18 Ans Prison
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Fêter ses 18 ans en prison, une réalité aux lourdes conséquences

L’INJEP (Institut National de la Jeunesse et de l’Education Populaire) vient de publier une enquête très approfondie sur les jeunes passant leurs 18 ans en prison et sur leur rapport à la jeunesse. On se penche sur ses résultats et ce qu’ils impliquent pour des jeunes souvent laissés pour compte.

 

Prison à 18 ans, résultante d’un parcours de vie souvent complexe

Premier élément frappant, la sociologie des jeunes étudiés : la moitié des jeunes incarcérés se disent indépendants depuis l’âge de 15 ans, car quittant leur domicile pour subvenir à leurs propres besoins, même si c’est pour eux synonyme d’une « précarité résidentielle ». Entre les logements de leurs amis et la rue, une majorité de ces jeunes évoluent sans réel cadre familial et personnel.

L’étude pointe un élément central : ils ne sont pas accompagnés dans leur passage à l’âge adulte. Alors que pour une majorité de la population, l’adolescence constitue un sas dans lequel on se cherche pour construire sa personnalité, c’est sans filet et en ne sachant pas réellement qui ils sont que ces mineurs ont quitté le cocon familial. Souvent forcés à se débrouiller, les jeunes sont lâchés dans la nature d’un coup, causant un rapport à l’identité flou et difficile à construire.

 

Allers-retours entre enfance et majorité

Le retour en enfance des moins de 18 ans en prison

Le système carcéral semble traiter les jeunes détenus d’une manière très particulière : quand des détenus arrivent en prison avant leurs 18 ans, ils reviennent à une très forte supervision, au point qu’ils soient presque renvoyés en enfance. Ils sont seuls dans leur cellule, forcés à reprendre l’école, avec des parloirs, promenades et douches plus récurrents que les autres détenus. Ils sont par ailleurs constamment supervisés par des éducateurs ainsi que par leurs parents ou responsables légaux. Après avoir été totalement libres, ils sont renvoyés en enfance sans transition, comme une manière de leur redonner un cadre.

 

Prison pour adultes à 18 ans : rejetés dans le grand bain

Si ce dispositif peut solutionner un certain nombre de problèmes, il ne peut pas les régler seul, surtout sans phase d’adaptation au passage à l’âge adulte. En effet, dès que les détenus mineurs deviennent majeurs, ils sont transférés dans des prisons classiques, où tout cadre s’effondre et où ils sont de nouveau lâchés dans la nature, sans aucune phase d’adaptation. Jusque-là accompagnés par des professionnels, ils se retrouvent finalement abandonnés à eux-mêmes, devant rédiger des lettres à faire parvenir à l’administration pénitentiaire. L’enquête de l’INJEP souligne d’ailleurs la double peine pour les détenus ne sachant pas lire ni écrire : ils sont simplement abandonnés à eux-mêmes et ne peuvent plus communiquer avec la prison.

L’étude fait autant état de jeunes effrayés par un milieu impitoyable, dans lequel ils seront abandonnés et duquel ils ont peur (craignant notamment les violences, les co-détenus, etc.), que de jeunes en maîtrisant les codes, qui ont hâte d’y retrouver une socialisation proche d’un milieu de délinquance qu’ils connaissent. Dans les deux cas, les jeunes anticipent le fait de devoir s’imprégner des codes de la délinquance telle qu’ils l’ont peut-être connue avant leur incarcération, en devant compter sur leur expérience personnelle pour se faire une place.

 

Quelle information pour le passage en prison pour adultes ?

Car c’est là un autre problème : les détenus ne doivent leurs connaissances de la prison pour adultes qu’à des bruits de couloir et des informations qui leur sont données par les gardiens de prison. En réalité, rien n’est fait pour les préparer à la réalité de l’incarcération pour adultes, ce qui les pousse à très fortement appréhender leur transfert, comme on l’a vu plus haut. Le cas des communications écrites mentionné précédemment en est probablement le meilleur exemple : ils découvrent ce système en y arrivant et n’ont aucune solution pour s’y adapter.

Déjà que passer des plus vieux aux plus jeunes de la prison a de bonnes raisons de rendre anxieux, ce manque d’information vient empirer leur situation, surtout quand ils ne sont pas tenus au courant du moment exact de leur transfert, ni du moment auquel ce transfert aura lieu. De quoi renforcer la sensation d’être « laissé pour compte ».

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Comment sortir de la case « délinquance » ?

Interrogés sur le sujet dans le cadre de l’étude, les jeunes ont clairement évoqué leurs difficultés à se considérer comme faisant partie de la « jeunesse ». Se voyant en-dehors de ces cadres, ils n’arrivent en fait à se positionner nulle part dans la société. Au sein de l’enquête, on peut lire ceci :

« Les jeunes sont ainsi des « autres » sans pour autant parvenir à se classer eux-mêmes, à se trouver une place hors des étiquettes de « délinquants », « prisonniers » ou « détenus mineurs » qui ne les caractérisent que partiellement et temporairement. »

Or, si on peut facilement tisser un lien entre le manque de repères de ces jeunes et leur arrivée en prison à un si jeune âge, il est difficile de ne pas craindre un déterminisme qui enfoncerait ces jeunes dans leur situation : s’ils se voient simplement comme des délinquants – totalement à l’écart de la société – et que rien n’est fait pour remettre en question cette croyance, ils penseront toute leur vie ne pouvoir être que cela. Et finiront probablement, comme une prophétie auto-réalisatrice, par confirmer leur impression.

 

Proposer un meilleur futur aux mineurs en prison

Comme on l’a vu, ce n’est pas un hasard si la majorité de ces jeunes détenus sont aussi démunis : héritant de situations socio-économiques difficiles, ils sont forcés de se débrouiller pour assurer leur survie avant même que la vie ne leur laisse le temps de se former ou de devenir plus matures. Amenés à assumer de très grandes responsabilités trop tôt, ils vont souvent commettre des actes répréhensibles très tôt, avant d’en saisir toutes les implications et les conséquences. Si on souhaite changer les choses, il est donc capital de les régler en amont : faire en sorte qu’aucun enfant ne soit dans une telle siutation, abandonné et privé de repères. En d’autres termes, engager une lutte sans merci contre la pauvreté.

La très forte instabilité de leur mode de vie en prison, qui les ballote entre hyper-encadrement et sous-encadrement, sécurité et insécurité, rend leur situation d’autant plus précaire. Tout ça pour des peines assez légères : l’étude évoque une majorité de jeunes en détention provisoire, mais surtout près de 46% de peines étalées sur une durée de moins de 6 mois. Des petites peines qui viennent empirer un parcours de vie très complexe pour des jeunes laissés pour compte et les encourager dans la direction de la petite délinquance, faisant d’eux de potentiels futurs grands bandits en puissance.

Dans le cas de ces jeunes, il semble que l’inefficacité des peines et des dispositifs doive pousser à transformer une justice foncièrement punitive en un processus d’accompagnement plus poussé, autant pour protéger la société de la délinquance, que ces jeunes de leur situation. Dans tous les cas, personne ne saurait se satisfaire d’une pareille situation.

À noter : Notre article s’appuie sur le travail de recherche particulièrement approfondi de l’INJEP que tu peux retrouver ici.

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