions pas.
Cette expérience m’a, je crois, beaucoup aidé à prendre du recul sur le monde de l’entreprise. À 23 ans, à l’époque, comme dans mon métier aujourd’hui, et dans mes futurs métiers, j’espère, j’essaie simplement de faire les choses sérieusement sans me prendre au sérieux.
Qu’est-ce qui t’a attiré dans l’univers de l’associatif ? Tu y vois des différences fondamentales avec le monde de l’entreprise ?
Honnêtement, le fait d’intégrer une Junior-Entreprise relève du hasard pour moi, par contre le modèle en place ou à développer m’a immédiatement plu parce qu’il offrait une grande liberté, grâce à ce côté bac à sable évoqué plus tôt.
Je ne suis pas certain par contre qu’on puisse (et qu’on doive) opposer association et entreprise. Je suis persuadé qu’il existe beaucoup d’entreprises offrant plus de liberté que certaines associations et, à mes yeux, les deux milieux gagneraient à travailler ensemble le plus souvent possible.
L’une des différences fondamentales est, je pense, le rôle du bénévolat dans le monde associatif. C’est une richesse incroyable et je ne suis pas certain qu’on se rende compte du pilier que cela représente pour de nombreux domaines : le sport amateur, la santé, l’écologie… J’ai été bénévole lors de mon parcours en Junior-Entreprise et je le suis encore dans ma vie personnelle.
Je ne peux qu’encourager tout le monde, sans distinction de génération, de métier, de formation, de motivation, à s’engager dans ou pour quelque chose, même si ce n’est qu’une heure par an. C’est, pour moi, un moyen formidable d’accomplir collectivement, de s’accomplir personnellement, d’apprendre, ça peut aussi être fondamental d’un point de vue social pour s’ouvrir aux autres, développer de nouveaux traits de personnalité, sortir de l’isolement… L’entreprise peut aussi jouer en partie ce rôle, quand elle y consacre temps et énergie, mais le bénévolat est incroyable par son ouverture à tous et le pouvoir qu’il a sur la société et sur nos vies.
Travailler avec des bénévoles m’a profondément marqué et je n’ai pas cessé de le faire depuis mon baptême du feu en 2010.
Suite à ton travail auprès des enfants hospitalisés, tu as décidé de te lancer dans une nouvelle aventure, dans le foot féminin, avec la compétition jusqu’alors encore méconnue mais qui a réussi à passionner les français lors de cette édition : la Coupe du Monde féminine de football. Peux-tu nous raconter cette expérience ?
Avec plaisir, parce que c’est l’occasion de m’y replonger ! J’ai intégré le projet environ 18 mois avant le début de la compétition, en tant que Responsable du Programme Volontaires au Havre, ma ville, qui a accueilli, et donc organisé, sept matchs de la compétition.
En deux mots, les Volontaires sont des bénévoles qui ont un rôle précis sur la compétition et qui, en contrepartie de ce soutien qu’ils apportent à l’organisation, ont la chance de vivre l’événement de l’intérieur et donc de se créer des souvenirs absolument incroyables. Et pour répondre à la question « pourquoi ne pas prendre des salariés ? » : parce que ça permet justement d’ouvrir la compétition (et on parle ici d’une Coupe du Monde FIFA quand même) à tout le monde, sans distinction d’âge, de formation, de profession, etc. Imaginez le rêve que peut vivre quelqu’un qui est passionné de sport mais qui n’a jamais pu en faire son métier, quelles que soient les raisons, lorsqu’il/elle se retrouve au bord du terrain en pleine Marseillaise pour encadrer les photographes couvrant le 1/8ème de finale France-Brésil !
J’ai donc reçu la mission, lors de mon arrivée au Havre, de communiquer sur la possibilité de devenir Volontaire, puis d’organiser le recrutement, de sélectionner 270 Volontaires répartis dans une quinzaine de missions (Logistique, Médias, Accueil des spectateurs, Transports, etc), de les former, de les motiver puis enfin, le moment venu, de les déployer sur la compétition pour venir en soutien aux équipes d’organisation impliquées depuis déjà de longs mois, voire plus. Tout au long de toutes ces étapes, il était bien entendu indispensable de les chouchouter et de prendre soin d’eux en toutes circonstances.
Pendant ces 18 mois, mon métier était un mix de communicant, de ressources humaines pour la partie recrutement, de formateur, avec une vraie composante sociale, de l’écoute, de l’énergie pour garder tout le monde motivé, de l’organisation pour gérer 270 plannings et personnalités (et une tonne d’imprévus), de la bonne humeur communicative parce que bien qu’aussi indispensables soient-ils à la compétition (et ils le sont !), mes Volontaires étaient là pour prendre du plaisir et vivre leurs rêves.
