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Vins de Bordeaux à moins d’un euro la bouteille : une guerre des prix pernicieuse

Directeur de la Wine & Spirits Academy du groupe KEDGE Business School, Jacques-Olivier Pesme répond à nos questions sur la stratégie agressive de l’enseigne Carrefour, qui propose désormais des vins de Bordeaux à moins d’un euro la bouteille.

En premier lieu, combien de magasins de l’enseigne Carrefour proposent ce tarif défiant toute concurrence (0,96€ la bouteille de bordeaux rouge AOC) ?

J-O Pesme : Je ne sais pas. Je crois qu’on parle de 150 000 bouteilles, Disons quelques dizaines de magasins donc.

Vous évoquez une stratégie de guerre de prix pernicieuse à plus d’un titre ; elle desservirait à la fois les producteurs, la grande distribution et les consommateurs. Pouvez-vous développer ?

Oui c’est une guerre des prix qui tire les tarifs vers le bas sur un produit vivant, de confection agricole et artisanale. On peut penser qu’à moins de 3-4 euros la bouteille, il n’y  pas de « raisons d’existence », a fortiori pour les vins français. Les producteurs sont perdants évidement, les consommateurs aussi car la qualité suppose un travail d’homme, appliqué et chronophage. Un prix trop bas ne peut aller de pair avec une exigence qualitative.

Quel serait alors le juste prix qui permettrait aux enseignes de rester attractives sans altérer l’image qualitative des bordeaux ? On sait que la concurrence des circuits de distribution courts se fait sentir…

Il n’y pas de prix juste, mais probablement un prix minimum en deçà duquel les bordeaux ne devraient pas aller. Je le situe aux alentours de 3 euros, 4 euros pour être décent même.

Au sujet des circuits courts, on assiste à une embelli de canaux de distribution qu’on pensait désuets, à l’instar des cavistes. Dans un tout autre registre, Le commerce en ligne se développe beaucoup en jouant la carte de la proximité, de la mise en relation direct et des conseils aux consommateurs.

 

Six ans après sa mise en place, quel bilan tirez-vous du programme « Bordeaux Demain » censé promouvoir et dynamiser la filière viticole bordelaise ?

Objectivement plutôt bon ! La situation des vins de bordeaux est meilleure qu’elle ne l’était il y a 6 ans. On peut le constater grâce à un indicateur fondamental : le prix du tonneau. Au moment de la mise en place de Bordeaux Demain, il se situait autour de 700 euros. Depuis 2010, c’est plutôt 1100-1300 euros.

Par ailleurs, Le marché de l’exportation s’est consolidé grâce notamment à la Chine, même s’il y a eu des périodes de creux. (ndlr : Depuis 2013, le président chinois Xi Jinping s’est lancé dans une campagne anti-corruption nationale qui a fragilisé le marché du luxe, des vins et des spiritueux dans le pays.)

Plus généralement, quel regard portez-vous sur la filière viticole et ses perspectives nationales, européennes, internationales ?

Elles sont bonnes. D’un point de vue macroéconomique, le marché du vin est en croissance, tiré par des leviers comme les marchés émergents : la Chine, les Etats-Unis qui continuent d’être un gros marché 15 ou 20 ans après l’explosion de la demande des années 1990. Il y a aussi la Russie ou le Brésil, dont les modes de consommation s’occidentalisent depuis quelques années. In fine, on a beaucoup de nouveaux consommateurs, certes occasionnels. Le marché est donc porteur mais qui n’empêche pas des situations de concurrence, donc de crise. En France ou en Espagne, le nombre important d’acteurs sur le marché peut parfois poser problème.

 

La spécialisation Wine & Spirit est donc toujours porteuse pour les étudiants issus d’école de commerce ?

Bien sûr ! Il y a plein d’opportunités. C’est un marché qui est en restructuration, aussi bien dans les marchés historiques que sur les nouveaux marchés. Il y a une vraie demande de profils pour assurer l’importation ou la production.

 

Pour conclure, pouvez-vous présenter à nos lecteurs l’institution que vous dirigez, la « Wine & Spirits Academy » du groupe KEDGE Business School ?

C’est le centre d’expertise de KEDGE en matière de vin et de spiritueux avec deux axes principaux qui se déclinent : Métier historique, offre de programme en vin et spiritueux, master, mais également des classes, des modules de cours que l’on délivre dans nos programmes généralistes

Il y aussi un appui au développement économique de la filière vins et spiritueux en France et à l’étranger, c’est-à-dire des activités auprès de domaines viticoles, d’appellations, d’institutions gouvernementales et non-gouvernementales. Du fait de la restructuration de la filière viticole que j’ai évoquée auparavant, ces organes ont besoin d’une expertise et de conseils avisés.

 

 

A propos de Jacques-Olivier Pesme :

Jacques-Olivier Pesme est le Directeur de la Wine & Spirits Academy du groupe KEDGE Business School. Titulaire d’un double doctorat (Université de Bordeaux et Université de Floride), spécialiste des stratégies d’acteurs, des territoires et des marchés internationaux, il intervient régulièrement auprès d’entreprises privées et différentes institutions publiques nationales et internationales (CNUCED, OMC, UE, Nations-Unies…). Il est fondateur et responsable d’une collection publiée en collaboration avec l’Organisation Mondiale du Commerce à Genève. Administrateur de l’Institut des Sciences de la Vigne et du Vin (Faculté d’œnologie de Bordeaux), et 1er lauréat du prix Oenovation en 2004 pour la meilleure innovation technologique dans le vin, il est chroniqueur radio sur l’émission InVino BFM et collabore avec des organisations de la filière vin en France et à l’étranger. Classé parmi les personnalités les plus influentes du monde du vin (RVF 2015) pour son travail d’accompagnateur du secteur, il travaille actuellement auprès du gouvernement fédéral canadien sur les perspectives de développement et de structuration de la filière viti-vinicole canadienne. Jacques-Olivier Pesme est vice-président fondateur du Wine & Business Club de Bordeaux.

 

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