Pour comprendre qui est Jacques Séguéla, ouvrez « Le papyrus de César ». Oui, vous ne rêvez pas, il s’agit bien d’un album Astérix, sorti en 2015. Plongez-vous dans l’intrigue et laissez votre regard parcourir les images à travers les époques. Un personnage retiendra votre attention, le conseiller de César, Bonus Promoplus, qui tient un rôle central. Proche des cercles d’influence, il conseille le pouvoir et garde certains secrets inavouables. Croyez-le ou non, ce « méchant » Bonus Promoplus, pensé par Jean-Yves Ferri et Didier Conrad, est directement inspiré du publicitaire Jacques Séguéla.
Vous avez maintenant une idée plus précise du personnage, mais aussi une multitude d’interrogations. Que fait un publicitaire aussi proche des cercles politiques ? Pourquoi le « méchant » ? Pourquoi ne retient-on pas ici ses réussites publicitaires ? Pour trouver les réponses, revenons quelques années en arrière…
Un fils de…
Le jeune Jacques naît en 1934 dans une famille de médecins non loin de Perpignan. Ses parents vont très rapidement le pousser à les imiter. Mais voilà, son niveau scolaire ne le lui permet pas puisqu’il doit s’y prendre à deux fois pour obtenir son baccalauréat. Il est donc contraint de les consoler par des études en pharmacie. Pour eux, la messe est dite, Jacques sera pharmacien.
« Faites le tour du monde »
À la fin de son doctorat en pharmacie, le jeune diplômé se lance dans un tour du monde avec son ami Jean-Claude Baudot. Officiellement, il s’agit d’étudier les plantes médicinales rares, mais les années 1959 et 1960 vont en réalité révéler le publicitaire que nous connaissons.
Sur les routes, il fait la promotion de la 2CV de Citroën qui devient son premier sponsor. Il découvre, s’épanouit au contact d’autres cultures et soigne sa créativité. Il écrit même son premier livre « La terre en rond » qui rencontre un réel succès en 1960. Il sera le premier d’une très longue série, puisqu’il écrira près de 30 livres au total. Ces deux années sont tellement fondatrices pour lui qu’il recommandera la même expérience à chacun de ses interlocuteurs tout au long de sa vie : « Faites le tour du monde ! ».
De retour en France, il s’essaie au journalisme de 1960 à 1963 à Paris Match puis France Soir, où il devient même rédacteur en chef. Mais c’est pour la publicité qu’est fait Jacques Séguéla.
Une référence dans la publicité
Après une courte expérience dans l’agence Delpire de laquelle il se fait renvoyer, il fonde l’agence de publicité Roux-Séguéla en 1970 avec Bernard Roux. Elle devient RSCG lorsque Jean-Michel Goudard rejoint l’aventure et que Jacques Séguéla en prend la présidence en 1991. RSCG est absorbée en 1996 par le géant Havas, ce qui permet à Jacques Séguéla de devenir vice-président du groupe en 2004. En 2010, il crée Havas Tunisie pour parachever son œuvre.
Au-delà de ce parcours en agences, Jacques Séguéla est à l’origine de près de 1 500 campagnes publicitaires, dont beaucoup que vous connaissez. Rappelez-vous de Carte Noire avec « Un café nommé désir », de la campagne publicitaire de la Citroën AX, de celle d’Alain Afflelou et bien d’autres… Il a également participé au développement de plusieurs marques dont Decathlon, Louis Vuitton et Evian. Il racontera d’ailleurs par la suite avoir été à l’origine du mot « Decathlon » et de son slogan « À fond la forme » au moment de sa création dans les années 1970. Force est de constater que son travail originel a franchi plusieurs générations.
Le précurseur du marketing politique
Comme le raconte l’album Astérix « Le papyrus de César », Jacques Séguéla est aussi un homme qui parle aux oreilles des politiques, très proches de nombreux chefs d’États dans le monde. Il comptabilise à lui seul vingt campagnes présidentielles, en France bien évidemment, mais également au Cameroun, au Gabon, au Sénégal, au Togo, en Israël, au Chili ou même en Pologne. Pour lui, l’homme politique est un produit qu’il est chargé de vendre aux électeurs, il est l’un des premiers à penser ce qu’on appelle encore le « marketing politique ».
Son plus grand fait d’armes ? La campagne victorieuse de François Mitterrand en 1981 et son slogan bienheureux « La force tranquille », absolument inédit pour la communication politique de l’époque. Jacques Séguéla se définit d’ailleurs comme « mitterrandien » avant tout, sans pour autant être de gauche. Il racontera plus tard avoir même demandé un porte-avion à Mitterrand pour tourner une publicité de Citroën pendant l’une de ses nombreuses rencontres nocturnes avec le président. Vous la connaissez certainement :
La débâcle de Lionel Jospin, pour lequel il travaillait aussi régulièrement, marquera la fin de sa carrière politique en 2002. Malgré tout, il a longtemps gardé un rôle de coulisse auprès de présidents, comme Nicolas Sarkozy, qui l’appréciait beaucoup. C’est sans doute cette relation qui explique sa décoration en 2008 de la Légion d’honneur.
Une personnalité parfois controversée
Souvent décrié comme personnalité « Bling Bling », associé à l’opulence et l’excès, certaines polémiques sont venues entacher sa réputation. En 2009, il déclarait ainsi sur un plateau de télévision : « Si à cinquante ans, on n’a pas une Rolex, on a quand même raté sa vie ! ». Avant de récidiver six ans plus tard : « Même un clochard peut mettre 1 500 euros de côté pour s’offrir une Rolex ». Son combat contre les extrêmes lui a également valu une condamnation en 2019 pour avoir traité Jean-Marie Le Pen de « nazi ».
Il est comme ça Jacques Séguéla… provocateur, mais génial à la fois, prêt à tout pour défendre ses idéaux. Si vous voulez en apprendre davantage sur ce publicitaire français de renommée internationale, retrouvez son intervention très récente devant les étudiants d’emlyon business school :