L’augmentation des salaires est souvent vue comme « trop faible » par les salariés en France. Les entreprises seraient-elles trop passives face à une inflation qui semble faire énormément de dégâts dans la vie quotidienne ? La hausse des prix est-elle seulement prise en compte ? On se penche sur le sujet de l’augmentation de salaire !
Comment les salaires peuvent-ils augmenter ?
Il existe plusieurs manières, toutes très différentes, de voir ton salaire grimper, qui vont souvent dépendre de ton secteur, de ton entreprise et de ton profil. Cependant, dans une majorité des cas, une augmentation de salaire est déterminée par des facteurs relativement précis. On t’en dit plus !
L’évolution de carrière, un facteur déterminant
C’est presque de la triche, mais c’est le meilleur moyen d’obtenir une augmentation de salaire et aussi le cas de figure qui se présente le plus : le meilleur moyen de toucher un salaire plus important, c’est de changer de travail (que ce soit en ayant plus de responsabilités, en grimpant dans la hiérarchie ou même en changeant d’entreprise). Si tu peux évidemment obtenir une augmentation sans nécessairement changer de poste, elle sera d’autant plus déterminante si ton implication dans ton entreprise, ta formation ou ton poste évoluent. À noter : les négociations sont bien plus faciles à l’arrivée dans l’entreprise qu’en cours de contrat.
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Négocier des augmentations de salaire
Demander une augmentation, négocier directement avec son employeur, en espérant voir le salaire proposé rehaussé : c’est malgré tout une des options qu’on peut envisager. Une fois dans l’entreprise, tu peux toujours te servir des entretiens annuels d’évaluation pour en parler directement avec ton employeur. On t’encourage vivement à le faire, mais il faut pour ça t’assurer d’arriver à ton entretien annuel avec de très bons arguments : prépare des exemples concrets de tes réalisations, des preuves de ton implication et de ton importance dans l’entreprise, et, si l’employeur refuse, essaie de bien comprendre pourquoi. On peut partir défaitiste avant d’avoir ce genre de négociations, mais n’oublie pas que c’est aussi dans l’intérêt de ton employeur de te faire miroiter une augmentation : il sait que tout travail mérite salaire et que ton investissement dans ton job sera plus fort s’il est récompensé.
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L’offre et la demande, favorable aux augmentations de salaire ?
Depuis le COVID, le rapport au travail a changé : les demandeurs d’emploi sont plus exigeants, ont plus d’exigences à l’égard de leur salaire et les employeurs ont donc tout naturellement de plus en plus de mal à recruter. Et ça peut très bien faire tes affaires : le rapport de force est un peu plus en faveur des employés qu’avant. Les employeurs pourraient donc facilement se mettre à accorder des rémunérations bien plus importantes dans les années à venir.
Attention ! Ce rapport de force ne te permettra pas forcément d’obtenir une augmentation plus facilement. En revanche, si tu changes d’emploi ou que tu arrives assez bien à faire jouer la concurrence, tu pourrais très bien tourner la situation à ton avantage ! Cela peut aussi être l’occasion d’essayer d’obtenir d’autres types d’avantages, même si c’est pas le sujet ici. Quoi que tu veuilles demander à ton employeur, c’est le moment de le faire !
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Les augmentations de salaire sont-elles obligatoires dans le privé ?
Non. Dans le code du travail, il n’y a, a priori, aucune disposition qui prévoit d’augmenter la rémunération d’un salarié à intervalles réguliers, ni même de suivre le cours de l’inflation. Ça n’a pas toujours été le cas : une échelle des salaires a, dans les années 1950, été en vigueur en France, mais elle a été abandonnée et les salaires ne sont plus soumis à revalorisation. À une exception près.
SMIC : quelles augmentations de salaire ?
Comme tu le sais sûrement, atteindre ou dépasser le SMIC (ou Salaire Minimum Interprofessionnel de Croissance) est une obligation légale pour les entreprises. Le Code du Travail fixe son montant et aucune entreprise ne peut être dispensée de respecter ce minimum légal dès lors que tu travailles 35 heures par semaine, quelle que soit la convention collective, quels que soient tes horaires, quel que soit ton contrat. La hausse du SMIC est donc liée à sa hausse dans le Code du Travail : si une réforme en augmente le montant, alors le salaire des employés au SMIC augmente obligatoirement et de manière automatique, dans tous les secteurs.
