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« Formez-nous au BtoB ! » Par S. Lacoste, professeur à KEDGE BS

Sylvie Lacoste est enseignant-chercheur au sein de KEDGE Business School, spécialisée dans le B2B : achats/marketing-commercial et l’interaction grands comptes / fournisseurs (publication de « Management des grands comptes » aux éditions Pearson Education). 

Préalablement à sa carrière académique, elle a travaillé pendant près de 20 ans dans des grands groupes industriels dans des fonctions de développement commercial à l’international. Elle signe pour Business Cool cette tribune afin d’alerter le monde des Grandes Ecoles sur la surpondération des cours traitant du BtoC en cours, en décalage avec la réalité des besoins actuels des recruteurs. 

 

Pourquoi l’enseignement des thématiques liées aux relations inter-entreprises, appelées Business-to-Business (BtoB), est-il le parent pauvre des écoles de commerce post prépa en France ?

Le journal Les Echos consacrait en 2016 toute une page au directeur commercial d’Airbus qui a vendu 15 000 avions de la société, mais ce focus médiatique sur le métier de commercial en BtoB laisse insensible la plupart des écoles de commerce au sein desquelles les industries du BtoB (emballage, ingrédients, chimie, équipements industriels et beaucoup d’autres !) restent dans l’ombre alors que les entreprises de biens de consommation sont surreprésentées…

Pourquoi ce choix de laisser de côté ou de marginaliser tout un pan d’activités des entreprises et de formation aux métiers du marketing et du commercial dans leur aspect « Business-to-Business » alors qu’il existe en France plus de 235 000 entreprises industrielles qui représentent 10 % du PIB ?

Au niveau mondial, une étude intitulée « Business-to-business buying : challenges and opportunities[*] » indique même que les transactions mondiales en BtoB représentent 50 milliards de dollars.

Il s’agit tout d’abord d’un choix par défaut : dans le paysage universitaire français, les professeurs ayant choisi de se spécialiser dans le marketing ou le commercial BtoB sont rarissimes : de facto, les thèses de doctorat soutenues dans ces domaines sont rares.

Nous sommes ainsi dans un cercle vicieux : les professeurs sont rares, donc les cours sur ces thématiques sont rares, donc peu d’étudiants qui poursuivent vers un doctorat vont s’orienter vers ces thématiques dont ils n’ont jamais entendu parler… Et certains de ces étudiants deviennent ensuite professeurs en écoles de commerce.

En conséquence, une vaste majorité des professeurs enseignant le marketing en école de commerce ont une expertise limitée au « Business-to-Consumer » (BtoC), car ils sont eux-mêmes consommateurs et se diriger vers une expertise sur différents aspects de la consommation leur paraît familier tandis que le BtoB est une boîte noire, que seule une expérience du monde de l’entreprise peut ouvrir. Parfois, un stage, une expérience, une rencontre permettent d’éveiller la curiosité pour ce domaine, mais cela ne concerne qu’une faible minorité d’étudiants et de futurs professeurs !

Je me souviens avoir interpellé une collègue dans une école post prépa du Nord-Ouest de la France en lui faisant remarquer que le cours de « Marketing Fondamental », qui était le seul cours de marketing que les étudiants qui allaient se spécialiser vers d’autres thématiques et fonctions de l’entreprise allaient recevoir, n’était orienté que BtoC et qu’il faudrait prévoir une session au moins, pour leur faire prendre conscience d’un autre aspect du marketing que représente le BtoB. Sa réponse fut édifiante : mais je ne connais rien au BtoB….

C’est ainsi que les étudiants, particulièrement dans certains programmes Grande Ecole, sont privés de cours en BtoB.

Il existe, bien sûr, des exceptions notoires : la proximité de Toulouse BS avec Airbus lui a permis de renforcer une expertise BtoB s’appuyant sur l’aéronautique ; l’emlyon fut pendant longtemps un centre d’expertise s’appuyant sur un réseau industriel important dans la vallée du Rhône, mais seule Kedge BS possède aujourd’hui, à ma connaissance, un centre d’expertise composé d’une équipe d’une dizaine d’enseignants chercheurs sur cette thématique.

Le manque de parcours de formation, surtout dans les programmes Grande École, n’est pas le seul point noir : les étudiants ont (1) peu d’appétence pour ces métiers qu’ils ne connaissent pas, (2) ont une vision négative, voire caricaturale, de certains métiers, tel que le commercial.

Le manque de communication sur ces métiers du BtoB et la pauvreté des formations est d’autant plus choquante que les débouchés existent – les entreprises recherchent des commerciaux au niveau Master pour travailler dans des environnements de plus en plus complexes et compétitifs ; les industriels de produits de grande consommation, qui trouvent sans mal des jeunes attirés par le marketing, ont plus de mal à trouver des chefs de secteurs de bon niveau pour travailler avec la distribution.

Xerox a ainsi lancé sa propre école de vente pour pallier le manque de jeunes cadres commerciaux formés à ce métier. Selon regionjob.com la hausse des offres d’emplois pour commerciaux BtoB entre juillet 2015 et avril 2016 s’est accrue de 11%…

Il serait donc souhaitable que les écoles de commerce élargissent leur offre de formation, mais surtout, (1) qu’elles initient les cohortes de jeunes étudiants de leur programme Grande Ecole à ces métiers, et pour ceux qui y trouveraient un intérêt, (2) qu’elles leur offrent la possibilité de suivre un parcours dédié à ces métiers afin qu’ils puissent faire le choix de s’y diriger professionnellement.

 

 

 

Sylvie Lacoste est enseignant-chercheur au sein de Kedge Business School, spécialisée dans le B2B : achats/marketing-commercial et l’interaction grands comptes/ fournisseurs (publication de « Management des grands comptes » aux éditions Pearson Education). 

Préalablement à sa carrière académique, elle a travaillé pendant près de 20 ans dans des grands groupes industriels dans des fonctions de développement commercial à l’international.

 

[*] Grewal, R., Lilien, G. L., Bharadwaj, S., Jindal, P., Kayande, U., Lusch, R. F., & Spekman, R. (2015). Business-to-business buying: challenges and opportunities. Customer needs and Solutions2(3), 193-208.

 

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