Analyse

Pourquoi les PGE sont-ils si chers ? Interview de Frank Bournois, Dean de l’ESCP

C’est un fait, le coût des écoles de commerce ne cesse d’augmenter. A tel point que la question « Comment vais-je financer mes études ? » peut devenir une réelle source de préoccupation pour les étudiants. 

Et comme si cela ne suffisait pas, les élèves d’ESC se heurtent souvent à l’incompréhension de leurs proches concernant ces frais de scolarité nettement supérieurs à ceux de la plupart des autres formations en France. Entre le méprisant “En fait, tu achètes ton diplôme” et le pseudo-compatissant “Tu auras fini de rembourser pour la retraite ?”, que répondre à ceux qui nous demandent pourquoi nous avons fait le choix de nous endetter à ce point à une vingtaine d’années ? Pourquoi, pendant que les élèves de Polytechnique ou de l’ENS sont payés pendant leurs études, ceux d’HEC doivent-ils débourser 46 000 euros ?

Frank Bournois, Dean et Executive President du PGE de l’ESCP Europe, l’école au PGE le plus cher de France (compter plus de 47 000 euros à partir de cette année), nous explique tout.

 

1/ La principale question que se posent les étudiants est “Que devient mon argent ?”

En effet, 47 400 euros x 350 étudiants en 1A = 16,59M d’euros sur 3 ans rien que pour la
promotion des admis 2018, sans compter les AST qui intégreront cette promo en master.
Comment est utilisé cet argent ?

Cette année nous accueillons 5 000 élèves. Le coût annuel moyen d’un élève à ESCP Europe est de 20 000 euros pour un budget global de 100 Millions d’euros. Nos frais de scolarité actuels couvrent donc une partie seulement des coûts associés aux programmes.

La scolarité d’un élève de pré-master chez nous comprend 450 heures de cours, supérieur de 50% à certaines écoles de même rang que le nôtre. Le ratio étudiants/professeurs permanents de ESCP Europe est un des plus importants des écoles du top 10.
Aussi les frais de scolarité payés par les élèves sont investis dans des services et des cours de très haute qualité, dispensés par un corps professoral exigeant, dans un environnement multiculturel unique au monde et stimulant, avec 57% d’étudiants non-Français sur l’ensemble des programmes, un des meilleurs standards. Nous avons mis en place un module « Fast track your career » accessible pour nos Pré-master et M1, qui comprend des cours de développement personnel et un accompagnement professionnel en ateliers. Nous travaillons également sur un projet de digital learning center unique sur le campus de Paris.

2/ Selon vous, faut-il faire des efforts de communication auprès des étudiants pour justifier cette hausse ?

Si oui, comment vous y prenez-vous ?

Nous avons toujours été transparents sur les augmentations des frais de scolarité et tout élève entrant à l’école connaît à l’euro près le coût de ses frais de scolarité sur 3 ans. A l’initiative de la direction un amphithéâtre abordant le sujet de la transformation de l’école a eu lieu l’année dernière.

L’association étudiante représentative de tous les programmes, Agora, siège au Conseil d’Administration et fait le lien avec entre l’administration et les étudiants notamment sur ces sujets. Son président est parfois membre invité du Comité Exécutif.

De plus, que ce soit Léon Laulusa, DGA en charge des affaires académiques et des relation internationales, ou moi-même, nous entretenons d’excellents rapports avec les étudiants, avec lesquels nous avons souvent l’occasion d’échanger sur cette problématique comme sur d’autres.

 

3/ Pourquoi un investissement massif dans la recherche ?

Dans le rapport du Commissaire aux comptes sur les comptes annuels de la Fondation
ESCP Europe (avril 2018), sur l’année 2017, votre plus gros poste de dépenses était le
financement de projets, notamment avec la catégorie Recherche (presque 2 millions
d’euros sur 3,2).