Cela fait cependant un bon moment que les augmentations du SMIC ne sont pas décidées par des réformes, mais par son index sur l’inflation. Le 1er janvier, le SMIC augmente automatiquement en fonction de la hausse des prix (en résumé, l’inflation). De la même manière, si l’inflation dépasse les 2%, la hausse est automatique, sans besoin d’attendre la fin de l’année. Par exemple, le 1er mai 2023, le SMIC horaire est revalorisé, et passe de 11,27 euros à 11,54 euros bruts (soit 9,13 euros net) : ce n’est le fait d’aucune réforme, mais du suivi de l’inflation. C’est comme ça que le SMIC, qui avoisinait les 1200 euros dans une bonne partie des années 2010, est cette année aux alentours de 1380 euros net. Une hausse qui, tu l’auras compris, n’est pas synonyme d’une hausse du pouvoir d’achat : le salaire n’a fait que suivre la hausse des prix.
Cependant, le SMIC n’est pas le seul salaire minimal qui existe : si c’est le seul minimum qui concerne toutes les entreprises, ta convention collective peut, dans le même temps prévoir un autre minima, pour ton secteur ou pour ton poste. Dans ce cas, sauf exception précisée dans la convention collective, les mêmes règles s’appliquent : la revalorisation est automatique et le montant du salaire augmente automatiquement.
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Le SMIC, seul salaire à augmenter ?
Si l’augmentation du SMIC est automatiquement aussi forte que l’inflation qu’en est-il de la hausse des autres salaires ? À ce sujet, les statistiques que répertorie la DARES ne laissent pas réellement de place au doute : la hausse du SMIC est bien plus rapide que celle des autres rémunérations. En fait, une tendance semble se vérifier : plus le salaire perçu est haut, moins il suit l’inflation. Forcément, plus l’inflation est forte, plus la grille des salaires se resserre : les différences de rémunération ne sont pas en train de disparaître pour autant, mais elles sont en tout cas nettement moins prononcées à mesure que le temps passe.
Il semble dès lors que l’inflation frappe particulièrement fort les personnes dont le niveau de rémunération se place juste au-dessus des minimas sociaux : sans augmentation salariale en adéquation avec l’inflation, on observe une perte de pouvoir d’achat. Si elle semble moins importante que dans les postes à très haute rémunération, elle a également plus d’impact : ces individus, dont le salaire se situe juste au-dessus du SMIC, ont bien moins de marge et risquent de réellement voir leur niveau de vie baisser du fait de l’inflation.
Certains employés risquent même de finir par être rémunérés au SMIC : leur salaire n’ayant pas évolué avec l’inflation, il se retrouve rattrapé par les minimas sociaux et augmente mécaniquement. À cet égard, les revalorisations de salaire peuvent s’avérer trop faibles pour certains secteurs (c’est ce que le graphique semble laisser entendre pour les IPC, pendant une bonne partie de l’année 2022 : la hausse est presque la même que celle du SMIC, certainement parce qu’une partie des employés du secteur ont fini par être payés au minima social). Car on le rappelle, si l’inflation va plus vite que ta hausse de salaire, c’est presque comme si ton salaire baissait.
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Une augmentation de salaire n’est pas une prime !
Attention à la différence entre salaires et primes : si tu te souviens bien, en 2018, le Président de la République avait décidé d’augmenter le SMIC de près de 100 euros, par un financement de l’État. Seulement, ce n’était pas tout à fait vrai : la hausse apparente du SMIC, financée par l’État, était en réalité une « prestation sociale« . Outre le fait que ce ne soit pas financé par les entreprises (ou du moins, pas directement), c’est surtout une hausse très éphémère. Le calcul de la retraite, les cotisations patronales et les éventuelles évolutions de salaire en cours de carrière ne tiennent compte ni des cotisations sociales ni des primes diverses. Seule la rémunération directe du travail est prise en compte dans le calcul.
De la même manière, si tu bénéficies d’une majoration de ton salaire (parce que tu travailles de nuit, pendant des jours fériés, etc.), le calcul n’en tient pas compte. Ça ne retire rien à l’argent qui est perçu, mais ce montant n’ouvre à aucun droit une fois touché, à la différence d’une augmentation de salaire plus organique.
Si tu te sens concerné par le sujet, on avait déjà donné des conseils pour demander une augmentation de salaire sur Business Cool : clique ici pour en savoir plus !
Les augmentations de salaire pour les fonctionnaires
En France, être employé du secteur privé est très différent d’être employé du secteur public. Outre tous les avantages que tu peux avoir dans l’un ou l’autre des cas, être employé et payé par l’État change beaucoup de choses. Le meilleur témoin de cette différence : pas de SMIC dans le public, mais un salaire minimum de traitement. Pas d’inquiétude, il n’y a théoriquement aucun écart entre son montant et celui du salaire minimal. Cependant, les règles de rémunération diffèrent et leurs différences d’encadrement rendent le fonctionnement des salaires dans le public assez difficile à saisir. On t’explique tout !
