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Les Junior Entreprises, nouvelles victimes de l’ubérisation ?

Véritables entreprises au sein des écoles, les Junior Entreprises sont des associations emblématiques des Business Schools. Toutefois, de nouveaux concurrents innovants semblent vouloir s’attaquer à leur marché. Les JE sont-elles en danger ?

Uberisation : késako ?

Uber est une firme américaine qui s’est attaquée au monopole des taxis en créant une plateforme digitale de mise en relation entre chauffeurs privés et clients. L’ubérisation c’est donc la mise en relation digitale d’un prestataire et d’un client : l’ubérisateur centralise l’offre et la demande. Sur la plateforme, les prix se fixent en temps réel, on frôle théoriquement la concurrence pure et parfaite.

Théoriquement, une Junior Entreprise est parfaitement ubérisable. En effet, il suffit de créer une plateforme sur laquelle étudiants qualifiés et entreprises clientes se rencontrent. C’est le principe de Crème de la Crème. Grâce à eux « les étudiants des meilleures écoles de France se mettent au service des entreprises », sans passer par une Junior Entreprise. Le site revendique plus de 20 000 étudiants offrant un éventail de services pléthorique. On y retrouve les missions qui ont fait le succès des Juniors Entreprises d’école de commerce comme le benchmark concurrentiel ou la réalisation de business plan. Mais surtout, grâce aux étudiants ingénieurs, Crème de la Crème propose une offre digitale très complète : data mining, web scrapping, codage par exemple.

Une menace réelle ?

Comment ce nouvel acteur est-il perçu par les JE ? Nous avons demandé au précédent président de la Confédération Nationale des Junior-Entreprises ce qu’il en pensait :

 

Selon la CNJE, quel est le risque d’ubérisation du secteur des JE ?

Romain Tanguy, ancien président de la CNJE : Selon nous, le risque est assez faible, et ce pour plusieurs raisons.

Nous avons certes pris du retard, mais nous anticipons les futurs enjeux technologiques et sociétaux auxquels nous sommes et seront confrontés (digitalisation / boom entrepreneurial, etc.). En découlent une sensibilisation accrue de nos Junior-Entrepreneurs à ces nouvelles dynamiques mais aussi un nouveau site Internet qui nous permettra de capter plus d’appel d’offres.

Ensuite, si ubérisation il y avait, elle se ferait en proposant des prestations différentes et à plus faible plus-value, tout simplement parce que ce sont des auto-entrepreneurs individuels qui gèrent les projets et non des structures. Il faut également enlever à cela l’expérience de la relation client et du suivi de projet, que nos structures, elles, ont, certaines depuis 50 ans.

Enfin, le mouvement des Junior-Entreprises a un demi-siècle, s’est exporté dans le monde entier, fait partie intégrante du paysage associatif de l’enseignement supérieur français. Nous sommes en contact permanent avec les entreprises du tissu économique français et international, les institutions publiques, les réseaux d’influence. Notre marque compte, et nos nombreux soutiens ne sont pas prêts de nous abandonner, au contraire, ils sont de plus en plus nombreux !

 

Les plateformes comme « Crème de la crème » sont-elles pour vous des concurrents ?

Romain Tanguy : Ce ne sont pas nos concurrents à proprement parler, dans le sens où les prestations qu’elles proposent sont incomparables. Là où elles nous feraient éventuellement concurrence, c’est dans l’attraction de talents. Les Juniors Consultants constituent une part importante de la plus-value d’une mission. Il nous faut être en mesure de continuer à les séduire par la nature des missions que l’on propose.

 

Y a-t-il des JE mieux armées que d’autres pour résister à ce risque d’ubérisation ?

Romain Tanguy : Effectivement. Les Junior-Entreprises qui ont repensé la façon d’exercer leur activité, en créant une véritable expérience client, supporteront mieux d’éventuelles concurrences. Surtout, ce sont celles qui parviennent à construire une relation de fidélité avec les étudiants de leur école qui parviendront le mieux à recruter les meilleurs profils pour leurs missions. Toutes n’ont pas intégré ces dimensions, mais la CNJE s’efforce de diffuser ce message, assez nouveau, auprès de ses Junior-Entreprises.

Ainsi, peu de raisons de s’inquiéter pour la CNJE. Mais attention, si les JE disposent d’avantages certains et précieux (contacts, structure, réputation) elles pêchent en certains points :

  • Le degré de compétence de ses membres. Dans la majorité des écoles, les Junior Consultants sont en deuxième année et ne consacrent que quelques heures par semaine à la Junior Entreprise. Ils ont donc moins de compétences que certains étudiants free-lance et très spécialisés.
  • Le coût de la structure. Si elle représente un gage de qualité, la structure d’une JE n’en reste pas moins plus coûteuse qu’une simple plateforme. Pour une même demande, certaines JE demandent jusqu’à quatre fois plus qu’un étudiant en freelance.
    • Une offre limitée. Les Juniors Entreprises sont soumises à des règles strictes, parmi lesquelles n’offrir que des services étant l’application des cours enseignés. Il est donc difficile pour une JE d’école de commerce de fournir les services les plus demandés sur Crème de la Crème (Créer une plate-forme web, créer un site d’e-commerce, développer une application). Il s’agit d’un véritable frein quand on sait que « 79% des entreprises collaborent ou prévoient de le faire avec des partenaires externes pour développer leur stratégie digitale ». Pour palier ce manque, certaines JE d’écoles de commerce (ESCP et AUDENCIA notamment) s’allient avec des JE d’école d’ingénieurs.

En somme, les « ubérisateurs » sont effectivement des menaces pour les JE. Celles-ci ne s’y sont pas trompées et la CNJE essaie de peser de tout son poids en coulisses pour empêcher cette ubérisation. Pourtant, grâce à leurs réseaux et réputation, les Juniors Entreprises qui sauront prendre le virage de l’offre numérique ont encore de beaux jours devant elles.

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