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Le « putaclic » ou l’art de faire du mauvais teasing

Les étudiants de l’EM Normandie tiennent un web journal dans lequel ils traitent différents sujets. Ils se sont amusés en janvier 2017 à tester le « putaclic » en intitulant l’un de leurs articles « Qui a les plus gros boobs de l’EM ? ». Sans surprise, cet article a généré un maximum de clics. Mais quels mécanismes sous-tendent ce phénomène du marketing digital ?

Des chiffres qui font tourner la tête

Le monde numérique modifie l’économie, les manières de penser et nos comportements de consommation. Big data et algorithmes mathématiques, « trigger marketing », buzz, robots, e-réputation, community management, streaming reflètent ainsi de nouvelles tendances et pratiques de consommation.

Ce contexte suscite de l’attention chez les professionnels et chercheurs car le marketing digital est en plein essor.

Sur Internet, il existe des millions de sites, des milliards de données, de photos, de vidéos, d’informations, autant de contenus sur lesquels les marketeurs peuvent travailler.

En 2017, nous sommes 3,77 milliards d’internautes et 2,79 milliards d’inscrits sur les réseaux sociaux.

Les données échangées sur Internet en 60 secondes en 2016.

Dans cette forêt de données, un responsabl’e-commerce, un streamer, un community manager, un Chief Data Officer doit connaître parfaitement son environnement, effectuer une veille constante, suivre les tendances afin d’être référencé, connu, suivi et apprécié.

Mais il doit surtout être un fin stratège et utiliser à bon escient le content marketing (marketing du contenu).

 

Le contenu est roi

Le content marketing est une stratégie web qui consiste à créer et diffuser des contenus adaptés afin d’engager les internautes dans une relation avec une marque, une entreprise, un produit ou un service.

Le content marketing est roi puisqu’il permet d’améliorer le taux de conversion, le trafic et de générer du buzz. Ces KPIs (key performance indicators) sont essentiels à la survie d’une entité numérique. Il est primordial de surveiller le nombre de likes sur un statut Facebook, le nombre de retweets, le temps passé sur un site web. Il est même possible de suivre le déplacement de la souris et d’identifier les zones visualisées en premier sur un écran d’ordinateur par un internaute grâce à l’eye-tracking dans l’objectif de faire de la publicité ou du référencement.

À l’heure du marketing viral et des réseaux sociaux, le buzz devient une variable clé qu’il est indispensable de maîtriser grâce à des contenus de qualité.

En fonction de chaque situation, le contenu devra être adapté, pertinent, graphique et proposer la bonne information au bon moment.

Qu’est ce que le « content » ?

Une stratégie de content marketing peut consister à partager des vidéos par exemple le magnifique clip YouTube « One of Those Days » du skieur Candide Thovex qui a été visualisé plus de 21 000 000 de fois, partager des avis positifs postés par des internautes sur sa marque, célébrer un nombre d’abonnés à sa chaîne YouTube à l’instar de Cyprien ou proposer du contenu exclusif pour les fans de son groupe Facebook.

Mettre en place une stratégie digitale, c’est aussi connaître sa cible et les lieux de discussions de celle-ci (blogs, forums, réseaux professionnels), identifier ses centres d’intérêt afin de proposer du contenu qui les intéresse.

Maîtriser son contenu, c’est faire usage du storytelling. Dans cette optique, il s’agit de communiquer grâce à une histoire, de capter l’attention, susciter l’émotion et stimuler le désir comme Spontex a pu le faire avec son hérisson.

Le content marketing, c’est aussi du contenu généré par les internautes via des figures devenues mythiques sur le net tel Grumpy Cat, des montages photos, par exemple ceux sur la défaite récente du PSG face au FC Barcelone ou des vidéos du mème Emmanuel Macron.

Les stratégies sont nombreuses et évoluent avec les technologies actuelles. Ainsi, la réalité virtuelle peut nous donner le sentiment de piloter un avion, Facebook live vous permet de participer à un concert privé, les photos 360° offrent une nouvelle dimension sensorielle.

Dans ce monde du clic, le teasing est indispensable pour donner envie de lire ou de regarder. Mais la guerre du clic est telle qu’une nouvelle stratégie web prend une ampleur considérable sur Internet : le putaclic.