Le point d’indice augmente-t-il ?
Dans le secteur public, tous les régimes des fonctionnaires sont régis par le « point d’indice ». Concrètement, sa mission est de calculer les salaires à temps plein des fonctionnaires : le point a une valeur et, plus un fonctionnaire a de points, plus son salaire est haut. Il permet donc de tenir compte dans la rémunération, de l’ancienneté, des évolutions de carrière, etc. Actuellement, le point d’indice vaut environ 4,85€ ; pour suivre l’inflation, sur l’ensemble des salaires, il suffirait donc d’indexer le point sur l’inflation, au même titre que ce qui est fait pour le SMIC. Cependant, le point d’indice est gelé : à moins que le gouvernement intervienne, le point stagne.
Et le gouvernement va intervenir : au cours des 20 dernières années, la valeur du point va augmenter d’environ 6 euros par an. Est-ce suffisant pour compenser la hausse des prix ? Pour répondre à cette question, le meilleur moyen est certainement de le calculer : on a regroupé dans le tableau ci-dessous la valeur annualisée du point d’indice, au 1er janvier de chaque année, dont on a calculé la hausse année après année, et qu’on a comparée avec les chiffres de l’inflation donnés par l’INSEE. On a décalé les résultats de l’inflation d’un an, pour que les infos soient plus lisibles. Et le résultat est sans appel : l’augmentation des salaires pourrait être meilleure.
Année | Valeur du point (au 1er janvier) | Hausse annuelle du point (en %) | Inflation par rapport à l’année précédente (en %) |
2002 | 52,1284 | /// | 1,60 |
2003 | 52,4933 | 0,70 | 1,90 |
2004 | 52,7558 | 0,50 | 2,10 |
2005 | 52,7558 | 0,00 | 2,10 |
2006 | 53,711 | 1,81 | 1,70 |
2007 | 53,9795 | 0,50 | 1,70 |
2008 | 54,4113 | 0,80 | 1,50 |
2009 | 54,8475 | 0,80 | 2,80 |
2010 | 55,2871 | 0,80 | 0,10 |
2011 | 55,5635 | 0,50 | 1,50 |
2012 | 55,5635 | 0,00 | 2,10 |
2013 | 55,5635 | 0,00 | 2,00 |
2014 | 55,5635 | 0,00 | 0,90 |
2015 | 55,5635 | 0,00 | 0,50 |
2016 | 55,5635 | 0,00 | 0,00 |
2017 | 55,8969 | 0,60 | 0,20 |
2018 | 56,2323 | 0,60 | 1,00 |
2019 | 56,2323 | 0,00 | 1,80 |
2020 | 56,2323 | 0,00 | 1,10 |
2021 | 56,2323 | 0,00 | 0,50 |
2022 | 56,2323 | 0,00 | 1,60 |
2023 | 58,2004 | 3,50 | 5,20 |
À deux exceptions près, la revalorisation point d’indice est systématiquement inférieure à l’inflation, avec un delta qui peut aller jusqu’à près de 2%. Si les écarts d’une année sur l’autre semblent n’être pas si choquants, le cumul de ce décrochage sur des années peut avoir des conséquences délétères sur le niveau de vie des fonctionnaires. Si on fait le calcul de la hausse totale du point d’indice, et qu’on la compare avec le total de l’inflation, en utilisant un Inflateur Cumulé, comme le propose le site France Inflation, on en arrive aux données suivantes : l’inflation cumulée est de 39,82%, et le point d’indice n’a sur cette période augmenté que de 11,65%. Les calculs ne sont pas bons.
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Comment le salaire minimum de traitement atteint le SMIC ?
Mais alors, si le point d’indice n’augmente pas, comment le salaire minimum de traitement reste au niveau du SMIC ? C’est grâce à ce qu’on appelle l' »indemnité différentielle ». La plupart du temps, pour combler la différence entre le SMIC et les rémunérations dans le public, l’État verse une sorte de prime qui équivaut à la différence entre SMIC et rémunération du salarié. Si elle permet de rattraper l’inflation, elle pousse toutefois aux mêmes effets que ceux qu’on a pu observer plus haut : recouvrir les différences salariales et donc amener tous les agents de la fonction publique à toucher le même montant, indifféremment de leur nombre de points, de leur ancienneté, etc.
Ce n’est toutefois pas la seule manière utilisée pour faire augmenter les salaires : parfois, on peut assister à une augmentation du nombre de points, qui amène par conséquent à une augmentation de plus de salaires. Si les plus hauts niveaux de rémunération ne sont, à nouveau, souvent pas concernés par ce genre de mesure, l’ensemble de la grille basse peut être amenée à évoluer. C’est par exemple ce qui se passe pour une partie des fonctionnaires, avec la revalorisation de janvier 2023 : l’État annonce une augmentation du nombre de points d’indice pour 409 000 agents du service public. Tu peux trouver l’annonce sur le site officiel de l’administration française.