Comparatif entre 2017 (colonne du milieu) et 2016 (colonne de droite)

La Fondation dispose d’une gouvernance distincte de celle de l’école. Son objet est d’accompagner l’école dans ses grands projets de développement et d’attribuer des bourses pour que l’excellence soit accessible à tous. Elle soutient également les activités de recherche et d’enseignement de l’école à travers le financement de Chaires, de Professorships et du programme doctoral ESCP Europe. En 2017, elle a par exemple financé 9 bourses doctorales attribuées aux candidats sans revenu et sur critères élevés d’excellence.

Investir dans la recherche est essentiel pour l’école car elle contribue à l’excellence, l’expertise et la reconnaissance internationale de l’école. Cet investissement se traduit dans nos bons classements, et la reconnaissance par les trois grands accréditeurs internationaux (AACSB, EQUIS et AMBA).

A ESCP Europe, nous développons une recherche résolument orientée sur l’international et
l’Europe en lien avec les transformations sur la société et le monde des affaires.

 

4/ Votre PGE est un des rares à dépasser les 15 000 euros/an en moyenne. Pourquoi cette différence de prix avec d’autres écoles ?

D’abord, l’écart actuel de tarifs est inférieur à 1 000€ avec nos concurrents français directs
sans parler de nos concurrents européens et internationaux.
Pour les admis sur titre en deuxième année, nous sommes moins chers que d’autres.
Et ne vous y trompez pas, certains de nos concurrents français se préparent à des hausses substantielles.
Par ailleurs, la gestion, la coordination, le fonctionnement et l’entretien de 6 campus urbains implantés dans toute l’Europe entraînent inévitablement des coûts élevés. Cependant nous sommes très fiers de modèle paneuropéen car il enrichit les profil des étudiants. C’est grâce à leur expérience multiculturelle, à leur mobilité et leur capacité d’adaptation qu’ils peuvent prétendre à d’aussi beaux postes dans de grandes entreprises.

 

5/ Au début de l’année, votre école a changé de statut pour adopter celui de société anonyme d’enseignement supérieur.

En quoi consiste ce nouveau statut ?

Sous la présidence du président du directoire des Galeries Lafayette, Philippe Houzé, nous sommes devenus le 2 janvier 2018 ce qu’on appelle un EESC (Établissement d’enseignement supérieur consulaire) et non une société anonyme d’enseignement supérieur. ESCP Europe dispose ainsi d’une identité juridique propre – le Directeur général en étant le mandataire social -, alors qu’elle était jusqu’ici un service de la CCI Paris Ile-de-France qui possède toujours 99,90% des parts sociales. A terme, d’ici 2022, nous bénéficierons d’une autonomie financière totale, conformément au Business plan élaboré et validé avec notre actionnaire.

 

Est-ce que la hausse de vos frais de scolarité est liée à ce changement de statut ?

C’est bien entendu corrélé. Les Chambres de commerce qui contribuaient au tiers du budget des écoles dans les années 80 ne contribuent plus qu’à hauteur de 8% en 2018 et 0 en 2021, du fait des réductions de leurs ressources publiques. D’où la nécessité pour les écoles de développer leurs fonds propres. Notre statut d’EESC, partagé par HEC, GEM, Neoma et d’autres, nous interdisant de verser des dividendes aux actionnaires, notre finalité est donc d’équilibrer notre budget, voire de réinvestir nos résultats dans le développement de l’école (infrastructures, services aux étudiants…).
Nous développons également nos ressources issues de l’Executive Education, autre moteur de croissance pour financer les activités de l’école.

 

Pour en savoir plus : quand les écoles s’inquiètent pour leur avenir et leur développement futur.

 

6/ Comment fonctionne votre système de partenariats avec des entreprises ?

La majorité de vos dons et subventions provient d’entreprises et de conventions (>2,5
millions d’euros sur <3,8 millions), parmi lesquelles Valeo Schneider, Renault, Safran,
Lectra, Leclerc, … Pouvez-vous nous expliquer comment fonctionne ce système ? Qu’ont à gagner ces entreprises en échange de leurs dons parfois très élevés ?

