Tu souhaites savoir comment intégrer pleinement l’engagement écologique à ton parcours étudiant ? Aujourd’hui, nous rencontrons Théo, étudiant à HEC Paris, en stage de six mois auprès du ministère de la Transition écologique comme chargé de Mission Finance Verte & RSE.
Publié le mois dernier, le rapport du GIEC a sonné une énième alerte sur l’urgence du changement climatique. Face aux dérèglements et aux risques engendrés, les experts appellent les gouvernements, les entreprises et les citoyens à adapter leur consommation de ressources et à réduire les émissions de gaz à effet de serre. De fait, « adaptation » est un des mots phares du chapitre 1 du rapport du GIEC de 2022, une adaptation nécessaire pour construire un cadre d’étude des enjeux climatiques, pour prévenir des risques et, par la suite, permettre le développement sans nuire aux générations futures.
Sous la pression des consommateurs, certaines firmes opèrent une transition écologique comme les acteurs du e-commerce français qui s’engagent pour l’environnement. Sous la pression des élèves, des écoles suivent la même voie à l’image de HEC qui renforce la composante de développement durable dans son parcours. Qu’en est-il du travail du gouvernement français pour accompagner la transition ? Quelles sont les modalités d’actions du ministère de la Transition écologique (MTE) sur les entreprises et les instances européennes ? Comment valoriser ta sensibilité écologique grâce à une expérience professionnelle auprès du MTE ?
S’engager avec le ministère de la Transition écologique
85% des étudiants se disent inquiets, voire même angoissés, vis-à-vis des changements climatiques. Si tu es étudiant en école de commerce, d’ingénieur ou en université, tu peux t’engager pour lutter contre ton éco-anxiété.
Peux-tu nous décrire ton parcours et nous parler de ton engagement pour la transition écologique ?
Mon parcours et mon engagement sont mêlés. C’est lors de la classe préparatoire pour les écoles de commerce que j’ai éveillé ma sensibilité pour la planète. En préparant les entretiens de personnalité pour les oraux aux Grandes Ecoles, j’ai réalisé que je souhaitais oeuvrer à améliorer la situation environnementale. Je me suis donc questionné sur mon impact personnel et sur les leviers d’action qui m’étaient ouverts. Par ailleurs, les vidéos du groupe L214 m’ont rapidement sensibilisé aux enjeux du végétarisme.
Après mes deux années de classe préparatoire, j’intègre HEC Paris où je décide de m’engager auprès de l’association écologique Esp’r. Au sein de cette asso, j’y fortifie mon engagement grâce à des débats fructueux avec des élèves convaincus. En plus de ces débats, nous avons travaillé avec HEC pour rendre son campus plus vert au quotidien.
Cet engagement pour la planète a guidé mes débuts dans le monde professionnel. J’ai effectué ma première partie de césure chez EcoAct, un cabinet de conseil en stratégie de climat. Mon rôle était de répondre aux besoins d’entreprises et de territoires qui décident d’agir pour le climat. En tant que consultant, j’intervenais en calculant leur bilan carbone, en définissant, pour les entreprises, des stratégies globales comme des trajectoires de réductions ou des compensations. Pour ma seconde partie de césure, j’ai eu l’opportunité de poursuivre dans ce domaine avec un stage au sein du ministère de la Transition écologique.
Comment se passent les recrutements auprès du MTE ?
J’ai rejoint un collectif étudiant Pour un réveil écologique, à l’origine du manifeste du même nom. Des offres de stages étaient fréquemment publiées au sein du réseau et celle pour le ministère m’a directement attiré puisqu’elle combinait l’application de mes compétences avec mon engagement écologique. J’ai postulé, puis j’ai effectué un entretien de fit que j’avais préparé.
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Les domaines d’intervention d’un stagiaire au ministère de la Transition écologique
Le ministère de la Transition écologique a pour mission générale de préparer et mettre en œuvre la politique du gouvernement dans tous les domaines liés à l’écologie, la transition énergétique et à la protection de la biodiversité.
Quelles étaient tes responsabilités en tant que chargé de mission Finance Verte et RSE ?
Le MTE est divisé en plusieurs directions. Le cabinet du ministre les supervise toutes, il a une dimension très politique puisqu’il varie à chaque élection ou remaniement ministériel. La plus grosse direction est le CGDD (commissariat général du développement durable) divisé en plusieurs services. Pour ma part, j’opère au sein du service Économie Verte et Solidaire, qui est lui même divisé en sous-directions, la mienne étant la sous-direction des entreprises, au bureau Finance Verte et RSE. Le but de ce bureau est d’assurer la coordination des projets de finance verte en France et en Europe. Par exemple, en ce moment, la taxonomie, un outil pour réorienter le financement sur des activités vertes, est en cours de discussion à la Commission européenne. Pour cette mission, le rôle du bureau Finance Verte et RSE est donc de porter la voix française auprès de la Commission.
Au ministère de la Transition écologique, as-tu plutôt travaillé sur des projets d’échelle nationale ou bien sur des missions à échelle locale ?