Quelle augmentation pour les profs en 2023 ?
Pour tous les fonctionnaires au-dessus du salaire minimal, il faut compter sur la faible hausse du point d’indice et sur des initiatives des pouvoirs publics. Car certains fonctionnaires vont en effet voir leur rémunération être revalorisée de manière ponctuelle, pour des raisons diverses. On peut notamment évoquer le cas récent du salaire des professeurs. Il y a peu, le ministre de l’Éducation nationale, Pap Ndiaye, a annoncé une revalorisation du salaire de tous les professeurs, indépendamment de leur date d’arrivée dans le secteur et de leur indice.
Cette augmentation est comprise entre 100€ et 230€, avec une prime de 1 000€ pour les chefs d’établissements. Preuve, s’il en fallait, que le rapport de force est en faveur des employés : après l’organisation de job datings particulièrement contestés et le recours à un grand nombre de contractuels, la hausse des salaires témoigne du besoin d’un choc d’attractivité dans des domaines comme l’éducation.
Mais de nouveau, le point d’indice et la rémunération étant tous deux gelés depuis quelques années, la hausse de salaires est très contestée : si le Président de la République annonçait une hausse de 10% pour les enseignants, elle n’est au final que de 4%. Elle ne suffit donc de nouveau pas à couvrir l’inflation. Et tu l’auras compris, le point d’indice n’aidera pas à rattraper cet écart, du propre aveu du ministre.
Si on a choisi l’exemple des enseignants, c’est parce que c’est un des cas les plus parlants des augmentations dans le public : si certaines augmentations sont ostensiblement impressionnantes, si on tient compte du contexte qui les entoure (gel du point d’indice et inflation), elles ne sont pas suffisantes à une réelle revalorisation.
Augmenter les salaires pour rattraper l’inflation, est-ce suffisant ?
Théoriquement, si on tenait compte de l’inflation et que les salaires la suivaient, le pouvoir d’achat resterait le même pour tous. Mais tout dépend de la répartition de cette inflation : si le prix émetteurs venaient à doubler, l’effet n’aurait rien à voir avec la même hausse, sur le prix de l’eau, parce que plus consommée et parce qu’autant consommée par les classes supérieures que les classes inférieures, sur le fil de la pauvreté.
Et c’est malheureusement le second cas de figure que nous expérimentons aujourd’hui : l’INSEE présente une inflation à hauteur de 14,8% pour les prix de l’alimentaire, presque trois fois plus importante que les 6,2% d’inflation au global. Ainsi, même la hausse du SMIC, même un point d’indice dégelé, même des salaires indexés sur l’inflation, comme c’était le cas il y a quelques années, ne suffisent pas si les produits de première nécessité connaissent une inflation trop éloignée de la moyenne de tous les produits. De quoi, une nouvelle fois, se pencher sur le caractère insuffisant des dispositifs mis en place, comme sur les méthodes de calcul.
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L’augmentation des salaires, une volonté rationnelle ?
À partir de tout ce qu’on vient de détailler plus haut, on voit que l’augmentation des salaires pourrait être plus importante, en particulier pour suivre la hausse des prix. Mais quelle est la bonne base, autour de laquelle tous les calculs doivent se concentrer ? Sur la valeur produite par les salariés ? Sur le coût de la vie, et la somme nécessaire aux salariés pour « se remettre au travail » tous les jours (manger, se loger, se chauffer, etc.) ?
Ces questions étaient soulevées avec d’autant plus de vivacité ces dernières semaines que la contestation contre la réforme des retraites en portait une partie des enjeux. Les divers salariés, du privé comme du public, dénonçaient une obligation à travailler toujours plus, pour une rémunération toujours plus faible faible et surtout plus injuste à leurs yeux. Pour eux, l’inflation pousse à une augmentation des inégalités entre riches et pauvres, et exacerbe les effets de la disparité des salaires. Si le constat n’est, comme nous venons de le voir, que partiellement vrai et que c’est une conséquence logique de l’organisation du marché du travail (et plus largement de la société) que de voir apparaître de forts écarts de salaire, la très forte inflation et la perte de pouvoir d’achat d’une partie de la classe moyenne a très grandement remis en question la répartition globale des richesses.
Quoi qu’on pense de ces revendications, qui sont en réalité bien plus politiques qu’économiques, une chose est claire : la revalorisation actuelle des salaires n’atteint pas l’inflation et sa faiblesse risque de paupériser en partie les salariés.