Asso pionnière en son genre, les Mardis de l’ESSEC tendent depuis 1961 leurs micros à de voluptueux fauteuils rouges sur lesquels sont assises les personnalités françaises et internationales qui font l’actualité du moment, notamment à l’aune de l’économie et de la politique. En cinq décennies et demi, ce sont d’éminentes pointures dans leur domaine respectif qui se sont essayées à cet exercice à la fois sérieux et impertinent proposé par les « Mardisiens » toutes les deux à trois semaines. Diego Mermet, président, nous offre une petite visite guidée de cette prestigieuse institution de l’ESSEC Business School.
Pour commencer, Les Mardis, c’est quoi ?
Les Mardis sont la première tribune étudiante de France, par sa notoriété et son audience. Notre but est d’inviter les personnalités qui font l’actualité, qu’elles soient politiques, économiques, ou culturelles, en France comme à l’étranger, à venir débattre avec notre public, composé bien évidemment d’étudiants ESSEC, mais aussi d’étudiants d’autres grandes écoles, ainsi que d’un noyau dur d’habitués de la région. Cette ouverture est cruciale pour nous, car elle est au cœur des valeurs fondatrices des Mardis : la libre entrée, la gratuité et l’indépendance. La politique est bien sûr notre fond de commerce, mais l’association elle-même est neutre politiquement : nous invitons tout le spectre politique, et ne sommes tendres avec personne !
Comment est né le projet et qui en a été à l’initiative ?
Le projet est né… il y a plus de 55 ans ! En 1961, pour être précis, ce qui fait de nous la plus ancienne des tribunes étudiantes françaises. L’association a été fondée par deux étudiants de l’époque, Pierre Bordry, et Dominique Thaury. L’idée fondatrice n’a guère changé depuis : un besoin d’ouverture intellectuelle et culturelle et une envie de prendre part aux débats qui animent la société.
Pourquoi le mardi ? Un à deux débat(s) par mois, est-ce une cadence difficile à tenir ?
L’origine de cette tradition remonte à un des premiers invités de l’association, Salvador Dali, qui avait reçu les étudiants dans sa suite du Ritz, un mardi soir… avant de mettre tout le monde dehors au milieu de l’interview ! Aujourd’hui la majorité des débats se déroule dans le grand amphithéâtre de l’ESSEC, mais il nous arrive également de nous délocaliser à Paris ou à la Défense. Enfin, dans des cas exceptionnels, nous utilisons le Dôme de l’ESSEC, qui nous permet de recevoir physiquement plus de mille spectateurs. Nous faisons une quinzaine de débats chaque année, essentiellement concentrés entre janvier et juin, ce qui fait un rythme de croisière d’un débat toutes les deux à trois semaines. Sachant qu’un débat se prépare au minimum quinze jours à l’avance, c’est une cadence assez intense, oui !
Concrètement, comment se passe un débat ?
On vous recommande le discours introductif de cet entretien 😉
Le format des Mardis nous est propre, et est parfois déstabilisant pour les invités qui s’attendent à avoir une tribune libre, ou à faire une conférence. Il s’agit en effet bien d’un débat, contradictoire par nature. L’invité est d’abord présenté par un membre de l’association qui en brosse un portrait très piquant, mais toujours bienveillant, ou selon la formule consacrée « pertinent dans l’impertinence ». S’ensuit un débat sous la forme d’une interview « musclée » avec deux mardisiens expérimentés, pendant environ une heure vingt. Viennent ensuite les questions du public, et enfin un cocktail ouvert à tous qui permet de poursuivre les échanges avec l’invité de manière plus informelle.
En interne, pouvez-vous expliquer comme se prépare un débat ? Comment parvenez-vous à attirer les prestigieux invités qui font la renommée de vos événements ?
Nous avons à cœur d’être le plus « professionnel » possible dans la préparation de nos débats. Ceux qui passent sur scène (présentateur et interviewers) ont bien sûr la main sur leur trame, mais l’ensemble de l’asso se mobilise pour les aider à maîtriser leur sujet sur le bout des doigts. Nous veillons à accumuler le plus de sources possibles : articles, textes de lois, livres… Les interviewers doivent être capables de pousser le ou les invité(s) dans leurs retranchements, ce qui exige d’être au courant des enjeux bien sûr, mais aussi de l’actualité du sujet, de ses changements anticipés, des propositions de l’invité en la matière etc… Cela permet également d’être pédagogique et d’inclure le public dans le débat, même quand il semble particulièrement technique.
C’est une association sérieuse, les membres sont-ils tous des « prépas nostalgiques», ou le spectre de vos adhérents est-il plus vaste ?
Les Mardis sont une asso qui offre une combinaison rare : un projet quasiment professionnel, sérieux, exigeant intellectuellement, et une vie d’asso extrêmement riche, avec une participation active à la vie du campus de l’ESSEC. C’est ce qui fonde à mon sens l’attachement assez unique des membres aux Mardis, visible dans les relations étroites que les membres les plus anciens, parfois même diplômés depuis longtemps, continuent d’entretenir avec l’asso. La conséquence c’est que nous recrutons des personnes qui présentent ce double aspect : un goût prononcé pour le débat politique, une capacité à s’impliquer efficacement dans le projet, et en même temps une volonté de mener une vie associative et festive active. Nos membres ne sont donc pas touchés par le « prépa blues » au contraire, d’autant que nous recrutons également des Admis sur Titre universitaires. Ce sont plutôt des personnes qui ont envie de combiner la vie en école de commerce avec une activité qui satisfasse leur curiosité et leur goût pour la politique.
Avez-vous des relations privilégiées voire des partenariats avec d’autres associations (de l’ESSEC ou non) ?
Nous avons des contrats avec de nombreuses associations, notamment à l’ESSEC, pour les prestations que nous ne réalisons pas nous-même : photographie, montage vidéo, ou encore conception graphique, pour laquelle nous faisons appel à l’association Pao Bang, à l’ESSEC.
Existe-t-il un réseau avec les anciens de l’association ?
Oui le réseau des anciens « Mardisiens » est assez actif. Le gala des cinquante-cinq ans par exemple a rassemblé des nombreux membres issus de promotions très différentes, des trentenaires aux septuagénaires !
Question un peu plus personnelle pour conclure, quel est ton meilleur souvenir au sein de l’association ?
La question est difficile. Les premières fois sur scène sont bien sûr des moments extrêmement forts, à la fois excitants et stressants. Mais il y a aussi de nombreux moments « hors-débats » qui resterons gravés dans ma mémoire, notamment les week-ends d’asso, et d’une manière générale tous les moments passés avec les autres membres de l’asso. Il y a un sentiment d’appartenance assez extraordinaire qui soude les membres de l’association de manière très forte, au point que cela devient un réflexe au moindre moment de libre, de passer au local, sans savoir à l’avance qui y sera.