Je garde en souvenir des entretiens de recrutement touchants avec des personnes qui ont vu dans ce Programme Volontaire l’occasion de sortir de leur isolement. Je garde en souvenir des Volontaires tellement heureux et fiers de faire partie de l’équipe finale. Je garde en souvenir des nuits très courtes pour que tout soit prêt dans les temps. Je garde en souvenir des larmes de joie et de tristesse mêlées lors de la soirée après le 7ème et dernier match. Je garde en souvenir des anecdotes de Volontaires perdus dans le stade, d’autres chantants et dansants avec les supporters, d’objets improbables oubliés en consigne…
Travailler avec des Volontaires n’a rien à voir avec la gestion de salariés, vous ne disposez pas de certains leviers, notamment le levier financier. Ce n’est pas le plus romantique mais, soyons réalistes, il est plus qu’utilisé. Travailler avec des Volontaires, c’est accepter qu’il y ait autant de motivations différentes qu’il y a de Volontaires. Et bien travailler avec des Volontaires, à mes yeux, c’est permettre à chacun d’atteindre son objectif, que celui-ci soit d’apprendre de nouvelles choses, de faire des rencontres ou d’ajouter une ligne à son CV. C’est précisément ce qui m’a passionné dans mon métier, faire en sorte que chacun remplisse sa mission pour que la compétition se déroule parfaitement, que chacun reparte heureux de son expérience et avec un nouveau bagage professionnel ou personnel pour la suite ! Si l’un des trois éléments était venu à manquer, ça n’aurait pas été un plein succès.
Quel est le nouveau défi que tu comptes relever dans les mois et années à venir ? Comment vois-tu ton avenir professionnel ?
Le défi actuel est bien lancé puisque je suis, depuis quelques mois, en charge des Accréditations pour les Championnats d’Europe d’athlétisme Paris 2020. C’est une fonction toute neuve pour moi, même si j’ai eu l’occasion de me confronter aux accréditations lors de la Coupe du Monde 2019. C’est l’occasion de développer de nouvelles compétences et de travailler à nouveau avec des Volontaires qui m’aideront notamment à distribuer les accréditations lors de la compétition, à toutes les populations concernées : athlètes, médias, encadrement, prestataires, membres du comité d’organisation, etc.
À moyen terme, j’ambitionne de travailler pour les Jeux olympiques. Cela me parait immanquable et j’espère pouvoir intégrer le comité d’organisation dans les mois qui viennent.
Enfin, à plus long terme, j’espère pouvoir retourner un jour vers le monde associatif, pourquoi pas au Havre, ma ville d’origine à laquelle je suis très attaché. Le volet Volontaires dans le monde du sport joue vraiment, à mes yeux, un rôle social que je trouve primordial et je vois forcément mon avenir avec ce marqueur social, au service des autres, d’une certaine façon. C’est aussi de cette façon que je m’accomplis et que je grandis professionnellement et personnellement.
Si tu devais choisir une personne (personnalité ou proche) qui t’a inspiré et qui a eu, directement ou indirectement, un impact sur tes choix de vie, ce serait qui ?
Je vais choisir quelqu’un que je ne connais pas personnellement et qui ne me connait pas non plus bien entendu : Alexandre Astier. En deux mots et pour ceux qui l’ignoreraient, il est à la fois musicien de talent, acteur, producteur et réalisateur, monteur, auteur, capable de monter un one-man show tentant de vulgariser des données scientifiques et assez érudit en astronomie pour que des chercheurs nomment un astéroïde à son nom… En résumé, il dispose de quelques talents ! Pourtant, ce qui me frappe chaque fois que j’ai l’occasion de l’écouter, c’est son recul sur tout et son extrême humilité.
C’est une inspiration pour moi parce que c’est une preuve vivante qu’on peut se réaliser et s’accomplir personnellement, professionnellement, artistiquement, scientifiquement en étant, restant ou devenant très simple, très à l’écoute, très ouvert sur le monde, toujours dans le dialogue.
Pour terminer, as-tu un conseil ou un petit mot à adresser à nos lecteurs qui vont, comme toi, devoir faire les premiers choix de leur carrière professionnelle sous peu ?
Ne laissez personne vous convaincre que vous êtes la future élite et que ça implique d’être les plus forts, les plus puissants ou autre. Ça n’a absolument aucun sens.
Suivez votre voie et changez-en si vous en ressentez l’envie, développez vos passions, engagez-vous dans ce en quoi vous croyez sans vous fermer au reste, restez humble en toutes circonstances, considérez l’humain dans tous vos choix et soyez curieux : vous êtes peut-être à un livre, un film, une idée ou une rencontre de découvrir quelque chose qui va vous passionner et vous permettre de grandir !
Bref, soyez (et soyons) tous des Alexandre Astier !
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