On ne travaille pas à l’échelle locale, mais plutôt française et souvent européenne, en particulier pour le projet de taxonomie. Dès que la Commission va proposer un texte, chaque pays de l’Union européenne concerné doit donner une position en fonction de ses propres intérêts nationaux. Dans le cas du texte pour la taxonomie, le MTE doit négocier la position française avec d’autres ministères comme celui de l’Économie et des Finances. Le bureau Finance Verte et RSE coordonne toutes les opinions au sein du ministère pour arriver à une position unique devant Bercy. Toutes ces négociations sont assez compliquées car les interêts économiques défendus par Bercy priment dans le gouvernement actuel.
Au niveau européen, nous intervenons sur les projets qui traitent par exemple du devoir de vigilance et de la CSRD pour encadrer les entreprises de l’Union européenne. On travaille énormément avec les ONG et les acteurs de la société civile qui sont en quelque sorte nos lobbyistes.
Peux-tu nous parler plus précisément d’une de tes missions au service de l’économie verte ?
J’interviens sur un projet porté par Finance For Tomorrow qui rassemble les acteurs privés, publics et institutionnels de la place financière de Paris engagés pour la finance durable. L’initiative était de faire en sorte que tous ces acteurs arrêtent de contribuer à la déforestation importée dans le cadre de la SNDI (Stratégie nationale de lutte contre la déforestation importée). Pendant plusieurs mois, nous avons regroupé une liste de bonne pratiques avec l’aide de WWF, Global Canopy et d’autres ONG, puis nous l’avons présentée aux acteurs de la place financière. Nous les avons appelé à constituer des groupes pour élaborer des stratégies contre la déforestation importée d’ici la fin de l’été.
Le ministère de la Transition écologique, quel impact sur les entreprises ?
Comment le bureau Finance verte et RSE du ministère agit-il sur les entreprises ?
La totalité des questions environnementales qui apparaissent dans les entreprises passent par le bureau Finance verte et RSE. Si le service de l’Économie Verte et Solidaire veut faire passer un projet sur les entreprises, il va porter une fiche de réflexion auprès du cabinet du ministre. Ces projets sont majoritairement des réglementations qui s’inscrivent dans le cadre du règlement européen. Il y a aussi beaucoup de projets d’incitations sur des sujets où l’État ne souhaite pas encore s’engager totalement à l’image du projet de loi sur les conditionnalités environnementales pour le quinquennat à venir. Il s’agira de conditionner les aides publiques de l’État aux entreprises en fonction de leur impact environnemental.
L’État parvient-il à avoir assez d’impact sur la transition écologique des entreprises ?
L’obstacle principal est politique : toutes les décisions prises ou refusées sont le fait de la ligne politique en place qui fixe les priorités. Les questions économiques sont prioritaires dans le quinquennat actuel, aux dépens des enjeux écologiques, souvent délaissés ou amoindris face aux positions de Bercy. Les prédécesseurs ont souvent critiqué le poids des lobbys qui laissent place à l’inaction tandis que le problème de l’écologie entend une réponse rapide. Robert Poujade, premier ministre de l’Écologie en France, qualifiait même le MTE de ministère de l’impossible, ce qui montre encore la valse continuelle des ministres en poste.
L’avis de Théo sur la transition écologique menée par l’État
Il y a un an, le gouvernement lançait le plan France Relance avec une double ambition : relancer l’activité économique, affectée par la crise sanitaire, et bâtir la France de 2030. L’État a doté ce projet d’un budget de 100 milliards d’euros sur deux ans : 30 milliards étaient dédiés à la transition écologique. Quel est l’impact réel de ces investissement entrepris par l’État ?
En tant que citoyen, crois-tu que l’État français est en mesure de financer une transition écologique aujourd’hui ?
Le rôle de l’État reste indispensable. Lorsqu’on feuillette les rapports d’ONG environnementales, les pouvoirs publics sont très souvent appelés à leader la transition écologique. Un contrôle étatique du secteur financier est la voie royale pour arriver à un financement des entreprises conditionné par l’écologie. Je suis persuadé que l’action étatique est clé pour parvenir à réguler notre modèle économique et permettre une transition efficace, juste et équitable de nos modes de production et de consommation. L’État, par son pourvoir réglementaire, peut par exemple voter des lois fortes, telles que l’exclusion des entreprises responsables de la déforestation des portefeuilles financiers des investisseurs. Toutefois, nos rapports montrent aussi que l’État à lui seul ne peut pas financer la transition écologique. Des stratégies du ministère de la Transition écologique prévoient une mobilisation par l’État de l’épargne des Français pour la transition écologique.
As-tu constaté une différence entre l’image que tu avais du ministère de la Transition écologique et de la réalité ?
Aucune différence. Je m’étais particulièrement intéressé à son fonctionnement auparavant. J’ai seulement été invité à découvrir encore d’autres obstacles que je ne soupçonnais pas.
À l’avenir, tu envisagerais de t’engager dans l’économie verte auprès du secteur public ou privé ? Dans quel type de structure envisages-tu un potentiel engagement pour l’écologie ?
Certainement dans le public, car l’État est le principal moteur pour une transformation profonde de la société. Travailler au niveau européen me plairait aussi pour amener les autres pays membres vers des économies durables. Le but étant de normaliser la transition à l’échelle de l’UE, pour ne pas trop affecter la compétitivité de nos entreprises. Selon moi, la lutte contre le changement climatique se jouera surtout dans la coopération entre le secteur privé et public. Si l’État n’intervient pas dans l’économie et l’industrie, les entreprises font le stricte minimum. J’ai donc à coeur de renforcer le levier réglementaire de l’Etat sur les entreprises.