Ce système de partenariat avec des entreprises, que vous décrivez, est en fait ce que nous appelons des chaires. C’est juridiquement une opération de mécénat. Une chaire est le fruit d’un partenariat noué entre ESCP Europe et une ou plusieurs entreprises autour d’une convergence d’intérêt pour un domaine de recherche. C’est un espace de réflexion et de partage, un lieu privilégié où l’entreprise peut transmettre son expertise tout en soutenant des activités de recherche et d’enseignement dans des domaines ou des métiers spécifiques. On a l’habitude de dire qu’elles constituent une passerelle entre le monde académique et l’entreprise.

A ESCP Europe, elles permettent aux entreprises de travailler sur des problématiques avec les meilleures chercheurs européens et internationaux, de les positionner dans l’espace public comme un acteur majeur sur un sujet donné et de renforcer leur marque employeur en donnant un accès privilégié à la communauté étudiante de ESCP Europe.
La fiscalité française est très favorable pour l’attribution de ces dons mais elle l’est également, à une moindre échelle, en Grande-Bretagne et aux Etats-Unis.
En 2018, l’école compte 11 chaires et professorships.

 

 

7/ Dans quelle mesure le salaire moyen à la sortie a-t-il augmenté en parallèle de la hausse des frais de scolarité ?

La rentabilité d’un investissement dans une Grande Ecole se mesure à l’aune d’une carrière
professionnelle entière. A ESCP Europe, le coût du programme représente 10,5 mois de son
salaire en début de carrière. Le taux d’insertion professionnelle à la sortie de l’école est de 98%, un des meilleurs en Europe et le meilleur en France selon le classement 2018 des Masters in Management du Financial Times.

 

Sur le même sujet : Quand les étudiants doivent faire des petits boulots pour financer leurs études

 

8/Quels sont les moyens et aides mis à la disposition des étudiants pour financer ces frais en hausse ?

Sur l’année scolaire 2017-2018, 196 étudiants ont eu une bourse sur critères sociaux (en
augmentation de 12% par rapport à 2016-2017) parmi lesquels 66 étudiants ont eu une
exonération à 100% de leurs frais de scolarité.
Pour les étudiants du concours international SAI, qui ne peuvent pas prétendre aux bourses sur critères sociaux, des bourses au mérite sont attribuées. 33 étudiants en ont bénéficié.

Les étudiants peuvent recevoir des bourses par d’autres organismes :
● Le Crous (campus de Paris) : 201 étudiants
● Bourses Banque San Paolo (Campus de Turin) : 36 étudiants
● Bourses Université Franco Allemande (Campus de Berlin) : 26 étudiants
● Bourses Erasmus (études, stages) : 120 étudiants
● Autres bourses de mobilité (campus France, Conseil Régional…) : 32 étudiants
La Fondation ESCP Europe assure un formidable travail pour récolter des dons, avec lesquelles elle finance notamment des bourses d’études, d’urgence ou de mobilité. En octobre 2018 elle a par exemple organisé un gala de charité à Londres qui a permis de lever en une soirée 250.000€ dédiés aux bourses.
Il existe également d’autres solutions de financement telles que l’apprentissage. 150 étudiants en moyenne en bénéficient.

Enfin, on sait que l’emprunt moyen chez les élèves de ESCP Europe est de 60 000 euros à
0,7% (Société Générale, BRED, BNP Paris) ou 0,8 % (Le Crédit Lyonnais). Il faut préciser que beaucoup d’écoles ont des taux supérieurs (autour de 1%) avec leurs banques partenaires. Ces taux bas attestent de la reconnaissance par les entreprises de la fiabilité de l’investissement consenti.

 

 

Nous remercions M. Frank Bournois pour ses réponses détaillées et ses éclaircissements.

 

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