 

Quand le teasing se transforme en putaclic

Nous avons tous déjà cliqué sur un lien qui avait attisé notre curiosité. Et nous avons tous déjà été déçus par cette prolifération d’inepties, de fakes, d’absence de contenu.

Tout commence souvent par l’ouverture de pop-up, de mails classés dans les spams ou de mails plus ou moins louches. Vous êtes tombés sur du putaclic.

Le putaclic (dit aussi incentive clic ou clickbait) consiste à prioriser la forme plutôt que le contenu, qui brille par son absence. Les promesses racoleuses du titre ne seront jamais respectées. Son seul objectif : générer du clic.

Comme l’indique le YouTubeur Absol, il existe plusieurs techniques pour produire un titre putaclic parmi lesquelles :

Ajoutons qu’en général, les listes ou photos sont éparpillées sur de nombreuses pages, autant d’URL sur lesquels vous allez devoir cliquer pour accéder à l’ensemble du contenu.

Au-delà des titres évocateurs, il n’est pas rare d’être spammé par des publicités intégrées à ces sites, avec des liens sponsorisés qui vous expliquent comment gagner 10 000 euros en une semaine, devenir trader, rencontrer les plus belles femmes ou agrandir votre pénis.

Pire encore, certains sites deviennent des spécialistes des fake news en proposant des informations qui ne peuvent pas être vérifiées par des instances d’autorité.

Pourquoi faire du putaclic ?

La transformation digitale a augmenté la concurrence entre tous ceux qui cherchent à augmenter leur notoriété en ligne. Le clic est une question de survie pour certains sites et vidéastes.

La vidéo en ligne est un nouvel espace de communication prometteur : elle s’est installée sur les plateformes sociales comme Facebook, Instagram ou Snapchat. Dans la publicité vidéo, les investissements ont augmenté de 35 % entre 2015 et 2016.

La stratégie putaclic représente donc un enjeu lucratif lié aux publicités. Grâce au web, il est possible de se forger une image, d’acquérir une clientèle, d’avoir de nouveaux visiteurs (sur sa page ou son site Internet). Pour gagner de l’argent, des solutions comme AdSense de Google vendent le trafic généré par votre site Internet. Ainsi, les annonceurs gagnent de l’argent grâce à la technique du coût par clic (CPC) en vous incitant à cliquer sur un mot, une phrase, une image, ou une vidéo.

Certaines entreprises en ont d’ailleurs fait leur cœur de métier. En 2015, l’émission Le Tube, sur Canal+, consacrait un reportage à ces entreprises de marketing viral aux nouveaux modèles d’affaires comme Buzzfeed ou Minutebuzz qui se spécialisent dans le repérage de vidéos virales, l’objectif étant de racheter les droits d’auteur au vidéaste pour devenir propriétaires de la vidéo. En septembre 2015, Jukin media devenait ainsi le détenteur de Pizza Rat … et des clics qu’il allait occasionner.

Lutter contre le putaclic : une question de morale ?

Le putaclic n’est pas interdit. Malgré une tentative de vérification de certaines plateformes, par exemple Cross-Check, dont l’objectif est d’identifier et de discréditer les sites diffuseurs de fausses informations, le putaclic reste une méthode comme une autre.

C’est la simple loi de l’offre et la demande : si vous avez des clients qui raffolent du putaclic, pourquoi ne pas en profiter ?

Si vous voulez être traitée de pornstar du web ou de boobie streamer, à l’image des joueuses de jeux vidéo sur twitch.tv dont le principe vise à orienter l’angle de la caméra vers le décolleté de la joueuse, libre à vous.

La morale dans tout ça : voulez-vous générer des clics relatifs à du contenu, des connaissances ou voulez-vous faire du simple buzz ? Voulez-vous user de la crédulité des individus, mentir pour faire du business ? Souhaitez-vous contribuer à nuire au contenu du web ou au contraire à le rendre plus intéressant ?

Si vous souhaitez explorer un petit florilège de putaclic, cliquez sur le lien suivant.

Et si jamais vous manquiez d’inspiration pour faire du buzz, voici un générateur de putaclic.

Enfin, pour ouvrir le débat,le titre de cet article est-il à classer du côté du putaclic ou du bon teasing ? À vous d’en juger…

 

Cet article a été rédigé par Romain Sohier, Enseignant-chercheur en Marketing – Laboratoire Métis, École de Management de Normandie, initialement pour le site internet The Conversation.

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